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« Oui aux transferts de compétences du médecin vers le pharmacien
Alain Rouché, directeur santé de la FFSA, fait le point sur toutes les expérimentions et propositions des assureurs en matière de santé et de partenariat avec la profession. Qu’il s’agisse d’accès aux données des patients, de transferts de charges ou de financement de nouvelles rémunérations.
« Le Moniteur » : En matière de partenariat assureurs-pharmaciens, l’actualité c’est la carte Duo. Où en est-elle ?
Alain Rouché : L’expérimentation continue auprès des pharmaciens de six départements (Bouches-du-Rhône, Var, Calvados, Vienne, Deux-Sèvres et Seine-Maritime). Elle fonctionne très bien en version 1.31 de SESAM-Vitale – car il faut rappeler que Duo fait partie intégrante du dispositif SESAM-Vitale. Et nous avons passé les tests en 1.40 (comme le souhaitait l’Assurance maladie) sur un logiciel, en l’occurrence Alliadis, de manière à pouvoir basculer le jour où les pharmaciens seront d’accord. C’était important dans l’optique de la généralisation de Duo. Les institutions de prévoyance sont déjà intéressées, d’ailleurs Novalis va démarrer une expérimentation.
Vous avez une idée de sa date de généralisation ?
Ce sont les instances de SESAM-Vitale qui en décideront. Le conseil de surveillance devrait se prononcer avant la fin de l’année. Etant entendu que nous sommes prêts et qu’une enquête auprès des assurés et des pharmaciens a mis en évidence un taux de satisfaction extrêmement fort. Côté pharmaciens, je rappelle que le délai de paiement passera à trois jours entre la réception de la facture électronique et le déclenchement du règlement.
Autre actualité de la FFSA, les expérimentations d’accès aux données de santé…
Oui, Axa mène depuis plusieurs mois une expérimentation d’accès aux codes des médicaments dans les pharmacies de 10 départements (Gironde, Ille-et-Vilaine, Eure, Seine-et-Marne, Hérault, Nord, Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Alpes-Maritimes et Vaucluse), dans le cadre de la prise en charge d’un panier de médicaments non remboursables (plafonnée à 50 Euro(s) par an). C’est au niveau du concentrateur du pharmacien que se fait l’envoi des factures avec les codes CIP des médicaments. A réception chez Axa, tout ce qui ne sert pas à liquider les prestations concernées (médicaments remboursables) va dans des bases de données totalement anonymisées qui servent à des fins statistiques, et le reste sert au remboursement des médicaments « non remboursables » pris en charge par Axa. L’information circule dans le système de façon anonymisée. Le dossier continue d’être suivi par Christian Babusiaux (qui chapeaute toutes ces expérimentations) et par le ministère de la Santé, et nous en avons montré les résultats en juillet au CISS et plus récemment à la CNIL. Tout en sachant qu’il y a aussi actuellement une expérimentation de la Mutualité sur le médicament, celle de Groupama sur l’optique et celle de Swisslife, qui vient de démarrer, également sur le médicament.
Avez-vous une idée quant à son échéance ?
Aucune, mais nous espérons être autorisés à généraliser cet accès aux données des médicaments dans les prochains mois. Techniquement, ça marche. Sur le principe, il n’y a pas eu de problème avec les assurés. Maintenant, il s’agit d’un arbitrage politique, lequel doit être vite tranché. Le problème, c’est que, quoi que nous disions et quoi que nous prouvions, on nous suspectera de vouloir faire de la sélection des risques, ce qui est totalement faux.
Vous êtes à nouveau au centre de l’actualité avec le PLFSS et ce fameux milliard qui vous sera imposé sous forme de taxe. Est-ce un transfert de charges ?
C’est pire. Si cela avait été un transfert de charges, au moins aurions-nous une augmentation de notre activité, ce qui ne sera pas le cas, même si les entreprises d’assurances vont répercuter cette taxe sur les cotisations. J’ajoute qu’il ne s’agit même pas formellement d’une taxe que nous pourrions faire figurer à part sur notre appel de cotisation, mais d’une « contribution » au fonds CMU, qui vient donc alourdir nos chargements : et on nous dira après que nous avons des coûts de gestion trop élevés…
Une étude Précepta disait qu’un milliard, cela correspondait à une augmentation des cotisations des complémentaires de 1,2 point ?
Notre contribution au fonds CMU va passer de 2,5 % sur la CA santé à 5,9 %. Cela représente donc, en principe, une augmentation de 3,4 % des cotisations. Après, les assureurs ne sont pas obligés de répercuter la totalité. C’est là que se situe la polémique lancée par le gouvernement disant que nous n’avons pas à augmenter nos cotisations car la montée en charge des ALD nous fait faire des économies. Moi, je suis désolé, mais si on a une charge supplémentaire, au bout du bout, cela entre dans le tarif ! Un assureur ne doit évidemment pas prendre le risque de sous-évaluer ses tarifs, au risque de faire des pertes, d’autant que nous ne pouvons pas les transférer à la Cades ! Mais il n’a pas non plus intérêt à les surévaluer, au risque de perdre des clients. On oublie qu’il existe une loi du marché : les contrats individuels durent en moyenne 7 ans, ce qui signifie que les gens compareront les offres. Un assureur n’a intrinsèquement pas intérêt à majorer n’importe comment ses cotisations ! Quant aux contrats collectifs, il s’agit d’un marché de courtage, or les courtiers observent en permanence le marché et les grandes entreprises n’hésitent pas à y faire appel régulièrement.
Autre actualité : l’OTC devant le comptoir. Pensez-vous qu’il s’agisse pour le gouvernement d’un moyen de donner des gages au public en matière de modération de prix, afin de préparer de futurs désengagements du régime obligatoire ?
L’expérience récente tend à montrer que, politiquement, on ne se dirige pas vers un désengagement de la Sécurité sociale du petit risque : en effet, la FFSA a fait cet été un certain nombre de propositions au gouvernement qui n’ont pas été retenues. Les dépenses de santé vont continuer à croître plus vite que le produit intérieur brut, il faudra donc que les Français payent plus pour leur santé, directement ou indirectement. Il faut arrêter de faire croire que c’est gratuit et que quelqu’un d’autre va payer pour soi. Nous posons la question : où les Français ont-ils intérêt à payer plus demain ? Pour le régime obligatoire ou pour leur complémentaire ? Nous avons clairement indiqué au gouvernement que, dans certains domaines, la complémentaire est capable d’apporter de la valeur ajoutée et que, par conséquent, les Français auraient intérêt à payer davantage pour celle-ci que pour la Sécurité sociale.
Quels sont les domaines où vous pensez pouvoir être plus efficaces que l’assurance maladie obligatoire ?
Nous avons cité au gouvernement l’optique et le dentaire chez les adultes, le médicament à 35 %, plus quelques autres sujets, dont les arrêts de travail. Nous avons apporté des éléments prouvant ce que nous avançons. Si nous arrivions à réduire par exemple le milliard de dépenses d’optique qui nous serait transféré à 500 millions, les Français seraient gagnants : la hausse de cotisation afférente serait moindre que ce qu’elle aurait été en gardant ces dépenses dans le régime obligatoire. Nous avons même envisagé, dans l’optique pour adulte, de rembourser au premier euro sans augmenter les cotisations. Certains assureurs ont répondu que c’était possible, d’autres que cela serait difficile.
Il s’agit quand même d’une grosse rupture du système qui, de solidaire, basculerait dans l’assuranciel individuel…
D’accord, mais, d’un autre côté, dites-moi comment on va faire avec des déficits qui restent importants malgré la réforme de 2004 (- 4 milliards encore en 2008 pour la branche maladie du régime général) et un transfert continuel de la dette vers les générations futures ? Sans compter que la crise économique ne va pas améliorer les choses côté recettes.
Pensez-vous que les politiques restent définitivement sourds à vos propositions ?
Il faut quand même rappeler que c’est le président de la République qui, il y a plus d’un an, a déclaré qu’il faudrait travailler sur ce qui relève, d’un côté de la solidarité nationale et, d’un autre, de la responsabilité individuelle, et donc des complémentaires. Ce débat annoncé n’a pas eu lieu. Ensuite, il y a eu les déclarations de Roselyne Bachelot sur l’optique et la proposition de Frédéric Van Roekeghem sur la prise en charge des médicaments à 35 % pour les personnes en ALD. Cela étant, en période de crise justement, communiquer sur ces sujets va s’avérer très compliqué. Car les gens ne croient plus à rien, ou plutôt ils croient que les déficits publics sont une goutte d’eau quand des Etats sont capables de mobiliser des centaines de milliards d’euros pour sauver le système financier. Il y a là un énorme effort de pédagogie économique à réaliser. De plus, il faut désormais prendre en compte une probable fragilisation économique d’une partie de la population. Il est d’ailleurs entendu que nos propositions s’accompagnent d’un renforcement de la CMU complémentaire et d’aides à l’acquisition d’une assurance complémentaire.
Prendre davantage de prestations en charge passe-t-il par un droit de regard sur les tarifs ou sur les prix, ou encore par un référencement des professionnels ?
Cela dépend des modèles. Pour l’optique ou le dentaire, ça passe par des discussions avec les professionnels sur la qualité et sur les prix, avec la constitution de réseaux. Sur le médicament, grâce à l’accès aux données, ça peut passer par des contrats différenciés avec des niveaux de cotisations différents selon la prise en charge en totalité ou en partie (ou non) du 35 % et/ou de paniers de médicaments « non remboursables ».
Dans le cas de Santéclair, les syndicats officinaux ont estimant que l’assureur n’avait pas à interférer sur le prix pratiqués par les pharmaciens…
Oui, bien sûr. Mais on ne peut pas rêver d’assureurs qui vont tout solvabiliser en leur disant « Payez et passez votre chemin ». On sera demain dans une logique plus différenciée, donc il faut accepter ce jeu-là sur les prix, sur la qualité. En revanche, je suis très attaché à la logique contractuelle avec les professionnels de santé. Les pharmaciens comme tous les professionnels resteront libres de passer ou non des contrats avec tel ou tel assureur.
Oui, mais pourront-ils faire l’impasse si les confrères d’à côté entrent dans des réseaux constitués par les assureurs ?
Effectivement, si des pharmaciens commencent à passer des contrats de ce type, peut-être cela deviendra-t-il la règle générale. Se pose ensuite la question du rôle des syndicats : qu’est-ce qui relève du contrat individuel et qu’est-ce qui relève de la défense collective ? On pourrait très bien imaginer demain un contrat-cadre donnant un modèle de relations entre des complémentaires et des pharmaciens, lequel pourrait être discuté avec des syndicats et, à un étage supérieur, une discussion et une contractualisation individuelle. A cet égard, la FFSA pourrait négocier sur le plan des principes, mais en aucun cas passer d’accord portant sur le prix des prestations, car cela relèverait d’une entente.
En matière de rémunération de nouveaux services, compte tenu du discours gouvernemental qui raisonne à enveloppe constante, de nombreux pharmaciens nourrissent de sérieux espoirs avec les complémentaires…
Oui, on pourrait discuter de beaucoup de choses. On pourrait même évoquer les transferts de compétences. Certaines prestations réalisées aujourd’hui par les médecins ne pourraient-elles pas demain être réalisées à moindre coût par le pharmacien et prises en charge par des assureurs complémentaires ? A qualité équivalente, l’assuré pourrait de son côté avoir un meilleur rapport qualité/prix au regard de ses cotisations.
Pour le coup, cela nécessiterait un référencement…
Certes, mais il y a deux types de réseaux possibles. Soit un réseau ouvert, dans lequel tout prestataire réalisant les conditions inscrites au cahier des charges peut entrer. Soit un réseau fermé, où un assureur limitera son référencement au nombre de professionnels qu’il estime strictement nécessaire. Mais tous les assureurs ne sont pas dans une logique de réseau fermé.
Sommes-nous dans la même logique avec des prises en charge d’actes de prévention comme dans le cas de la MTLR et de Viamedis avec le groupe PHR ?
Sur le principe, c’est bien de faire de telles expérimentations. Il y a trop de gens dans ce pays qui se prononcent d’entrée et systématiquement de manière négative. Il faut laisser des initiatives se développer ! On peut être a priori contre certaines choses mais accepter les innovations et observer les résultats des expérimentations avant de se prononcer.
A-t-on évalué si la prévention faisait faire des économies par ailleurs ?
Il faut faire de la prévention, c’est particulièrement utile et c’est au coeur du métier de l’assureur. Mais je ne suis pas sûr que cela fasse faire des économies. Dans certains cas oui, c’est sûr, mais, globalement, non. Par contre, la prévention est évidemment extrêmement importante pour vivre plus longtemps dans de bonnes conditions.
Le PLFSS 2009 prévoit la possibilité pour les complémentaires de participer aux négociations conventionnelles avec les professionnels de santé. Ceci vise manifestement le dentaire et l’optique. Mais avec un peu d’imagination, est-ce que vous vous verriez un jour associé à des négociations conventionnelles avec les pharmaciens ?
Qui va piloter ? On me répondra : l’assurance maladie obligatoire. Les complémentaires seront donc assises sur le strapontin, c’est très risqué… C’est bien d’être associé, mais si c’est tout simplement cautionner un accord en étant à la table des discussions, cela ne nous intéresse pas… Dans ces cas-là, il y aura forcément un perdant et ce sera très probablement l’assureur complémentaire, même si cela peut être aussi parfois le professionnel de santé ! Alors, si on est invité c’est difficile de ne pas aller, mais nous préférons de très loin des négociations bilatérales.
Le torchon brûle depuis juillet entre la FFSA et la Mutualité… Est-ce que l’Union nationale des organismes complémentaires d’assurance maladie est aujourd’hui reconstituée ?
L’UNOCAM, créée par la loi de 2004, marchait plutôt bien. Malheureusement, il y a eu le casus belli du mois de juillet : on ne comprend pas comment peut fonctionner une union des complémentaires si ceux qui l’ont voulu, les pouvoirs publics et la Mutualité, passent des accords (dans le dos de l’UNOCAM) qui ont des conséquences financières pour l’ensemble des familles de complémentaires ! Et des conséquences à hauteur de 1 milliard d’euros ! A ce jour, l’UNOCAM n’est toujours pas à même de refonctionner. Nous avons fait des propositions de nouvelles règles de fonctionnement, mais nous ne voulons plus nous retrouver confrontés à ce type de situation.
On parle régulièrement de la révision des critères d’entrée, de sortie ou de prise en charge des ALD, sujet politiquement chaud, donc sans cesse repoussé. Estimez-vous devoir être inclus dans ce débat ?
Si le taux moyen de remboursement du régime obligatoire reste autour de 78 %, c’est bien en raison de l’augmentation des ALD (60 % de la dépense), ceci en dépit des désengagements et déremboursements successifs du régime général sur les soins courants. Nous sommes évidemment moins concernés que le régime obligatoire, mais, le sujet étant central, nous devrons en débattre. Nous avons déjà avancé que l’idée du bouclier sanitaire, variable selon les revenus, mérite d’être approfondie. Le bouclier viendrait profondément percuter l’activité des organismes complémentaires, mais l’idée ne doit pas être a priori rejetée. Ce serait un moyen de sortir de cette problématique d’embolisation de l’assurance maladie par la charge des ALD.
Un mot sur la consommation et la prescription de médicaments ?
Il ne faut pas stigmatiser le médicament, mais il faudrait être plus raisonnable. On peut quand même se poser la question de savoir si nous avons une consommation correcte. Je pense qu’on peut faire mieux et éviter beaucoup de problèmes d’iatrogénie…
Avec une possible ouverture du capital des officines, on imagine bien quels investisseurs pourraient être intéressés par l’entrée dans le capital de pharmacies. Les assureurs en font-ils partie, au même titre que les banques ?
On ne peut pas dire dans l’absolu que cela n’intéressera jamais les assureurs, mais force est de constater que ces derniers n’ont pas investi jusque-là dans les domaines de la santé, comme les cliniques par exemple, contrairement à ce qu’a pu faire la Mutualité. Je ne pense pas qu’ils se précipiteront pour investir dans le capital des pharmacies.
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