Officinaux et hospitaliers main dans la main

Réservé aux abonnés
Publié le 9 février 2008
Mettre en favori

Un « dossier pharmaceutique » avant l’heure. Tel était le projet mis en place fin 2005 par le CHU de Tours et les pharmaciens d’Indre-et-Loire. Avec un même objectif : faciliter la prise en charge des patients entre l’hôpital et la ville grâce notamment à la transmission d’historiques médicamenteux.

Comment améliorer la prise en charge globale des patients ? Cette réflexion a émergé lors de rencontres entre pharmaciens de ville et pharmaciens hospitaliers de Tours il y a maintenant trois ans. La mise en place d’un suivi coordonné entre l’hôpital et l’officine a rapidement fait consensus : « L’idée était qu’à l’entrée d’un patient à l’hôpital l’équipe dispose de toutes les informations relatives à sa santé, un historique médicamenteux en quelque sorte, et que, grâce à l’ordonnance de sortie, les pharmaciens de ville puissent prendre le relais le plus rapidement possible », explique Xavier Pourrat, pharmacien praticien hospitalier à la pharmacie centrale de l’hôpital Trousseau-Logipôle.

Ce constat établi, une expérimentation est lancée fin 2005 avec le service d’orthopédie du CHU de Tours et le syndicat des pharmaciens d’Indre-et-Loire. Le service hospitalier a été choisi sur des critères bien précis : le service d’orthopédie du CHU est le premier service à disposer de prescriptions établies sur informatique. « Ce n’est pas le service dans lequel on établit le plus de prescriptions médicamenteuses. De la même façon, les gens qui arrivent avec des traumatismes ou des accidents n’ont pas toujours des traitements médicamenteux qu’ils sont obligés de suivre », ajoute le praticien hospitalier.

Les prescriptions obligatoirement rédigées sur informatique

Reste que la démarche de prise en charge des patients et la mise en place d’un relais entre hôpital et officine exigent un protocole précis. « Dans les autres services hospitaliers, la prescription réalisée par un interne ou un chef de service peut être manuscrite. Ici, il était nécessaire que les prescriptions soient rédigées sur informatique, pour en faciliter la traçabilité et afin que le personnel médical concerné puisse y avoir plus facilement accès », précise Xavier Pourrat.

Un groupe de réflexion a préalablement défini le type de données à échanger (antécédents cliniques du patient, données clinicobiologiques, données sociales, historique médicamenteux en ville des six derniers mois, arrêt et/ou substitution thérapeutique à l’hôpital et ordonnance de sortie), les modalités d’échanges et la population cible. Les patients doivent ainsi avoir une pharmacie référente, ce qui n’est pas toujours le cas des plus jeunes, généralement plus nomades.

L’opération a ensuite été circonscrite à un certain nombre d’établissements. « Le CHU accueille des habitants de toute la région, poursuit Xavier Pourrat. En théorie, il aurait fallu impliquer tous les départements de la région. Pour des raisons de commodité, nous avons travaillé uniquement avec les pharmaciens du département d’Indre-et-Loire, soit 183 officines au total. » Enfin, les patients doivent donner leur accord pour être inclus dans le réseau et permettre aux professionnels de santé impliqués de lire leurs données de santé.

Publicité

Transmissions par fax

Les informations entre officines et CHU sont transmises par fax. « Si l’un de nos patients se casse le col du fémur et se retrouve en chirurgie orthopédique, il faut qu’on puisse fournir rapidement au service hospitalier l’information et le nom des médicaments qu’il prend, explique Frédéric Fossier, titulaire à La Croix-en-Touraine. S’il a du diabète, par exemple, procéder ainsi permet d’éviter les risques d’interaction et de faciliter une bonne poursuite de son traitement. Les patients connaissent bien leur traitement mais, lorsqu’ils se retrouvent sur la table d’opération ou qu’ils ont subi un traumatisme, ils ne sont pas toujours à même de fournir ces renseignements. »

L’échange se fait dans les deux sens : l’hôpital envoie une fiche de télétransmission qui informe l’officinal des modifications thérapeutiques éventuellement survenues au cours de l’hospitalisation, ainsi que le contenu de l’ordonnance de sortie. « En chirurgie, il n’y a pas souvent de prescription de médicaments mais l’ordonnance peut prévoir du matériel médical, des pansements spécifiques. Nous les commandons aussitôt pour qu’ils soient à la disposition du patient lors de sa venue. »

Garantir la confidentialité des données

Pour l’instant, Frédéric Fossier n’a rien changé dans l’organisation de sa pharmacie. « Nous sommes sept au total. Ce sont les pharmaciens de l’équipe, les deux titulaires et notre adjoint, qui se chargent de traiter ces ordonnances. Ils connaissent tous les protocoles, envoient, valident et recueillent les ordonnances qui arrivent sur mon ordinateur. Ce travail n’a rien d’accaparant car nous avons eu à gérer trois ou quatre patients depuis le début de l’expérimentation. Si nous avions trop de cas à traiter par semaine, il faudrait sans doute que chaque pharmacie revoie son mode de fonctionnement. »

L’expérience est, selon Frédéric Fossier, on ne peut plus positive. « Elle s’inscrit dans le droit fil de ce qui se met en place avec le dossier pharmaceutique. L’ordre des pharmaciens s’est d’ailleurs montré très intéressé par notre démarche. Nous nous sommes même rendus deux fois à Paris pour l’évoquer. »

Cette expérimentation est une première étape : le réseau a vocation à se moderniser et à s’étendre à d’autres services hospitaliers. « Nous avons utilisé le fax. Dans un deuxième temps, les informations seront transmises via Internet. Il faudra mettre en concordance les logiciels utilisés à l’hôpital et l’officine. Il faudra également obtenir l’autorisation de la CNIL pour sécuriser le système informatique », détaille Frédéric Fossier.

En attendant, le réseau se déploie. Deux nouveaux services hospitaliers ont intégré la démarche début 2008. « Il s’agissait de complexifier les cas de figure. Nous avons choisi le service de chirurgie thoracique car les ordonnances incluent des médicaments comme des antibiotiques et des HBPM, précise Xavier Pourrat. Le service de gastroentérologie, quant à lui, concerne une population plus âgée, plus médicalisée, dont les pathologies sont essentiellement des cancers. La prise en charge est souvent plus lourde, avec des soins et des traitements médicamenteux spécifiques. Nous avons donc réalisé un courrier conjoint avec l’Ordre concernant le secret professionnel car l’information que nous allons recevoir est à traiter avec prudence. Les patients concernés ne connaissent pas toujours leur pathologie. » Ce courrier a été adressé à chaque pharmacien d’Indre-et-Loire pour qu’il s’engage, ainsi que ses collaborateurs, à garantir la confidentialité des données. Un impératif avant d’intégrer pleinement cette nouvelle branche du réseau.

Envie d’essayer ?

les avantages

– La transmission d’informations est accélérée entre l’hôpital et l’officine. Les pharmaciens d’officine reçoivent la prescription hospitalière dès la sortie du patient. Ils ont ainsi le temps de préparer les médicaments et/ou le matériel médical nécessaires et la prise en charge des patients sortis de l’hôpital s’en trouve facilitée.

– La mise en place de fiches patients et d’un historique préfigure, pour les officinaux, le dossier pharmaceutique dont la généralisation à l’ensemble des pharmacies de ville est bientôt prévue.

les difficultés

– La confidentialisation des données doit être totalement garantie, notamment pour les nouveaux patients atteints de pathologies lourdes qui intégreront le réseau.

– Le réseau ne peut se développer sans l’informatisation de toutes les équipes concernées. « L’inclusion de centaines de personnes ne pourra être possible si l’on en reste au mode papier et fax », souligne Frédéric Fossier. Les officines d’Indre-et-Loire n’étaient d’ailleurs pas toutes informatisées à l’origine.

les conseils – « Si des confrères souhaitent créer un réseau d’informations ville-hôpital, le mieux serait d’emblée de mettre en place un système d’échanges informatisé, via Internet, et sécurisé. L’échange de documents par fax génère beaucoup de travail pour nos confrères hospitaliers, lesquels accueillent une vingtaine de patients chaque jour. »

– Participer à un réseau nécessite une certaine réactivité pour assurer une prise en charge continue des patients.

– Il vous faudra aussi impérativement impliquer votre équipe pour assurer ce type d’activité. Une bonne collaboration au sein même de l’officine permettra de traiter plus efficacement les informations reçues et envoyées à l’hôpital.