L’officine dans la peau

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Publié le 8 juin 2002
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A la tête du centre d’appels Pravassur, destiné au suivi des patients en postinfarctus, Sandra Djan coordonne une équipe de médecins, dentistes, diététiciennes, psychologues et assistantes sociales. Un nouvelle étape pour cette pharmacienne qui reste passionnée par l’officine. Portrait.

A-t-on jamais vu pareille vocation officinale chez un pharmacien issu de la répartition ? A 38 ans, Sandra Djan présente un curriculum vitæ bien particulier pour une femme dont la grande passion professionnelle – elle ne s’en cache pas – est tout entière dirigée vers la pharmacie d’officine.

« Mon parcours est atypique », concède-t-elle d’emblée, mais pour mieux préciser, dans la foulée, « qu’il a toujours suivi une certaine logique : chercher, par n’importe quel moyen, à participer à l’évolution de la pharmacie ». A ce stade du récit, une précision s’impose : Sandra Djan n’a aucun ascendant officinal, elle n’a pas grandi dans l’ombre des blouses blanches, et n’est pas davantage tombée amoureuse, à la sortie du lycée, d’un jeune pharmacien. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir, très tôt, développé le plus vif intérêt pour l’officine.

Détour par la répartition

Ce n’est pourtant pas derrière un comptoir que Sandra fait ses premières armes. Inscrite en pharmacie, c’est en troisième année qu’elle s’intéresse à l’officine : « J’aime la pharmacie d’officine car c’est un lieu important sur le plan social par le soutien et le conseil apportés au client. » Mais c’est en sixième année que survient le déclic qui conditionnera ses dix premières années de carrière, à la faveur d’une UV de répartition choisie, il faut bien le dire, sans grand enthousiasme. « Dans le cadre de cette UV, nous avons assisté à une intervention sur la logistique de Loïc Hamon, directeur de l’OCP. Ce fut une révélation et la naissance d’un véritable intérêt pour ce secteur. » Sandra Djan appelle alors toute une brochette de répartiteurs, demande à leur rendre visite, à en savoir plus sur leur activité.

Naturellement, une fois ses études bouclées, elle est engagée dans la répartition… à l’OCP. « J’étais tout feu tout flammes, se souvient-elle aujourd’hui, et je me demandais ce que je pouvais apporter aux pharmaciens d’officine, dont je partageais le même langage. » Commence alors un cycle d’années fastes à une époque où le secteur de la répartition a le vent en poupe. Au contact de gens « passionnants et investis » dont elle se dit, aujourd’hui encore, reconnaissante, Sandra se voit chargée d’un secteur de clientèle, des pharmaciens parisiens dont elle va s’attacher à comprendre les besoins afin de les conseiller au mieux sur les achats, les conditions commerciales, le service de livraison. Elle découvre alors, sur le terrain, les réalités du métier de pharmacien d’officine : « Je me suis rendu compte que les pharmaciens étaient relativement isolés dans leurs officines. Je suis devenue pour eux une sorte de regard extérieur qui leur permettait de s’autoévaluer. Adossée à un grand acteur de la répartition, j’ai tenté de développer pour ces officinaux des services supplémentaires afin de nous distinguer de nos concurrents et de fidéliser notre clientèle. » Elle apprend alors à étudier un bilan, à gérer un secteur purement commercial, autant de compétences que l’on n’apprend pas forcément sur les bancs de la faculté.

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L’année 1997 marque pour elle un tournant. A l’occasion du déménagement de l’OCP vers Saint-Ouen, Sandra est chargée de gérer cette transition auprès de toute la clientèle parisienne du répartiteur. Un travail herculéen, auquel s’ajoute, la même année, la délicate mission d’intégrer les clients du répartiteur Bourely lors du rachat de ce dernier par l’OCP. Une année intense, prélude à une offensive radicale de la concurrence entre les sociétés de répartition, qui traumatise le secteur. Alors qu’elle envisage de « décrocher », elle se voit proposer de prendre en charge la clientèle du groupement Pharmactiv, filiale de l’OCP : « C’était une sorte de placard doré qui m’a au moins permis de rencontrer des pharmaciens dans la France entière. » L’expérience est de courte durée (un an) mais elle lui permettra de cerner mieux encore les caractéristiques de la profession officinale.

Une année en officine

Cette profession, Sandra s’y immerge résolument en 1998 en effectuant des remplacements en officine, tout en préparant un DU d’orthopédie. Le comptoir n’a alors plus de secrets pour elle : « J’ai profité de ces remplacements pour me recentrer sur la construction de la relation avec le client. Il y a tant à faire ! Nous avons en France un fabuleux système de santé mais aucun suivi réel des patients, tant en prévention qu’en observance des traitements médicamenteux. Face à la parapharmacie, l’officine a été obligée de développer son sens commercial mais cela s’est fait au détriment de ses missions de santé. La rémunération du générique était un véritable cadeau pour les pharmaciens, quelque chose qui aurait dû redresser leur marge et leur image. Ils n’ont malheureusement pas compris l’intérêt de s’y investir. » Et qu’on ne lui parle pas des freins à la substitution : « C’est du vent ! Si le pharmacien sait instaurer une vraie relation de confiance avec son client, il n’a aucun mal à lui vendre un générique. »

L’aventure Pravassur

Dernière étape de ce cheminement hors normes, Sandra est intégrée à la direction Innovation Santé d’Axa où elle est missionnée pour mettre en place des actions de santé et de prévention. Elle crée alors, pour le compte des laboratoires Bristol-Myers Squibb qui font appel aux moyens logistique d’Axa, un centre d’appels reposant sur une équipe pluridisciplinaire (médecins, psychologues, dentistes, assistantes sociales, ORL, diététiciens). Une équipe que dirige Sandra et qui répond aux questions posées par des patients en postinfarctus abonnés gratuitement, sur les recommandations de leur cardiologue, dans le cadre de leur traitement par Elisor. L’ouverture de la ligne date du mois d’avril et, déjà, elle brûle d’y associer les pharmaciens : « Ce type de patients chroniques constitue le noyau dur de la pharmacie d’officine. Recommander le programme Pravassur peut leur permettre de s’investir dans cette mission de prévention, et de fidéliser ce type de clients. »

Décidément, l’officine n’est jamais loin des préoccupations de cette « pharmacienne du troisième type », qui n’exclut pas un jour de posséder sa propre officine. Encore un nouveau chapitre à écrire dans cette histoire d’amour que Sandra entretient, à sa manière, avec la profession officinale…

Carrières

1989 : étudiante en sixième année de pharmacie, Sandra Djan découvre le monde de la répartition pharmaceutique.

1990 : elle est embauchée à l’OCP, en qualité de commerciale.

1998 : elle prend en charge la clientèle du groupement Pharmactiv, filiale de l’OCP.

1999 : elle quitte Pharmactiv et effectue une série de remplacements dans des officines. Elle passe avec succès un DU d’orthopédie.

2000 : elle intègre la direction Innovation Santé du groupe Axa tout en travaillant à mi-temps en officine.

2001 : elle renonce provisoirement à son activité officinale pour se consacrer à sa fille.

2002 : elle lance le centre d’appels Pravassur, programme d’accompagnement des patients en postinfarctus, pour le compte des laboratoires Bristol-Myers Squibb.