Observance et aidants : entre de bonnes mains en toutes circonstances

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Publié le 30 septembre 2023
Par Yves Rivoal
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Les aidants qui accompagnent au quotidien un proche malade doivent souvent composer avec la solitude, la fatigue physique et morale, le stress, l’anxiété… Des solutions existent pour soulager leur charge mentale en matière d’observance des traitements.

 

« La prise des médicaments et le renouvellement des ordonnances font partie des nombreux sujets de préoccupation des aidants qui accompagnent au quotidien un proche en situation de perte d’autonomie ou de handicap », rappelle Julien Galéa, directeur de programmes Belux et Observance chez Pharmagest. « Aidants qui pourraient d’ailleurs bientôt être pleinement reconnus sur Mon espace santé puisque la plateforme devrait prochainement autoriser la délégation de gestion par un tiers, comme c’est déjà le cas sur l’appli carte Vitale qui accorde des sessions d’accès de 20 minutes dans les huit départements où elle est expérimentée, ajoute Hélène Decourteix, fondatrice de la société de conseil La Pharmacie digitale, pour qui ces nouvelles fonctionnalités sont loin d’être anecdotiques. Elles permettent de soulager les aidants sur tout ce qui a trait à la mise à disposition des médicaments et à leur remboursement. »

 

Pour alléger leur charge mentale en matière d’observance, des solutions existent, et elles placent souvent le pharmacien au cœur de la prise en charge. Objectif Pharma propose par exemple, via ses 100 officines sous enseigne Wellpharma, le service « Ma pharmacie à la maison ». « Il comprend six visites au domicile du patient par un pharmacien, explique Florian Gérard, directeur marketing et communication d’Objectif Pharma. Lors de la première, celui-ci réalise un audit sur le niveau d’autonomie du patient et l’aménagement de son domicile, et fait le tri dans son armoire à pharmacie. A la fin de la visite, le patient ou l’aidant se voient remettre si besoin des recommandations d’aménagement comme retirer un tapis de sol pour éviter une chute. » Pendant les cinq autres visites, le pharmacien livre les médicaments, vérifie que le patient est bien observant, et lui rappelle les conseils et la posologie de ses différents traitements. Pour Florian Gérard, cette présence du pharmacien au domicile a plusieurs vertus. « Elle permet d’améliorer l’observance et de sécuriser les renouvellements d’ordonnance, tout en rassurant les aidants, souligne-t-il. Ils savent qu’au moindre souci le pharmacien les appellera. »

Respecter l’étiquette

 

Les éditeurs de logiciels de gestion officinaux (LGO) ont développé des solutions ayant pour objectif de diminuer la charge mentale des patients et des aidants. « Dans les officines utilisant le LGO id., les équipes officinales peuvent imprimer au format papier ou transmettre par e-mail au patient et à son proche le plan de traitement, souligne François Marquier, directeur d’activité Pharmacie France d’Equasens. Celui-ci détaille l’ensemble des molécules et des moments de prise prescrits par le ou les médecins. » Toujours dans le but de sécuriser la prise de médicaments et de rassurer le patient et l’aidant, les éditeurs ont développé des solutions pour créer et imprimer des étiquettes de posologie à apposer sur les boîtes de médicament. C’est le cas par exemple de Leo avec Poso’Net, un module directement intégré au LGO pour ne pas avoir à ressaisir les informations. Pharmagest a, lui, conçu Offiposologie. « Dans leur LGO id., grâce à l’option Offiposologie, les équipes officinales peuvent éditer et imprimer les étiquettes où figurent les noms de la pharmacie et du médecin, ainsi que les cinq ingrédients qui conditionnent l’observance : le nom du patient, celui du médicament, le dosage, la voie et le moment de prise, explique François Marquier. Grâce à toutes ces indications, le risque d’erreur est considérablement réduit et le patient et l’aidant peuvent s’occuper de la prise de traitement plus sereinement. »

Piluliers connectés

 

Les piluliers préparés en pharmacie constituent une autre alternative pour améliorer l’observance et réduire le risque d’oubli ou de surdosage. Pharmagest propose aux officines souhaitant se lancer dans la PDA ambulatoire au comptoir Multimeds un pilulier flexible conçu en polyéthylène téréphtalate (PET) alimentaire 100 % recyclable ayant la particularité d’être doté d’alvéoles détachables. De son côté, Medissimo propose lui aussi aux pharmacies Medipac, un pilulier hebdomadaire connecté à usage unique. « Pour le préparer, l’équipe officinale exporte les lignes de médicaments du LGO vers la plateforme Medissimo qui les transforme en plan de posologie », explique Caroline Blochet, docteure en pharmacie et présidente de Medissimo. Grâce au QR Code figurant sur le pilulier, Medipac bascule en mode connecté. Le patient, l’aide à domicile ou l’infirmière renseigne l’observance afin d’alimenter un bilan dans l’application du pharmacien. « L’aidant peut ainsi, avec l’application Medissimo Aidants, surveiller à distance l’observance de son proche, souligne Caroline Blochet. Le bilan d’observance est transmis automatiquement à Mon espace santé tous les 28 jours. »

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L’aidant dispose aussi d’une messagerie sécurisée pour envoyer les ordonnances de son proche au pharmacien, et échanger avec lui si besoin. Pharmagest offre, lui, en téléchargement gratuit, PandaLab Ma santé, une application conçue pour les patients, mais qui peut aussi être pilotée par un aidant. « Celui-ci peut y récupérer toutes les données liées aux traitements enregistrées par le pharmacien sur OffiPosologie, confie Julien Galéa. Il paramètre alors les alertes qui seront transmises au proche aidé lorsque celui-ci doit prendre un médicament ou quand un traitement doit être renouvelé. »

 

Pour Caroline Blochet, le recours à un pilulier connecté à une application facilite les échanges entre l’aidant et le pharmacien. « Cette solution permet de sécuriser le bon usage du médicament et d’alléger la charge mentale de l’aidant, rappelle-t-elle. Et en déléguant aux pharmaciens la préparation des piluliers et les bilans d’observance, l’aidant peut se concentrer sur la coordination avec les professionnels de santé. » La présidente de Medissimo est même persuadée que les piluliers connectés à une application pourraient permettre de régler tout ou partie d’un problème de santé publique. « Ces solutions digitales sont une réponse à portée de main pour limiter la non-observance, estime Caroline Blochet. Et j’ai la conviction que le duo pharmacien-aidant peut faire équipe pour lutter contre une mortalité évitable. »

S’approprier les solutions

 

La présidente de Medissimo reconnaît toutefois que la partie est loin d’être gagnée. « Les piluliers ne sont pas encore pris en charge par l’Assurance maladie et le modèle économique qui permettra aux pharmaciens d’être rémunérés pour ce service reste à inventer », constate-t-elle. Or, ces questions devront être réglées pour que les patients qui en ont besoin puissent en bénéficier. » Florian Gérard est sur la même longueur d’onde. « Mettre en place un service comme Ma Pharmacie à la maison, qui implique une visite à domicile d’un pharmacien, est souvent très compliqué pour les titulaires confrontés à une pénurie de main-d’œuvre. Et le prix conseillé de 29 € pour les six visites, peut aussi leur sembler insuffisant », reconnaît le directeur marketing et communication d’Objectif Pharma.

 

Pour que les aidants s’emparent de ces solutions, il faudrait aussi davantage les associer à leur conception, d’après Louise Mary-Defert, doctorante en sociologie, membre de l’Association française des aidants. « Lorsqu’on les interroge sur les services qu’ils ont mis en place pour accompagner leurs proches aidés, les piluliers ou les applications sont très rarement mentionnés, observe-t-elle. Il y a donc un réel décalage entre l’abondance de l’offre et les usages au quotidien. Probablement parce que les aidants ont d’autres priorités en tête, comme la mise en place d’une aide à domicile ou l’obtention d’aides financières dans un contexte de crise des métiers de l’intervention à domicile. » Ces solutions censées soulager les proches se révèlent parfois contre-productives. « Elles peuvent devenir pour certaines personnes une source de stress lorsqu’elles entraînent une hyper vigilance à distance du proche aidé, souligne Louise Mary-Defert. Elles posent enfin de vraies questions éthiques sur la confidentialité des données du patient et sur le rôle attendu de l’aidant dans notre système de santé », conclut Louise Mary-Defert.