ENTRETIENS THÉRAPEUTIQUES POUR PATIENTS CHRONIQUES

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Publié le 12 mai 2012
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Pour remplir sa mission de professionnelle de santé telle qu’elle la conçoit, Marianne Le Bruchec, titulaire de la Grande pharmacie de la poste, a développé un accompagnement thérapeutique des patients atteints de pathologies chroniques.

Quand elle reprend en 2008 la Grande pharmacie de la Poste, située sur l’une des grandes avenues de Châtillon, Marianne Le Bruchec a un projet d’entreprise précis : s’engager dans une démarche qualité, avec l’obtention de la certification ISO 9001. « Garantir la satisfaction du patient est pour moi primordial. Mes réflexions dans ce domaine m’ont ensuite conduite à me dire : on peut aller plus loin dans la délivrance des médicaments », commente-t-elle. L’idée : réaliser un accompagnement thérapeutique des patients atteints de pathologies chroniques en intégrant, dans des situations bien précises, des entretiens en face à face, hors comptoir. « Nous avons ciblé dans un premier temps le diabète, l’asthme, les “grosses” pathologies et notamment le cancer », précise Marianne Le Bruchec.

Début 2011, la titulaire engage la première étape de son projet : se former et former ses trois adjointes sur l’accompagnement thérapeutique dans trois domaines, le diabète, l’asthme, le cancer. Elle utilise pour cela les possibilités qu’offre la formation continue conventionnelle. « Toute l’équipe était partante pour se former et accroître ses performances. Mes adjointes et moi-même avons ensuite formé les deux préparatrices. Il s’agissait de leur expliquer le processus de prise en charge et de leur indiquer où trouver l’information au sein de l’officine et/ou sur internet ». Dans un deuxième temps, l’équipe conçoit et met en place une documentation issue des formations, du Cespharm, du groupement Pharmodel et des laboratoires.

« Par exemple, dans le cadre du diabète, nous avons des photographies d’aliments avec la valeur de leur index glycémique », explique la pharmacienne. Pour cette pathologie, des feuillets de suivi d’entretien, mis au point par l’organisme de formation de l’OCP et listant un certain nombre d’items « acquis » ou « à acquérir », complètent le dispositif. « Pour les personnes atteintes d’asthme, nous disposons de matériel comme un débitmètre, des nébuliseurs “placebo“ de toutes les spécialités, pour apprendre à bien utiliser les traitements », ajoute la titulaire. L’officine fait également partie d’une étude pilote régionale. De ce fait, la démarche est très protocolisée et comprend des questionnaires de diagnostic des besoins et un guide d’entretien. Une pièce est par ailleurs aménagée pour pouvoir réaliser les entretiens en toute confidentialité. Enfin, avant d’entrer dans le vif du sujet, l’équipe teste avec quelques patients le déroulé d’un entretien et les documents adéquats. Entre le moment où la titulaire se lance avec son équipe et le premier entretien, il s’écoule environ six mois par pathologie. Le coût de l’investissement ? « Il a fallu remplacer le personnel du fait des formations mais le coût est plutôt indirect car il faut aussi du temps pour élaborer les fiches de suivi, partager l’information avec l’équipe. J’ai aussi envoyé un courrier aux médecins généralistes de Châtillon ainsi qu’à quelques spécialistes qui ont plutôt bien accueilli le projet. Nous avons également consacré une vitrine durant un mois pour expliquer la démarche », détaille Marianne Le Bruchec. Pour cibler les patients qui vont bénéficier de l’accompagnement, un processus est mis en œuvre : « Au moment de la délivrance d’un traitement contre le diabète par exemple, nous vérifions si les heures de prise des médicaments sont bien acquises, si les signes d’hypoglycémie et la façon d’y remédier sont connus, si le nombre de lancettes correspond au nombre de bandelettes délivrées, si l’alimentation est équilibrée, etc. ». Lorsqu’un problème est constaté, un rendez-vous d’environ vingt minutes est proposé, en expliquant son but et son déroulement. L’équipe conseille au patient de préparer des questions.

Responsabiliser davantage le patient

En septembre 2011, le dispositif est prêt à démarrer. Le mot d’ordre des entretiens est un seul objectif à chaque rencontre.

« Nous n’apprenons rien aux patients. Ils ont déjà entendu les conseils que nous leur prodiguons de la bouche de leur médecin ou d’un autre professionnel de santé ou même au comptoir. C’est juste un rappel dans un contexte calme où nous prenons le temps d’échanger, de vérifier la compréhension et l’assimilation des informations ». Un compte rendu est ensuite envoyé au médecin traitant si le patient en donne l’accord. Un deuxième rendez-vous est proposé si besoin est. Trois à cinq rendez-vous peuvent être nécessaires pour le diabète. « Qu’il s’agisse du diabète où de l’asthme, la finalité est de responsabiliser davantage le patient sur sa prise en charge », rapporte Marianne Le Bruchec. Après chaque entretien, une documentation, ciblée, est remise au patient. Pour les pathologies lourdes, les entretiens peuvent aussi se faire sans rendez-vous, directement au comptoir ou dans l’espace de l’officine aménagé, dès que le patient en a besoin (pour faire le point à la sortie d’une chimiothérapie, répondre aux questions sur les effets indésirables des médicaments, etc.). Pour ce type de prise en charge, l’officine est en relation avec le réseau de santé en cancérologie Osmose (situé au Plessis-Robinson), qui a participé à la formation de l’équipe. Chaque patient ayant une pathologie importante est connu de toute l’équipe, qui maîtrise le traitement mis en place et les effets indésirables éventuels. Il peut donc être accueilli par tous.

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« Cette démarche permet de se remettre en question en permanence et nous oblige à nous former. Nous nous rendons compte que nous sommes encore loin d’être parfaits, que nous avons besoin de mieux protocoliser notre approche ».

Après presqu’un an, la démarche d’accompagnement concerne quinze patients diabétiques, cinq asthmatiques, une vingtaine de personnes atteintes de pathologies lourdes. Les premiers ont bénéficié d’un nombre d’entretiens compris entre un et cinq, les deuxièmes de deux en moyenne, les derniers, à la demande. Quasiment toutes les personnes atteintes de diabète ou d’asthme à qui l’équipe a proposé un rendez-vous ont accepté. Par ailleurs, Christiane Pinto, adjointe, a proposé d’instaurer des entretiens diététiques pour les personnes en surpoids, basés sur une adaptation des habitudes alimentaires. Outre la satisfaction de répondre aux besoins des patients, la démarche a permis de motiver l’équipe. Les conséquences sur le chiffre d’affaires sont difficiles à évaluer.

« L’enquête de satisfaction menée en novembre dans le cadre de notre démarche qualité a mis en évidence de très bons scores », tient-elle à préciser. Ses perspectives de développement ? « Professionnaliser la démarche pour que chaque pharmacien de l’équipe soit capable de mener des entretiens avec tous types de malades chroniques ». Dès septembre, une nouvelle pathologie pourrait venir s’ajouter à celles déjà suivies. « Tout cela fait partie de la mouvance actuelle et des applications de la loi HPST. Nous avons sans doute un peu brûlé les étapes tant nous étions enthousiastes. Mais c’est ainsi que je vois ma mission », conclut Marianne Le Bruchec.

Marianne Le Bruchec en 7 dates

• 1987 Diplôme de docteur en pharmacie à la faculté de Châtenay-Malabry (Paris-Sud)

• 1988 Mastère Marketing, ESC Rouen

• 1988-2005 Responsable marketing produits éthiques et hospitaliers dans l’industrie pharmaceutique

• 2006-2008 Adjointe en officine

• 2007 DU d’orthopédie

• 2008 Titulaire de la Grande pharmacie de la Poste à Châtillon et DU de MAD

• 9 mars 2012 Certification ISO 9001

Si vous avez envie d’essayer

Les avantages

• Valoriser le rôle de professionnel de santé.

• Progresser chaque jour.

• S’impliquer dans la prise en charge globale des pathologies des patients.

Les difficultés

• Dépense de temps et d’énergie.

• Remise en question permanente.

Ses conseils

• S’engager préalablement dans une démarche qualité pour gagner du temps ensuite.

• Se positionner dans une démarche d’apprentissage continuelle.

• Ne pas se décourager.

• Réfléchir à l’amélioration de la satisfaction du patient, en lien avec le traitement de ce dernier.

L’AVIS DE L’ÉQUIPE

« Les formations permettent de se remettre à niveau et d’appliquer ensuite ce que l’on a appris en utilisant tous les aspects du métier, qu’il s’agisse de psychologie, de pharmacologie, etc., pour le bénéfice des patients », indique Catherine Veyradier, adjointe qui réalise les entretiens asthme. « Au bout de deux ou trois entretiens, on constate en effet une réelle amélioration dans la gestion de la maladie et le retour des patients est très positif ». quant aux rendez-vous diététiques, soit 4 à 5 toutes les 3 semaines en moyenne, « ils apportent un réel “plus“ aux patients qui sont ainsi encouragés, motivés dans leur démarche de perte de poids. De mon côté, au vu des résultats positifs obtenus sur la quinzaine de personnes en surpoids prises en charge depuis la mise en place des entretiens, j’ai la satisfaction de mener à bien mon métier de professionnel de santé », résume Christiane pinto, adjointe (sur la photo, aux côtés de Marianne Le Bruchec).