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Faisons-les !
Il s’agit d’un enjeu capital, pourtant mésestimé. Les pharmaciens ont deux ans, pas plus selon l’Ordre, pour s’engager dans les réseaux. Tout en étant rémunérés.
Sur le terrain, les pharmaciens qui souhaitent aller de l’avant dans cette démarche de coordination buttent sur des difficultés évidentes. Très pris par leur travail officinal, beaucoup abandonnent face à cette montagne à franchir, faute d’aide, d’encouragement mais aussi parfois de volonté locale partagée. » En introduisant le symposium sur les réseaux, organisé il y a quinze jours par l’Ordre, Isabelle Adenot, présidente du conseil central A, n’a pas cherché à cacher la réalité. Mais à la veille de la refonte de notre système de soins, les réseaux de santé n’en apparaissent pas moins à ses yeux comme un dossier essentiel pour la profession.
Ce symposium, qui sera suivi par des comités de pilotage transversaux national et régionaux, l’atteste. « J’espère donc que nous contribuerons à conforter les plus motivés mais aussi à répondre aux attentes de tous ceux qui souhaitent entamer cette démarche », poursuit Isabelle Adenot. Pour Dominique Brasseur, le « Monsieur Réseau » de l’Ordre, le temps est compté : « La profession a peut-être encore deux ans devant elle, guère plus, pour investir utilement ce champ d’innovation professionnelle. Alors arrêtons d’en parler, faisons-les ! » D’autant que, selon lui, deux occasions se présentent aujourd’hui : les nouvelles modalités de financement des réseaux, en l’occurrence la Dotation nationale de développement des réseaux (DNDR), est la première. Cette dotation prend progressivement le pas sur le Fonds d’aide à la qualité des soins de ville (FAQSV), appelé à disparaître fin 2006 et qui a rapidement montré ses limites (montant plafonné par réseau, dotation annuelle, pas de garantie de pérennité, strictement réservé aux professionnels de santé de ville)… La DNDR, contrairement au FAQSV, a pour vocation de financer des réseaux viables et non plus expérimentaux, et, surtout, elle permet, comme l’a rappelé Gilles Poutout, directeur adjoint de l’URCAM Ile-de-France, de rémunérer des actes spécifiques et autorise des dérogations tarifaires ! Pourtant, près de la moitié des budgets destinés à développer les réseaux n’a pas été utilisée en 2003. « Certaines régions épuisent pratiquement la DNDR alors que d’autres ne savent pas comment l’employer. » Cette DNDR, qui a permis de financer environ 200 réseaux, était d’un montant de 45,86 MEuro(s) en 2003 et devrait dépasser les 100 MEuro(s) en 2004 (soit un millième des dépenses de l’assurance maladie…).
Commencer par un réseau pharmaceutique ville-hôpital.
L’arrivée – prochaine ? – en ville des médicaments de la réserve hospitalière représente la seconde opportunité de s’engager dans les réseaux, mais se heurte à l’absence d’un véritable « microréseau » associant pharmaciens hospitaliers et officinaux. Philippe Arnaud, vice-président du Syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers (SNPHPU), en convient : « Le réseau concourt à une logique de santé publique de bon usage de la prescription, donc de réduction de l’iatrogénie médicamenteuse en améliorant l’observance, en limitant les dérives d’utilisation, en maîtrisant le nomadisme des malades et en assurant la disponibilité des produits de santé. Tout ceci contribuerait à une meilleure maîtrise médicalisée des dépenses de santé. » Mais cela n’est possible que s’il existe une clarification des circuits de dispensation ville-hôpital et « l’organisation d’un réseau formalisé entre la pharmacie hospitalière et la pharmacie d’officine ». Et si, toujours selon le SNPHPU, le choix du patient est respecté ainsi que le maintien du… double circuit de dispensation. Le SNPHPU souhaiterait également que tous les médicaments à prescription initiale hospitalière soient dispensés pour la première fois par la pharmacie hospitalière, qui établirait alors un dossier patient partageable avec le médecin et le confrère de ville choisis par le patient. « Le Réseau santé-social nous a coûté cher, alors il faut l’utiliser pour transférer les données médicales. Toutefois, le patient doit pouvoir décider de rendre ou non accessibles les informations le concernant. »
Rémunérer l’acte pharmaceutique.
Mais ce que sous-tend toute cette démarche, c’est d’apporter la preuve de l’implication pharmaceutique. « Cela veut dire compétences, opinion pharmaceutique et service pharmaceutique rendu. Aussi, nous voulons sortir de la logique de pourcentage et plaidons pour que l’acte pharmaceutique soit rémunéré, avec un niveau différent si le pharmacien est engagé ou non dans une pratique coordonnée. Alors, nous entrerons dans une logique de professionnel de santé », conclut Philippe Arnaud.
Les représentants de l’Assurance maladie, présents à ce symposium, se sont bien évidemment gardés de parler rémunération. Sophie Pépin, du service médical de la CNAMTS, et Marine Jeantet, chargée du médicament et des dispositifs médicaux, ont d’abord fait le constat que les réseaux intégraient peu les officinaux, avant d’insister fortement sur le fait qu’exercer au sein d’un réseau leur permet « d’affirmer, plus fortement qu’ils ne l’ont fait jusqu’à présent, leur rôle de professionnels de santé », tout en valorisant leur « rôle de proximité ». Mais cela doit passer par un professionnalisme accru. « Il est notamment fondamental que les pharmaciens se forment, en commun avec les autres professionnels de santé, sur les pathologies prises en charge dans les réseaux. Il faut également que les officinaux formalisent leurs actes, ce qui est peu le cas aujourd’hui, en créant un véritable dossier patient et en ne se contentant plus d’un historique des ordonnances. Et ensuite en envisageant le partage de l’information entre professionnels de santé. »
L’apport possible du pharmacien leur paraît particulièrement important dans les réseaux pluridisciplinaires organisant le maintien à domicile et ceux permettant la prise en charge de pathologies lourdes, et en particulier les chimiothérapies. Mais est-ce que toutes les pharmacies voudront, et surtout pourront s’y investir ? Non, selon Jean-Michel Pomies, officinal et président de l’association Pharmasoins 31 et du réseau Relience : « Les petites pharmacies ne disposeront pas de diplômes en nombre suffisant pour pouvoir sortir. Ce système de réseaux va donc favoriser la création de structures officinales importantes ! »
Une rémunération pour les pharmaciens en réseaux
– « Les pharmaciens peuvent dorénavant bénéficier des financements forfaitaires éventuellement prévus par les réseaux de santé pour les professionnels de santé, au même titre que les médecins ou encore les infirmières. » Cette bonne nouvelle, livrée par Pierre Leportier, président de la commission Protection sociale de la FSPF, ne pouvait pas mieux tomber pour les organisateurs du symposium sur les réseaux. De même, un certain nombre de petits matériels fournis par les officinaux dans la cadre de réseaux pourront être pris en charge. Ces assurances ont été apportées il y a quelques jours par la CNAMTS, après avis du ministère, en préalable à la négociation finale de la convention élargie, qui comportera un chapitre important sur la coordination des soins.
Ce chapitre précisera entre autres les modalités de participation des pharmaciens au « staff de soins primaires » prévu dans la convention médicale, en clair la coordination des soignants autour d’un malade avec des rémunérations forfaitaires pour ses actions de coordination. A condition bien sûr que cela soit prévu dans les statuts du réseau !
A retenir
– 46 millions d’euros, c’est le montant de la Dotation nationale de développement des réseaux (DNDR) en 2003. La moitié des budgets n’a pas été utilisée. En 2004, la DNDR devrait dépasser les 100 millions.
– 200 réseaux ont été financés grâce à la DNDR et autant sont en attente. Mais les pharmaciens d’officine y sont le plus souvent absents.
– réseau pharmaceutique, c’est ce que souhaite organiser les pharmaciens hospitaliers entre la pharmacie hospitalière et celle de ville, avec constitution d’un dossier patient partageable. Tout en maintenant un double circuit de dispensation et en demandant une primodélivrance hospitalière.
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