L’HEURE DU CHOIX

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Publié le 13 décembre 2014
Par Loan Tranthimy
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Alors que des propositions d’amélioration du maillage officinal devront être présentées à l’Ordre et aux syndicats de pharmaciens en janvier 2015, une étude de l’INSEE publiée le 4 décembre révèle que la répartition officinale n’est pas uniforme en dépit de la réglementation.

La modernisation des conditions d’exercice des pharmaciens a été renvoyée dans le projet de loi de santé », a confirmé le ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, devant des représentants de professions réglementées venus nombreux au 22e congrès de l’Union nationale des professions libérales (UNAPL) le 5 décembre. Dans son discours, le locataire de Bercy a néanmoins insisté sur les objectifs de modernisation, et notamment le maillage territorial. « Aujourd’hui pour beaucoup de professions, le maillage territorial existe mais il n’est pas satisfaisant car il manque des implantations », dit-il.

Si cette critique s’adresse avant tout aux professions juridiques, le ministre de l’Economie pourrait aussi évoquer la répartition officinale, loin d’être exemplaire, à croire la dernière étude de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) publiée le 4 décembre. Car en dépit des règles d’implantation strictes, « en 2012 comme en 2006, les officines sont inégalement réparties sur le territoire », écrit l’organisme. Même si l’étude se base sur des données de 2012, elle évoque deux phénomènes intéressants (voir cartes ci-contre). Si, en moyenne, une pharmacie sert 2 700 habitants, la densité par habitant est variable d’une Région à l’autre, plus faible dans les Régions du Nord et plus forte dans celles du Sud où la population est plus âgée. D’autre part, dans les régions où le nombre d’officines est important au regard de la population, « le chiffre d’affaires par habitant est plus élevé que la moyenne nationale. A l’inverse, les Régions moins bien dotées en officines sont souvent celles où le chiffre d’affaires par habitant est plus faible (Alsace, Haute-Normandie…). Dans ces régions, la part des seniors est souvent plus faible, alors que c’est à ces âges que les dépenses médicales sont supérieures à la moyenne nationale », commente l’INSEE. Si ces données sont contestées par l’Ordre, elles révèlent que le critère actuel d’implantation des officines, basé sur le nombre d’habitants dans la limite de la commune prévu dans la loi de répartition de 2008, n’est plus adapté pour assurer le bon accès aux médicaments de la population. Doit-il évoluer pour tenir compte d’autres caractéristiques comme la présence de la population âgée, la densité médicale ou encore le pouvoir d’achat ? C’est une piste possible.

Faudra-t-il modifier le critère d’implantation ?

Selon la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), des propositions émises par le ministère de la Santé seront soumises en concertation en janvier 2015 à l’Ordre et aux syndicats de pharmaciens. Celles-ci porteront sur « l’adaptation du régime d’autorisation et des règles de quotas qui encadrent le maillage pharmaceutique ». Aussi, pour optimiser ce maillage, la DGOS explique qu’un certain nombre de simplifications et d’évolutions des dispositions législatives encadrant les transferts et les regroupements sera envisagée. S’agirait-il par exemple d’autoriser les transferts intracommunaux dans les communes ne comptant qu’une seule officine, le déplacement d’une officine située dans une commune excédentaire vers toute commune déficitaire incluse dans un zonage défini par l’ARS, ou encore le rapprochement géographique des officines avec les prescripteurs exerçant dans une maison de santé pluridisciplinaire ? Impossible d’avoir plus de précisions pour le moment.

Pour Hervé Breteau, vice-président de l’Association de pharmacie rurale (APR), « en zone rurale il serait judicieux de revoir la répartition en fonction du bassin de vie. Il faut faciliter certains transferts et assouplir des règles de regroupement en instaurant une aide fiscale. Le regroupement systématique avec une maison de santé n’est pas une bonne idée car il n’y aura pas forcément de candidats si le facteur de commercialité n’existe pas ». « Il est important de mettre en place ces outils. Mais comme toujours on oublie l’élément essentiel qui est l’économie officinale », prévient Michel Caillaud, conseiller économique de l’UNPF. « Pour que deux pharmacies puissent se regrouper, elles doivent avoir un intérêt économique à travers une incitation financière par exemple. Surtout, il faut éviter les PLFSS qui cassent l’économie officinale. » Gilles Bonnefond, président de l’USPO, estime, lui, que le maillage est aujourd’hui adapté. « Il faut régler le problème de la surdensité en utilisant deux outils, le regroupement et l’indemnité de fermeture, à condition que la fiscalité soit au rendez-vous », conclut-il. Seront-ils entendus ? Pas si sûr.

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L’Ordre conteste les chiffres

« L’Ordre des pharmaciens ne peut accepter des présentations faussées ou biaisées. S’agissant de données officielles et importantes pour la politique de santé publique, il paraît légitime de souhaiter qu’elles soient vérifiées et croisées. » Dans un communiqué en date du 8 décembre, l’Ordre estime que l’effectif avancé par l’INSEE dans son enquête est erroné : « Fin 2012, il y avait 21 939 pharmacies en métropole et 628 dans les départements et collectivités d’outre-mer, soit un total de 22 567 officines et non 23 800 comme l’indique l’INSEE. Les 1 233 officines supplémentaires seraient-elles tenues par des pharmaciens titulaires tout aussi fantômes ? » « Je n’admets pas qu’une telle structure lance des éléments faux qui pourraient perturber les discussions actuelles sur le maillage », déclare Patrick Fortuit, vice-président. Une analyse approfondie du document sera rendue publique prochainement par l’instance ordinale.