- Accueil ›
- Profession ›
- Interpro ›
- Le pharmacien référent est né
Le pharmacien référent est né
Le statut de pharmacien référent a été officialisé dans le cadre de la réforme de l’assurance maladie. Des départements sont déjà passés à la pratique avec des protocoles de soins entre des patients et la CPAM. Expériences concluantes en Haute-Garonne et en Côte-d’Or.
Publié le 17 août dernier au Journal officiel, l’article 17 de la loi sur la réforme de l’assurance maladie soumet le remboursement des traitements utilisés de façon détournée à l’obligation de mentionner sur l’ordonnance du médecin le nom du pharmacien chargé de la délivrance. Le statut de pharmacien référent vient donc d’acquérir un cadre légal, dont l’application ne dépend que d’un arrêté ministériel fixant la liste des médicaments concernés. Le modèle de délivrance de la méthadone en ville devrait vraisemblablement être élargi à tous les traitements de substitution, comme le recommande d’ailleurs la conférence de consensus (23 et 24 juin dernier) à propos des stratégies thérapeutiques pour les personnes dépendantes aux opiacés.
Tiers payant bloqué pour les non-référents.
Mais en réalité, le protocole de soins « pharmacien et médecin référents » est déjà en marche. En Haute-Garonne, cette procédure a été mise en place cet été pour le Subutex à l’initiative de l’Ordre et de la CPAM. Objectif : endiguer le trafic et la surconsommation du produit. « Notre service médical convoque les patients dont la quantité des produits remboursés dépasse de façon évidente la consommation personnelle. Nous établissons avec eux un protocole signé dans lequel ils désignent un médecin et une pharmacie de leur choix. Le tiers payant est alors bloqué pour toutes les autres officines, rapporte Gilbert Taillefer, directeur adjoint de la CPAM de Haute-Garonne. Jusque-là nous avons essayé de régler le problème du nomadisme médical avec les moyens du bord. Cela allait à l’encontre de la liberté de choix de son soignant. »
L’organisation mise en place en Haute-Garonne est proche de celle dictée par la loi, à une différence près : l’identité du pharmacien référent émane d’un accord entre la Sécurité sociale et le patient. Actuellement, quinze personnes sont sous « protocole Subutex » dans le département. La liste de ces patients et de leur pharmacie référente est envoyée à toutes les officines du département. « C’est un système simple et clair qui ne demande qu’à s’étendre à toute la France. Il prend en compte le suivi personnalisé des patients et responsabilise les malades, c’est la meilleure façon de parvenir au sevrage définitif », se félicite Michel Laspougeas, président du conseil régional de l’Ordre Midi-Pyrénées. « Les pharmaciens ont trouvé un terrain d’entente exemplaire avec la Sécurité sociale. D’autant plus que la mise en place du dispositif n’induit pas de surcroît de travail », ajoute-t-il.
Etendre le dispositif à d’autres médicaments.
D’ores et déjà, le bilan d’une telle initiative se révèle prometteur. « Nous savons que le prix du comprimé de Subutex au marché noir a considérablement augmenté. Le trafic dans le département a fortement diminué », indique Gilbert Taillefer. Pour Michel Laspougeas, le statut de pharmacien référent va de pair avec la formation continue pour une prise en charge optimale. « Pour autant, le nombre de patients suivis par officine devrait se limiter à sept », avance-t-il.
Ce dispositif spécifique à la buprénorphine pourrait s’étendre à d’autres médicaments. « Pourquoi pas aux sorties de la réserve hospitalière et, plus précisément, aux anticancéreux de manipulation particulière ou réputés dangereux ? », suggère le responsable ordinal.
Et si le principe de contractualisation en matière de santé s’étendait à toutes les surconsommations, quel que soit le médicament ? C’est le pari pris depuis trois ans et demi par la CPAM de la Côte-d’Or – et désormais étendu à toute la Bourgogne – en s’appuyant sur le Code de la Sécurité sociale. En effet, son article L. 324-1 prévoit l’établissement d’un protocole de diagnostic et de soins en cas de traitements prolongés. « Il s’agit de restaurer une attitude rationnelle face aux soins. C’est une mesure de sécurité sanitaire dans l’intérêt de l’usager appliquée à toute consommation médicale élevée, médicamenteuse mais parfois chirurgicale, comme les interventions dans le domaine de l’esthétique. Nos médecins-conseils demandent de se limiter, pour le problème donné, à des professionnels de santé référents de leur choix », indique Martine Mollot-Derel, sous-directrice en charge du secteur santé à la CPAM de la Côte-d’Or.
Si la plupart des cas relèvent du Subutex, ils peuvent aussi concerner les psychotropes ou toute autre classe médicamenteuse. « Trop de pharmaciens sont codélivreurs sans le savoir ! », constate la responsable de la CPAM. Elle relate par ailleurs un « contrat » relatif à la metformine. Hélène Roy-Rat, titulaire à Dijon, se souvient d’un client qui venait tous les mois avec une ordonnance d’antalgiques. « La prescription était établie par le même généraliste, paraissait cohérente avec une posologie normale. Mais le patient avait en réalité plusieurs médecins traitants et se fournissait bien sûr dans différentes officines. La démarche de la Sécurité sociale est vraiment intéressante car elle permet de pointer du doigt des dérives inaperçues par les professionnels de santé impliqués malgré eux. »
Les pharmaciens non référents pour un patient donné sont alors prévenus par lettre et sommés de ne plus le délivrer. « Mais en fait, les surconsommateurs qui faisaient partie de ma clientèle ne sont jamais revenus, témoigne Hélène Roy-Rat, et s’ils se présentaient à nouveau, toute l’équipe pourrait les repérer facilement grâce au message d’alerte figurant sur leur fichier client. »
Main dans la main avec la Sécu.
La Côte-d’Or suit aujourd’hui une douzaine de patients sur le modèle d’une collaboration active entre les pharmaciens, les médecins et la Sécurité sociale. Si ces cas se révèlent marginaux, les expériences s’avèrent positives et elles ont permis de poser les jalons du statut de pharmacien référent. « Les malades concernés acceptent bien la démarche car nous privilégions le dialogue, aussi bien avec eux qu’avec les professionnels de santé. Notre objectif se veut sécuritaire avant d’être économique », insiste Martine Mollot-Derel. Et de préciser : « En plaçant le projet thérapeutique du patient au centre de nos préoccupations, nous permettons aux pharmaciens d’assurer pleinement leur rôle d’acteur de santé publique. »
Finies les relations purement administratives avec la Sécurité sociale ? « Nous travaillons enfin main dans la main avec l’assurance maladie et avec les médecins », rapporte Michel Laspougeas. Les réseaux pourraient avoir un bel avenir devant eux.
A retenir
– CADRE LÉGAL
La loi réformant l’assurance maladie introduit un article encadrant la pratique qui consiste à désigner un praticien et un pharmacien identifiés pour certains patients.
– EXPÉRIENCES
La Haute-Garonne expérimente déjà le système sur la délivrance de Subutex. En Côte-d’Or, il est déjà effectif pour éviter le nomadisme médical. Les pharmaciens non « désignés » ont reçu pour consigne de ne plus servir les assurés sociaux concernés.
– PRODUITS À RISQUE
Pour l’instant, l’idée est d’encadrer la dispensation de produits jugés à risque mais le cadre légal pourrait s’appliquer à un autre contexte.
- Rémunération des pharmaciens : une réforme majeure se prépare-t-elle ?
- Les métiers de l’officine enfin reconnus à risques ergonomiques
- Remises génériques : l’arrêté rectificatif en passe d’être publié
- Réforme de la rémunération officinale : quelles sont les propositions sur la table ?
- Paracétamol : quel est cet appel d’offres qui entraînera des baisses de prix ?
- Comptoir officinal : optimiser l’espace sans sacrifier la relation patient
- Reishi, shiitaké, maitaké : la poussée des champignons médicinaux
- Budget de la sécu 2026 : quelles mesures concernent les pharmaciens ?
- Cancers féminins : des voies de traitements prometteuses
- Vitamine A Blache 15 000 UI/g : un remplaçant pour Vitamine A Dulcis
