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L’Ordre durcit le ton
Le conseil central A et le Conseil national de l’Ordre ont publié des décisions poussant les conseils régionaux à porter plainte contre les pharmaciens qui déconditionnent à grande échelle pour les maisons de retraite. Tous les contrats signés avec des établissements devront être épluchés.
Le texte se veut dissuasif. Si les délibérations ordinales des 28 février et 7 mars n’apportent aucun élément juridique nouveau concernant le déconditionnement de médicaments pour les maisons de retraite, elles ont le mérite de récapituler dans un même document l’ensemble des conditions auxquelles le pharmacien est alors soumis. Surtout, l’Ordre incite ses conseils régionaux à porter plainte contre les pharmaciens qui manqueraient à l’une ou l’autre de ces règles. Une manière de les pousser à y regarder à deux fois avant d’accepter les sollicitations des maisons de retraite. Il faut dire que, mises bout à bout, les conditions que doit respecter le pharmacien peuvent refroidir. Avec un risque de procédure désormais sérieusement accru (voir interview pages 11 et 12), celui qui se lancera aura intérêt à assurer ses arrières sur le suivi des patients et la qualité.
Pas de jurisprudence.
« Il s’agissait d’harmoniser les positions des régions, commente prudemment Isabelle Adenot, présidente du conseil central A. Beaucoup de confrères sont soumis à des pressions économiques, des sollicitations, des démarches de la part des établissements… » Et puis il y a les « gros faiseurs », comme on dit dans le milieu. « On en est arrivé dans certains cas à des distributeurs [des officines, NdlR] situés à 200 km de l’établissement. » Sur ce point précis de la distance, la relaxe d’un pharmacien en novembre par le Conseil national réuni en chambre disciplinaire a mis tout le monde dans l’embarras. Le Conseil national a bien dû constater qu’« aucune disposition législative ou réglementaire ne fixe de limite territoriale à la clientèle qu’une officine peut desservir » (l’officine en question était située à 58 km de la maison de retraite). Et comme par ailleurs aucun texte n’interdit formellement le déconditionnement… « Certains ont tendance à considérer cette affaire comme une jurisprudence, or ce n’est pas le cas. Chaque dossier sera étudié individuellement », prévient Isabelle Adenot. Reste qu’il faudra contourner l’argument kilométrique pour dissuader les affairistes de s’étendre indéfiniment sur ce marché alléchant. Par exemple en vérifiant qu’ils sont capables de suivre aussi bien les résidents que le retraité d’à côté. Pas évident à 200 kilomètres de distance…
Cela dit, comment les conseils régionaux auront-ils connaissance des contrats officine-établissement ? « C’est déjà une faute de la part de confrères de ne pas les communiquer à l’Ordre, observe Isabelle Adenot. Or on finit toujours par en être informé par un moyen ou un autre. »
Quant au libre choix des patients, la méthode consistant, pour les établissements, à faire signer des décharges aux résidents semble toujours imparable quoi qu’on en dise…
En revanche, nombre d’observateurs estiment que la « spécialisation de certaines officines », dénoncée par l’Ordre, sera inéluctable dans certains domaines. Espérons maintenant que la convention pharmaceutique formalisera bien les résolutions adoptées l’an dernier dans le cadre du groupe de travail Deloménie concernant les process et la qualité à respecter dans les relations avec les maisons de retraite.
A retenir
– Les conseil régionaux vont éplucher tous les contrats passés entre officines et maisons de retraite.
– Aucune disposition ne fixe de limite territoriale à la clientèle qu’une officine peut desservir.
– Le code de la santé publique spécifie qu’aucun contrat entre officine et maison de retraite ne doit contenir de « contrainte financière, commerciale, technique ou morale ».
La délibération ordinale
Dans sa délibération du 28 février, suivie le 7 mars par le Conseil national de l’Ordre, le conseil central A a décidé que les conseils régionaux devraient se faire communiquer les contrats et conventions signés par les officinaux avec des établissements médicosociaux (art. R. 4235-60 du Code de la santé publique). Si ces contrats ne respectent par les textes et règles déontologiques afférents, il est demandé au conseil régional de procéder à une injonction du pharmacien pour qu’il s’y conforme. Dans le cas contraire, « les présidents des conseils régionaux déposeront des plaintes », note le conseil central A, qui liste les règles à respecter dans une série de considérants. Il rappelle notamment que :
– Les résidents nécessitent un suivi pharmaceutique régulier favorisé par la proximité, et qu’« il revient au pharmacien […] de prendre une part active au suivi pharmaceutique en coordination avec le médecin coordonnateur ».
– Le libre choix du pharmacien par le malade (art. L. 1110-8 du CSP) « nécessite la manifestation expresse du consentement du patient et s’impose aux pharmaciens eux-mêmes ».
– La préparation des doses à administrer relève en droit commun du personnel infirmier (art. R. 4311-5 du CSP).
– La préparation des doses à administrer par les pharmaciens « ne peut être qu’éventuelle » (art. R. 4235-48 du CSP), donc « ni systématique, ni généralisée ».
– Une telle systématisation « conduirait à la spécialisation de certaines officines », à l’éloignement des pharmacies de leurs malades, ce qui serait « contraire à la qualité des soins pharmaceutiques et porterait atteinte à l’intégrité du maillage territorial des officines ».
– Les pharmaciens proposant leurs services « ne doivent pas aller au-delà de l’information et de la publicité permises par les articles R. 5125-28, R. 4235-57 et suivants du code de déontologie et se garder de solliciter la clientèle… » (art. R. 4235-22).
– Les pharmaciens doivent se garder de tout compérage (art. R. 4235-27). Sera alors considérée comme compérage « l’intelligence entre des pharmacies d’officine et les établissements […] pour répondre à des objectifs purement économiques sans respect intégral des obligations de suivi régulier et d’intervention de proximité ».
– Les contrats pharmacien-établissement ne devront contenir « aucune contrainte financière, commerciale, technique ou morale » de nature à aliéner l’indépendance du pharmacien (art. R. 4235-18).
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