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Qu’avez-vous fait de vos 20 ans (de substitution) ?
Anecdotes, militantisme, enthousiasme ou réticences… Pharmaciens d’officine, groupements et répartiteurs partagent leurs souvenirs.
Philippe Dauphin
titulaire à Beauchamp (Val-d’Oise) Au début, il fallait affronter les réticences des patients. Beaucoup d’entre eux associaient « moins cher » à « moins bonne qualité », mon équipe et moi-même étions dans nos petits souliers pour jouer le jeu des génériques. Nous redoutions toujours que nos patients, en acceptant mal la substitution, suivent mal leur traitement. Un jour, l’un d’entre eux est resté de marbre alors que je lui proposais de remplacer son médicament princeps par un générique. Son regard était fixe, son visage impassible, il ne bronchait pas. J’ai poursuivi mon argumentaire pour le convaincre puis, soudainement, il est devenu tout pâle. Il avait fait un malaise vagal et j’ai eu juste le temps de sortir de derrière le comptoir pour le rattraper avant qu’il ne tombe.
Noëlle Davoust
titulaire à Rennes (Ille-et-Vilaine) J’ai été une militante de la substitution, engagée de la première heure. Cela n’a pas été simple, sans accompagnement de l’Etat, sans communication du principal intéressé – l’Assurance maladie – resté étrangement silencieux. Les pharmaciens ont dû se battre seuls dans la fosse aux lions, contre l’hostilité des médecins, la réticence des patients et les campagnes de dénigrement des laboratoires de princeps. La substitution d’un médicament par un autre a provoqué des inquiétudes, en particulier, chez les personnes âgées, contribuant parfois à créer un effet nocebo, y compris avec les autogénériques. Ce combat m’a souvent desservie car la substitution m’a fait perdre des clients qui étaient totalement hermétiques au générique. L’Etat nous a donné les clés en nous valorisant mais le droit de substitution a été, au démarrage, un cadeau empoisonné.
Bernard Abahouni
Titulaire à Vaulx-en-Velin (Rhône) L’exercice du droit de substitution, au moment de sa mise en place, a été extrêmement compliqué en raison de la résistance des médecins. Désormais, il est rentré dans les mœurs mais il aura fallu près de 20 ans pour que ce droit soit acquis et acté, pour que le changement des mentalités et des comportements s’opère complètement. Je constate aussi qu’en 20 ans notre métier s’est considérablement médicalisé.
Anne Aubry
titulaire à Nice (Alpes-Maritimes) Vingt ans après l’arrivée de la substitution, l’acceptation des patients à l’égard du générique reste fragile. Une forte proportion a toujours l’impression qu’on leur délivre un sous-médicament et ceux qui les refusent continuent à me demander le « vrai médicament ». C’est assez consternant mais surtout cela devient fatigant de répéter toujours la même chose et de leur expliquer qu’avec le générique c’est le même traitement. Je préférerais consacrer ce temps à d’autres aspects plus intéressants de l’analyse de leurs ordonnances.
Lucien Bennatan président du groupe PHR
Le groupe PHR a réclamé le droit de substitution depuis 1996. A la veille de l’arbitrage politique entre la « petite substitution » et la « grande substitution », nous avons adressé une lettre à Bernard Kouchner, alors secrétaire d’Etat à la Santé, dans laquelle nous avons milité pour la « grande substitution ». Dans cette lettre, nous lui avons expliqué que le droit de substitution serait un acte fondateur du « pharmacien acteur de santé », l’impliquant davantage dans la prise en charge de la santé du patient. Mais aussi que l’heure était venue de faire tomber la mainmise de l’industrie pharmaceutique sur le stylo des médecins et de redonner du sens à l’acte de dispensation du pharmacien en lui laissant le choix de la marque. Je me souviens qu’au moment de son annonce en faveur de la « grande substitution » sur M6, Bernard Kouchner avait répondu au journaliste de cette chaîne qu’il se « fichait » de la réaction de l’industrie pharmaceutique et, tout au long de cette interview, je retrouvais dans la tonalité de ses réponses celle de notre courrier.
Daniel Bullet titulaire à Tarbes (Hautes-Pyrénées)
Grâce au droit de substitution des pharmaciens qui a été un combat de tous les jours, l’Assurance maladie a économisé 25 Md€. Je regrette que l’Etat n’ait pas suffisamment communiqué sur cette performance et qu’il n’y ait pas eu plus de reconnaissance pour le travail accompli par la profession. Pendant 2 décennies, les pharmaciens ont été sous pression permanente pendant que les médecins ont été ménagés. A présent, je constate un effet de balancier inverse où la pression est maintenant sur les médecins puisque l’Etat leur impose de prescrire en dénomination commune internationale (DCI) et davantage dans le Répertoire des génériques et d’apposer le moins possible de mention « Non substituable » sur leurs ordonnances. On est, en principe, dans un pays de libertés, où le médecin peut librement prescrire, le pharmacien librement dispenser et le patient librement choisir ses médicaments. Malgré les contraintes budgétaires qui pèsent sur ces 3 acteurs, le droit de substitution reste une belle victoire.
Jean-Baptiste De Coutures
président de Giphar En 20 ans, les pharmaciens sont parvenus à faire accepter les médicaments génériques aux patients. Mais le travail n’est pas terminé, il consiste maintenant à replacer le patient au centre du dispositif. Comment ? En banalisant le médicament générique et en lui collant une image et un nom qu’il n’a jamais eus jusqu’ici. Il convient maintenant de parler simplement de « médicament » au patient quand le pharmacien lui délivre la copie d’un princeps et non plus de « médicament générique » .
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Emmanuel Déchin
délégué général de la chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (csrp) Au démarrage de la substitution, le marché du générique représentait de faibles volumes et peu de références, l’approvisionnement en phase d’amorçage transitait peu chez les grossistes-répartiteurs, beaucoup par le circuit des ventes directes. Puis, les références et les volumes de génériques se sont développés. En 2008, le marché comptait 299 millions de boîtes de génériques en vente directe et 253 millions pour la répartition, alors qu’en décembre 2018, le marché atteignait 205 millions de boîtes de génériques en vente directe et 710 millions pour la répartition. Ces chiffres montrent à quel point les équilibres ont été bouleversés. L’augmentation des flux et des volumes a rendu naturel l’approvisionnement en génériques du pharmacien « au fil de l’eau » auprès de son grossiste-répartiteur. En outre, la répartition a fait le choix de référencer toutes les marques de génériques, allant de ce fait au-delà de ses obligations de service public.
François Douère
directeur des opérations d’Evolupharm Quand on aime, on a toujours 20 ans. Et chez EvoluPharm, on aime le générique ! Ce groupement accompagne et connaît l’économie de l’officine depuis plus de 30 ans. Cet anniversaire est l’occasion de rappeler que la substitution, moteur du développement du générique en France, est en tout premier lieu due aux pharmaciens d’officine. Dès 1998, EvoluPharm rencontrait les premiers laboratoires de génériques en France pour communiquer et aider les pharmaciens à substituer. Les génériques sont un pilier de l’économie de l’officine. En tant que groupement, nous sommes très vigilants à contrôler les accords passés avec les laboratoires. Et pour toujours plus d’indépendance, nous avons lancé en 2010 notre propre gamme de génériques Evolugen.
Patricia Jouan cotitulaire à Pluméliau (Morbihan)
C’est vrai que ça m’a pris beaucoup de temps d’expliquer aux patients ce qu’était un générique, mais actuellement, je suis à 92 % de substitution et les patients me font confiance. Forcément, il y a les irréductibles dont certains acceptent le générique juste pour éviter d’avoir à payer le TFR ! Maintenant, j’attends un petit effort de la part des médecins pour ne plus mettre si facilement la mention « Non substituable » à la demande des patients. Pourquoi ne pas profiter de réunions interprofessionnelles ou d’un échange lors d’un bilan partagé de médication pour parler du générique ?
Serge Carrier
directeur général de Pharmactiv En 2004, j’étais directeur commercial à l’OCP. Le 14 avril, à minuit, le brevet de Mopral, premier grand blockbuster à pouvoir être substitué par le pharmacien, expirait. Des camions remplis de génériques de ce médicament vedette attendaient la tombée de la nuit et l’heure H pour traverser les frontières et rentrer sur le territoire français. Je me souviens que les employés des établissements OCP ont déchargé les palettes et installé les stocks en pleine nuit afin de pouvoir livrer dès les premières heures d’ouverture les officines. Cette chute brevetaire n’a ressemblé à aucune autre, elle a été disruptive tant pour les répartiteurs que les pharmaciens, du fait des enjeux économiques de la substitution de cette molécule presque mythique. En effet, dès le lendemain de l’expiration de son brevet, plus aucun pharmacien n’a vendu de boîtes de Mopral, nos clients nous sollicitant même pour des reprises de stocks.
Jean-Christophe Lauzeral
directeur général opérationnel de Giropharm Le jour où les pharmaciens ont eu le droit de substitution, j’étais titulaire d’une pharmacie à Lourdes (Hautes-Pyrénées). La substitution a été un acte fondateur car elle a positionné le pharmacien comme acteur du système de santé et lui a permis de ne plus être dans le sillon du prescripteur. Dans mon officine, cela a été un choc culturel pour moi-même et mon équipe car j’ai alors décidé, avec l’arrivée des génériques sur les étagères, de ranger mon stock par ordre alphabétique de DCI. Tant pour les pharmaciens que les groupements qui les accompagnent, le générique constitue le socle économique de nos entreprises. Malgré l’importance des volumes actuels, Giropharm a fait le choix volontariste de favoriser les approvisionnements via le circuit des ventes directes car une présence en stock suffisante de génériques est un prérequis pour bien substituer, avoir un taux de substitution élevé et la meilleure ROSP générique pour le pharmacien.
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