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La convention sur de bonnes bases
Pierre Deloménie, inspecteur général des Affaires sociales, doit remettre au ministre de la Santé les conclusions du groupe de travail sur les maisons de retraite. Si le ministère en reprend fidèlement les termes, une convention Officine-EHPAD verra rapidement le jour.
Le document est à la fois complet, synthétique et précis et a fait consensus chez tous les représentants de la profession (syndicats, Ordre) ! Le groupe de travail réunissait également les représentants de l’Administration, de l’Assurance maladie et des EHPAD (établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes), publiques et privées*. En sont issus un certain nombre d’éléments, retenus pour constituer la convention type que signeront à l’avenir, pour une année renouvelable, le(s) pharmacien(s) fournisseur(s) et l’EHPAD.
« Le principe de cette convention sera inscrit dans le Code de la santé publique par voie législative », note le document de synthèse. Par convention (déclarée à l’Ordre), le pharmacien s’engagera à travailler avec le médecin coordonnateur avec des fiches de suivi personnalisées pour les patients et/ou les intervenants de l’EHPAD. Il aura « un contact individualisé avec le malade : visite au résident notamment lors d’une première dispensation et éventuellement en cas de substitution générique ». Il participera au suivi de l’état de santé des malades auxquels il a délivré des traitements et « aux réunions consacrées à la prescription et à son évaluation ». Chaque EHPAD devant dresser au moins une fois par an une liste de médicaments (par classe, DC) à dispenser prioritairement, le(s) pharmacien(s) signataire(s) participera(ont) à son élaboration (de même qu’à celle des médicaments pour soins urgents).
Est également prévue la participation du pharmacien « à l’élaboration du circuit du médicament et à son éventuelle informatisation, au contrôle du stock par patient […], à la récupération des produits de santé non utilisés… ». L’officine tiendra un dossier pharmacothérapeutique pour chaque résident (pour cela, il lui faudra un accès aux données nécessaires du DMP, note-t-on).
Au quotidien, le pharmacien devra privilégier les génériques et « les dispositifs médicaux les moins onéreux parmi ceux adaptés aux besoins du patient », mais aussi garantir « une livraison immédiate en cas d’urgence et sinon dans les 24 heures ». Sachant que le médecin coordonnateur devra soumettre au(x) pharmacien(s) la procédure d’urgence (notion de gravité, de délais).
Pas de reconditionnement hors de l’EHPAD.
Pour tous, « il s’agit de mettre en place une véritable maîtrise médicalisée dans les maisons de retraite, explique Yves Trouillet, président de l’Association de pharmacie rurale (APR). Je pense que l’ensemble de ces critères est à la portée de beaucoup de pharmaciens aujourd’hui ». « D’ailleurs, les pharmaciens de proximité pourront continuer d’intervenir à plusieurs dans un établissement, quitte à ce qu’il y ait un tour de rôle, insiste Isabelle Adenot, présidente de la section A de l’Ordre. Nous nous sommes battus pour cela. »
La préparation des doses à administrer ne pourra se faire que dans l’EHPAD, « par du personnel de l’établissement ou par un pharmacien d’officine (titulaire ou adjoint) », note le document. Et au maximum, une semaine à l’avance. « En fait, l’ensemble du groupe a convenu que le droit commun, c’est que la préparation des doses à administrer se fasse dans l’EHPAD par du personnel infirmier. Le fait que le pharmacien vienne la faire n’est qu’une solution de recours », explique Isabelle Adenot. La priorité sera de laisser les résidents préparer eux-mêmes leurs médicaments. Pas de reconditionnement hors de l’EHPAD, ont en tout cas tranché la DGS et la DHOS !
Les remises, elles, pourraient être « plafonnées et partagées entre l’EHPAD et l’assurance maladie »… mais aucun chiffre n’est avancé. « Nous avons dit non aux remises car nous avons calculé que le coût du service, de la coordination, était déjà d’environ 15 % du prix du médicament ! », indique Danièle Paoli, chargée de la commission Exercice professionnel à la FSPF. Mais l’IGAS semble pour, dès lors que l’assurance maladie aura elle aussi la possibilité d’en profiter.
Ne signez rien !
Plus préoccupant, l’administration serait favorable à la réintroduction du médicament dans le forfait de soins alors même que des représentants d’EHPAD, confrontés depuis quatre ans à la douloureuse expérience des enveloppes budgétaires, avaient fini par changer d’avis. « Il ne faut pas se leurrer, le retour dans le forfait de soins est automatique quand il y a une PUI. Les deux sont étroitement liés », note Yves Trouillet.
Le débat sur les PUI est en effet loin d’être clos, même si « deux enquêtes ont été demandées par Pierre Deloménie à la CNAM et à la DHOS pour comparer le coût d’un médicament via une PUI et via l’officine. Or il s’avère que le différentiel est de 50 centimes par patient et par jour, ce qui a étonné tout le monde », relève Danièle Paoli. Exit, donc, l’idée reçue selon laquelle la PUI est beaucoup plus économique.
Comme sur d’autres dossiers sensibles, il faut donc désormais s’en remettre aux arbitrages de l’Avenue de Ségur. En attendant, tous les représentants de la profession exhortent les pharmaciens et responsables d’EHPAD à la prudence. Ne rien signer de sensible, ne pas céder à la pression concernant les remises et le reconditionnement tant que la volonté du ministère n’est pas connue. Reste à savoir si cette convention sera rapidement inscrite dans la loi ou si elle devra attendre d’être incluse dans la convention élargie UNCAM-Officine, toujours au point mort. En matière de coordination des soins, la profession jouera ici beaucoup plus que le seul marché des EHPAD.
* Etaient présents aux Ateliers, pour l’officine, l’Ordre, l’APR, la FSPF, l’UNPF.
A retenir
– avoir un contact individualisé avec chaque malade, (au moins une visite lors de la 1re dispensation).
– tenir un dossier pharmacothérapeutique pour chaque résident.
– toute dose à administrer doit être préparée au sein de l’EHPAD par du personnel infirmier ou, exceptionnellement, par un officinal.
– le coût du service et de la coordination est d’environ 15 % du prix du médicament selon la FSPF.
– les remises demandées au pharmacien pourraient être plafonnées et partagées entre l’EHPAD et l’assurance maladie.
Expérimentation dans le Sud-Est
– L’USPO a présenté à Pharmagora une expérimentation de coordination des soins en EHPAD menée sur 10 établissements de la Drôme, de l’Isère et de l’Ardèche en collaboration avec la Société française de pharmacie clinique. Objectif : prouver aux établissements la plus-value de l’intervention du pharmacien. « Mais l’enjeu va bien au-delà de la captation de ce marché, il s’agit de la revalorisation de notre monopole », avait insisté Gilles Bonnefond, secrétaire général de l’USPO.
Concrètement, 173 ordonnances ont été passées par les pharmaciens au crible de la pharmacologie, des incompatibilités, des risques d’effets secondaires, et pour des modifications possibles de traitement. « On s’est aperçu qu’on avait quelque chose à dire sur presque toutes, avec notamment quelques interactions médicamenteuses graves relevées au passage, note Philippe Vacherand, vice-président de l’USPO. Les médecins coordonnateurs nous ont dit qu’ils avaient ainsi les éléments nécessaires pour discuter avec les médecins prescripteurs. Un bémol cependant : les réticences, justement, des médecins prescripteurs », qui constituent les limites de l’exercice. « Si on veut intervenir dans les EHPAD, il faut qu’on soit aussi capables de faire ce travail de pharmacie clinique », estime Philippe Vacherand. « Et non de déconditionner, assène Gilles Bonnefond. Le déconditionnement est aujourd’hui un outil utilisé par des pharmaciens pour capter des maisons de retraite. Le sujet est devenu un argument commercial. Or c’est la plus mauvaise porte d’entrée pour garder le marché. »
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