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Le diabète borné à l’officine
A Tarbes, Robert Astuguevieille teste les technologies de demain à des fins d’éducation thérapeutique dansle cadre du programme Diabsat. L’objectif : améliorer la prise en charge des patients diabétiques habitant des zones peu accessibles.
Lorsque le service de diabétologie du CHU de Rangueil, à Toulouse, m’a proposé de participer à une expérimentation de télésanté Diabsat(1), j’ai tout de suite accepté. Le protocole valorise notre rôle d’éducateur de santé, explique Robert Astuguevieille installé à Tarbes. D’autant plus que je suis correspondant pour les Hautes-Pyrénées de l’Association de formation continue des pharmaciens de Midi-Pyrénées. »
Diabsat est un réseau de partenaires proposant d’améliorer la prise en charge du diabète ainsi que le quotidien de près de 2 millions de malades vivant en zone rurale. Le Centre national d’études spatiales, spécialisé dans la collecte et la diffusion de données biomédicales, le conseil régional de Midi-Pyrénées et le CHU de Toulouse s’y sont associés via un dispositif itinérant de dépistage des complications du diabète par satellite. De la sorte, les communications ADSL s’affranchissent des réseaux classiques qui ne couvrent pas l’intégralité des zones rurales.
Depuis octobre 2009, l’officine de Robert Astuguevieille accueille donc une borne interactive tactile dotée de logiciels d’éducation « hygiéno-nutritionnelle »(2). Tout comme lui, neuf de ses confrères en sont équipés afin de juger de sa pertinence, dix autres testant l’éducation thérapeutique du patient sans l’outil informatique. Les douze mois du protocole suivi à la Pharmacie Astuguevieille s’intègrent dans une évaluation médicoéconomique d’une période de deux ans menée par le CHU en collaboration avec le réseau régional de diabétologie Diamip. Trois volets composent l’étude : la prévention – via borne interactive –, le dépistage – via un véhicule médicalisé sillonnant le département – et le suivi à domicile – via un téléphone portable -, avec le concours de pharmaciens d’officine, d’une infirmière mobile et d’infirmiers libéraux.
Impliquer le patient diabétique vis-à-vis de sa maladie
« Il y a un an, chacun des pharmaciens participants a commencé à recruter une douzaine de patients susceptibles d’intégrer le protocole expérimental. J’ai d’abord pensé que ce serait simple, mais rapidement la liste des personnes potentielles s’est réduite », retrace Robert Astuguevieille. Pour commencer, seul le diabète de type II était concerné par le protocole. Etant donné les modalités, les candidats ne doivent pas présenter de problèmes de vue, savoir utiliser une borne tactile et être disposés à s’impliquer. Devant le nombre réduit de candidats, l’expérimentation s’est étendue au diabète de type I. « Il est vrai que les diabétiques sont souvent âgés (plus de 60 ans) et peu familiers de l’outil informatique », explique le titulaire.
En préambule, une fois le formulaire de consentement signé, chacun participe à un entretien individuel avec une diététicienne du service de diabétologie du CHU en présence du pharmacien. L’intervenante détaille les questions de diététique, d’activité physique et d’hygiène de vie, des thèmes qui font également l’objet d’un questionnaire, en début et en fin d’étude. Le rendez-vous est aussi l’occasion de présenter le fonctionnement de la borne Educad et des logiciels interactifs à disposition : Nutri-Educ, Nutri-Kiosk et Acti-Kiosk. Pour rendre les malades « acteurs » de leur santé, ils sont invités à venir librement consulter la borne à l’aide d’un code d’accès personnel. Les temps de connexion et d’utilisation des logiciels sont retransmis chaque soir par satellite aux spécialistes du CHU. « Il est vrai que l’information circulait davantage dans ce sens. Mais, par cette même voie, les supports pédagogiques pourraient être mis à jour », remarque Robert Astuguevieille.
Une mission reconnue dans le cadre de la loi HPST
Loin de se cantonner au cadre strict imposé par le projet, Robert Astuguevieille a diffusé l’information aux associations locales, la borne étant en libre accès. Le titulaire est en effet habitué à s’engager pleinement pour la profession. Président départemental du syndicat FSPF jusqu’en 2008, il a participé à différentes initiatives, notamment dans le cadre du Réseau ville-hôpital des Hautes-Pyrénées, créé à l’origine pour les personnes atteintes du sida : « A la pharmacie, nous donnons gratuitement de notre temps de façon récurrente, que ce soit pour les toxicodépendants, les diabétiques, les insuffisants cardiaques. » Cette mission du pharmacien est d’ailleurs enfin reconnue dans le cadre de la loi HPST. « Mais l’éducation thérapeutique du patient, pour se développer, posera forcément la question de la rémunération des professionnels que nous sommes », souligne Robert Astuguevieille.
La pharmacie « plaque tournante des évolutions technologiques »
L’ensemble des données collectées par les pharmaciens sera analysé prochainement. Déjà, Robert Astuguevieille note quelques points : « Les personnes se montrent réellement intéressées par un meilleur suivi, bien que nous n’intervenions pas au niveau de leur traitement. Maintenant, certains sont plus libres face à l’appareil. Et même si la participation reste décevante, à mon avis la borne a permis d’engager la conversation sur un autre support que celui de la posologie de l’ordonnance. Par exemple, au premier abord une personne peut affirmer manger sainement. Et puis, finalement, en discutant, elle avoue manger deux chocolatines au petit déjeuner. Dès lors la discussion peut s’amorcer sur l’hygiène alimentaire. »
Le programme Diabsat est bien dans l’esprit du décret sur la télémédecine paru le mois dernier. Robert Astuguevieille, fort de ses 25 ans d’exercice, tient à rappeler que les pharmacies, pourtant parfois victimes d’une image vieillotte, en ont été le fer de lance : « Nous avons toujours été la plaque tournante des évolutions technologiques et nous avons notamment été précurseurs en matière de télétransmission. En pharmacie, elle existe depuis 20 ans. De fait, l’officine innove en permanence. C’est une nécessité. A Tarbes, par exemple, la visioconférence nous permet d’assister à des cours de l’université Paul-Sabatier de Toulouse, située à 150 kilomètres. Je suis à 100 % pour la télésanté. » Robert Astuguevieille reste toutefois prudent quant au rôle de chacun. « Les professionnels de santé sont complémentaires », affirme-t-il, faisant référence à la télémédecine et à la possibilité de prévoir un espace de consultation respectant la confidentialité dans les murs de l’officine. Un espace au sein duquel le pharmacien demeure un interlocuteur de proximité.
1) www.cnes.fr/diabsat/
2) Le programme pourrait s’appliquer à d’autres maladies chroniques comme l’asthme, l’obésité, l’hypertension artérielle…
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LES AVANTAGES
• L’« e-santé » conforte le rôle d’éducateur de santé du pharmacien, souvent méconnu du public et chez qui elle peut déclencher une prise de conscience.
• L’e-santé permet, autant au professionnel qu’au patient, d’acquérir de nouvelles connaissances scientifiques. Elle favorise l’image de conseil et d’information. Le pharmacien n’est pas là que pour délivrer les médicaments.
• Les intervenants sont de haute qualité.
LES INCONVÉNIENTS
• L’e-santé nécessite un agencement adéquat.
• Il faut être prêt à donner de son temps.
• Les patients d’un certain âge sont malheureusement peu à même d’en bénéficier. Même les personnes a priori intéressées ne font pas toujours la démarche de se rendre à l’officine pour utiliser ce service.
LES CONSEILS
• Il faut profiter des innovations et évoluer avec son temps.
• Pour se lancer, le plus sûr est de s’adresser à des organismes de formation reconnus.
• Il est essentiel de s’assurer de la fiabilité des partenaires engagés dans le projet.
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