Payé pour conseiller

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Publié le 13 juin 2009
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Dans la foulée de la loi HPST, le Collectif des groupements vient de signer un partenariat avec AGF-Allianz sur l’automédication où le conseil sera rémunéré 5 euros hors taxes pour les pharmaciens partenaires. L’Ordre n’affiche pas le même enthousiasme que l’USPO pour le projet.

En voilà une coïncidence ! Alors que le conseil pharmaceutique est désormais inscrit dans la loi HPST – les sénateurs, rappelons-le, ont voté son intégration dans les soins de premier recours (voir Le Moniteur n° 2783) -, le Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO) a signé avec AGF-Allianz un partenariat qui propose à ses adhérents la prise en charge d’actes de conseils pharmaceutiques. « Ce service est offert à tous nos assurés santé, individuels ou collectifs, soit un million de personnes », explique Christine Nonnenmacher, directrice santé d’AGF, qui y voit pour son groupe un double atout de fidélisation et d’image de marque. « Nos actes font partie des us et coutumes mais ils ne sont pas officiellement reconnus. Ce projet protocolise le conseil, ce qui devrait lever le frein qu’ont certains confrères ayant l’impression de chercher à vendre à tout prix des boîtes », assure Pascal Louis, président du CNGPO.

Le dispositif se mettra en place le 29 juin et sera proposé d’emblée aux 8 500 adhérents du CNGPO, avec une estimation de 4 à 5 000 retours d’adhésions dans les 3 à 4 mois. En pratique, les assurés AGF-Allianz et leurs ayants droit, titulaires d’une carte de mutuelle en cours de validité, pourront bénéficier chacun de quatre actes de conseil par an chez des pharmaciens partenaires. Ces pharmaciens seront rémunérés 5 euros HT par acte. A charge pour eux d’adresser leurs factures en bonne et due forme une fois par trimestre à l’assureur. Le système d’adhésion est assez souple. S’ils le souhaitent, tous les titulaires peuvent devenir « pharmacien partenaire », qu’ils fassent ou non partie du CNGPO, pour peu qu’ils signent une charte d’engagement et de qualité.

Un protocole formalisé par un « Guide du conseil »

Le conseil porte sur 43 pathologies identifiées par un comité scientifique. Ils vont de l’acné au torticolis. Un conseil prudemment encadré par un « Guide du conseil pharmaceutique », méthodologie globale élaborée par ce même comité. La charte impose confidentialité, mise à jour du dossier pharmaceutique du patient et, surtout, de formaliser le conseil par la remise d’une trace écrite, un peu comme une ordonnance officinale. Pascal Louis ajoute même que « cette fiche pourra être apportée au médecin lors d’une éventuelle consultation ultérieure ».

Si le conseil est assorti de la délivrance de produits, ceux-ci peuvent être pris en charge par l’assureur sous réserve des garanties souscrites par son client. Si le patient n’a pas à payer les honoraires de conseil, il doit en revanche s’acquitter de la note des produits. « 250 000 de nos assurés ont souscrit à une option qui permet la prise en charge de produits non remboursés par la Sécurité sociale, dans la limite d’un forfait annuel allant de 25 à 150 euros », indique Christine Nonnenmacher. Mais à condition que leur soient délivrés « des produits sélectionnés par le comité d’experts indépendants ».

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1 000 références de prescription médicale facultative sont concernées, ce qui représente 200 à 300 molécules : du remboursable, des médicaments non remboursables, mais aussi du sérum physiologique, de l’eau de mer ou des gels lavants antiacnéiques, le tout « à un prix respectant le prix du marché ». Et librement fixé par chaque pharmacien. Cela signifie donc qu’AGF acceptera de rembourser des factures dont les montants, pour une même proposition de conseils, seront différents d’une officine à l’autre. « L’aspect prix n’a pas été la motivation principale, concède Pascal Louis. Ce qui nous intéressait était que le pharmacien pose les bonnes questions et apporte le bon conseil. » Le contrat précise d’ailleurs noir sur blanc qu’une « évaluation pourra être conduite à tout moment soit par AGF, soit par le CNGPO, soit par un tiers mandaté par AGF ou le CNGPO ». D’aucuns verront dans cette initiative une sorte de « Santéclair bis », plus caressante dans le sens du poil. « Rien à voir, le projet de Santéclair ne faisait pas référence à la qualité du service », objecte Pascal Louis.

L’Ordre pourrait émettre un avis défavorable

« Ce dossier va dans le bon sens. C’est ce que l’on veut faire avec l’ensemble des complémentaires santé. J’espère que cette expérimentation va avoir un effet d’entraînement », se réjouit Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO. Du côté de l’Ordre, dont l’avis sur le dossier se fait attendre, l’accueil est beaucoup plus tiède. « A partir du moment où le conseil est pris en charge à l’officine, qu’il y ait une rétribution de cet acte n’est pas en soi répréhensible si cela est librement négocié entre les parties, convient Jean Parrot. Mais, quelles que soient les offres faites par les assureurs complémentaires, dès l’instant où elles sont diligentées de façon à faire référence à quelque médicament que ce soit ou à quelque adhérent par signature, cela revient à dire que l’on crée un sous-réseau dans le réseau. Et, dans ce cas, le Code de la santé publique n’est pas respecté. »

« Je ne comprends pas cette suspicion. Il n’est pas question de marquer une différence dans la façon de conseiller nos patients, qu’ils soient ou non assurés aux AGF », rétorque Pascal Louis. N’empêche, « les marchands vont devoir comprendre que leurs ambitions n’ont pas leur place dans le domaine du médicament. Cela concerne aussi bien les assureurs que les groupements. On ne va pas dire amen à tout ce qui nous est proposé », répond Jean Parrot, cinglant. Avis défavorable de l’Ordre à l’horizon…

L’idée d’une consultation pharmaceutique rémunérée n’est pas nouvelle. En 2007, la MTRL, les assurances du Crédit mutuel et les trois syndicats officinaux avaient déjà signé un accord qui comprenait la mise en place d’un bilan pharmaceutique personnalisé rémunéré à hauteur de 21 euros par patient, tous les deux ans. Le principe avait fortement fait grincer les dents, en particulier celles de l’ordre des médecins. Sauf que, d’après Gilles Bonnefond, instigateurs, pharmaciens et usagers sont plutôt satisfaits du dispositif. Dans le même ordre d’idée, l’USPO et Carte Blanche Partenaires (Swiss Life, GMC Gestion, Tranquillité Santé et Cagema) ont établi le principe d’un « rendez-vous pharmaceutique » annuel pour 10 euros par patient. « Il s’agit d’une démarche de conventionnement individuel pour laquelle il n’y a eu ni accord ni négociation, tient à préciser Gilles Bonnefond. Cela marche plutôt bien et les remontées de terrain montrent qu’il n’y a pas d’abus dans l’utilisation du procédé. » Ce qui lui fait dire que le pari du parcours de soin, « démarche à la fois économique et rationnelle », est en train d’être gagné, « ce qui éloignera ceux qui souhaitent un schéma contraire valorisant la consommation, le réflexe achat et la promotion ».

Les Giphar conseillent à bloc

Pour la seconde année consécutive, Richard Berry décroche le premier rôle de la campagne du groupement Giphar, membre du Collectif des groupements. Depuis le 8 juin et jusqu’au 24 juin, il assure la promotion du conseil pharmaceutique sur RTL, RTL2, NRJ, Chérie FM, MFM, RFM, France Inter et France Info. En parallèle des 500 spots de 20 secondes, la campagne se décline jusqu’au 18 juillet dans les pharmacies de l’enseigne à travers des affiches et différents supports d’informations. Le tout pour un coût estimé à 1 million d’euros. Thème retenu : les maux de l’été. L’équipe, après avoir remis à jour ses connaissances, s’engage à conseiller un traitement personnalisé, à préciser la posologie, à contrôler l’absence de contre-indication et d’interactions médicamenteuses. Petite originalité, en fonction des symptômes annoncés, les pharmaciens Giphar sont fortement incités à rédiger leurs conseils sur un bloc santé pour que leurs patients repartent avec une trace.

L.L.