“Il faut repenser le système pour donner un accès aux soins rapide

Réservé aux abonnés
Publié le 29 mars 2018
Par Peggy Cardin-Changizi
Mettre en favori

Le célèbre journaliste, Patrick Chêne, s’est éloigné des plateaux de télévision pour soigner un cancer. Aujourd’hui guéri, il revient sur son combat en rendant hommage à l’hôpital public, à la qualité des soins, mais surtout à l’humanité de son personnel.

Agé de 61 ans, Patick Chêne, ex-présentateur de « Stade 2 », du Tour de France et du JT de 13 heures sur France Télévision, participe aujourd’hui régulièrement à l’émission « On refait le Monde » animée par Marc-Olivier Fogiel sur RTL. Il conseille également un organisme de sport pour les médias et s’occupe, en parallèle, de son domaine viticole à Avignon (84). Dans la tribune « Cessons de nous plaindre », publiée dans Le Figaro en septembre 2017, il a rendu un vibrant hommage à l’hôpital public et à son personnel de santé. Rencontre.

« Pharmacien Manager ». Quand avez-vous appris que vous étiez malade ?

Patrick Chêne. Je l’ai appris par étape fin 2016. D’abord des polypes, puis des analyses et des examens. J’avais compris au fur et à mesure ce qu’il m’arrivait. J’ai pu me mettre très tôt en position de combat. Mon généraliste m’a envoyé directement voir un spécialiste : le Pr Michaël Peyromaure, chef du service d’urologie de l’hôpital Cochin, qui m’a opéré. Et c’est à l’institut Sainte-Catherine à Avignon, près de chez moi, que j’ai effectué ma chimiothérapie.

P.M. Pourquoi avoir choisi de révéler publiquement votre maladie ?

P.C. Au moment où j’étais au plus bas, j’ai senti le besoin de formaliser ce qui m’arrivait et de dire combien j’étais séduit par la qualité du personnel médical. J’ai voulu aussi relater leur souffrance. Écrire était un réflexe de patient, de malade, mais aussi de journaliste. J’ai toujours été un homme d’écrit (livre, film, pièce de théâtre). Mon ami Yves Thréard, journaliste au Figaro, m’a proposé de publier mon texte sur le site du journal. Puis, il a été repris par Brut en vidéo et vu par près de 8 millions de personnes. Je n’ai pas bien compris un tel engouement ! En fait, j’avais visé juste. Mon discours était authentique, pas impudique, et il représentait ce que je suis. Il a touché les patients, le personnel soignant et le public car ce n’est pas un discours d’expert. C’était un texte humaniste, sans analyse ou résonnances normatiques.

P.M. Que tirez-vous de vos rapports humains avec le personnel soignant ?

P.C. Avant même d’être malade, dans combien de débats politiques ou médiatiques ai-je entendu les hommages rendus à ces corporations ? Mais ce ne sont que des mots. La réalité dépasse tout ce que l’on peut imaginer. Le respect, la disponibilité, l’attention portée au malade sont inouïs. Avec un sourire bienveillant et une extraordinaire expertise. Je suis totalement admiratif de ces personnes qui travaillent 12 heures par jour, trois jours de suite et qui malgré leur vie de famille restent totalement à l’écoute des patients. Les infirmières âgées entre 20 et 35 ans ne me connaissaient pas spécialement… elles ne se disaient pas “Tiens, c’est Patrick Chêne de la télé !”. Néanmoins, j’ai établi une relation de sympathie avec elles. J’étais un bon patient, un combattant souriant, je transformais tout en positif.

P.M. En revanche, vous pointez la lenteur des « protocoles imposés par la grosse machine administrative »…

P.C. Lorsqu’un chef de service à la télévision doit user 30 % de son énergie à bousculer les diktats administratifs, ce n’est pas grave. Quand cela se passe à l’hôpital, l’attitude est coupable puisqu’il devrait consacrer tout son temps à soigner ses patients. À l’heure actuelle, un chef de service en milieu hospitalier fournit beaucoup trop d’efforts pour sauver un poste d’infirmière ou de secrétaire, un lit ou un bloc opératoire.

Publicité

P.M. Selon vous, la carte Vitale est-elle un sésame formidable ?

P.C. En France, une fois que vous êtes pris en charge par un spécialiste et son équipe, on vous offre le luxe de pouvoir ne vous concentrer que sur votre maladie. Que quelqu’un paye 20 euros de cotisation ou 20 000 euros, il est soigné de la même façon. Les examens, les hospitalisations, les frais pharmaceutiques… La seule présentation de votre carte Vitale suffit. En revanche, il y a une inégalité dans l’accès aux soins.

P.M. Justement, en quoi faut-il améliorer cet accès aux soins ?

P.C. Moi, j’ai eu un accès aux soins très rapide. J’ai demandé le meilleur et j’ai eu un rendez-vous en trois jours. Pour d’autres, ce n’est pas le cas. L’accès aux soins est un problème politique lié aux déserts médicaux, qui entraînent des délais trop importants pour obtenir une consultation chez un spécialiste. Il faut repenser le système pour donner aux gens un accès rapide aux soins et dans les meilleures conditions.

P.M. Durant votre traitement, vous êtes-vous senti encadré moralement ?

P.C. J’ai révélé ma maladie après les traitements, car mon expérience pouvait peut-être rendre service à quelqu’un. J’ai préféré vivre cette épreuve dans l’intimité auprès de ma famille et de mes amis proches. Le personnel soignant a eu envers moi de la bienveillance, mais surtout du respect.

P.M. Quel est votre regard sur le métier de pharmacien ?

P.C. Je suis un mauvais exemple car l’un de mes meilleurs amis, Nicolas Becker, est pharmacien à Monteux (84) ! J’ai été cocooné : il m’apportait mes médicaments à domicile quand c’était nécessaire et il me conseillait. Mes relations avec les pharmaciens ont toujours été bonnes. Lorsque je présentais mon ordonnance avec des médicaments pour le cancer, les pharmaciens m’expliquaient les bénéfices, mais aussi les effets secondaires. Pour délivrer du Fervex, le pharmacien peut, par habitude, adopter une attitude de commerçant. Mais face à une ordonnance plus complexe, il est pédagogique et rassurant.

P.M. Êtes-vous engagé dans le monde associatif ?

P.C. Je soutiens deux associations qui aident les enfants. En France, je suis parrain de Rêves depuis plus de vingt ans et je suis engagé dans l’association Sok Sabay au Cambodge depuis quinze ans. En revanche, je refuse de devenir le porte-parole des malades du cancer. Mais si un projet me plaît, je peux le soutenir, comme cette opération menée par le Dr Jean-Claude Darmon auprès des femmes atteintes d’un cancer.

P.M. Pensez-vous écrire un livre sur votre expérience de patient ?

P.C. Quand j’ai publié mon texte, j’ai été contacté par de grosses maisons d’édition. Par pudeur, j’ai refusé. Quelques semaines plus tard, j’ai discuté avec mon chirurgien, le Pr Michaël Peyromaure. C’était passionnant ! J’ai alors rappelé les maisons d’édition et je leur ai proposé un livre écrit avec mon chirurgien. Les propos sont d’une richesse bien supérieure à ce que j’aurais pu raconter seul. On touche à la fois à la relation patient/soignant, aux membres de l’hôpital, à la psychologie, à l’humain… Ce sera un livre sociétal.

Ancien journaliste de France Télévision