Deux adjoints à l’hôpital

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Publié le 31 mai 2008
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Travailler à l’hôpital sans être praticien hospitalier, c’est possible ! La preuve avec Christophe Busser et Christelle Mauvoisin, tous deux adjoints et gérants de la même pharmacie à usage intérieur (PUI) d’un hôpital du Lot-et-Garonne. Portraits croisés.

A Villeneuve-sur-Lot, Christelle Mauvoisin exerce dans la pharmacie de son époux sous le statut de conjointe collaboratrice. A quelques kilomètres, Christophe Busser gère la PUI de l’hôpital de Fumel à raison de cinq demi-journées par semaine. Cette activité à temps partiel lui laisse encore le temps de travailler une à deux journées par semaine en officine comme adjoint à Lafitte-sur-Lot. Quant à Christelle, elle exerce dans le même hôpital en tant que suppléante lorsque Christophe pose ses congés. Tous deux jouent ainsi la carte de la complémentarité pour concilier une double activité professionnelle, en ville et à l’hôpital. Et, prouver, s’il en était besoin, qu’un adjoint n’est pas forcément cantonné derrière un comptoir et qu’il peut élargir ses perspectives.

Car, à la différence des titulaires bridés dans leurs velléités de cumuler plusieurs activités en raison de leur obligation d’exercice personnel, les adjoints peuvent, eux, jouer sur plusieurs tableaux. A condition de frapper à la bonne porte. « En principe, les postes de pharmacien gérant d’une PUI sont réservés aux praticiens hospitaliers. Sauf dans les petits hôpitaux où les contrats à temps partiel proposés n’intéressent pas les pharmaciens hospitaliers. En panne de personnel, l’hôpital se rabat sur des pharmaciens de ville, explique Christelle Mauvoisin. Je me suis lancée dans cette aventure par curiosité et par défi. A la fac, je ne m’étais pas sentie capable de passer l’internat. » Elle a depuis surmonté ses appréhensions. « Pour me mettre à niveau, j’ai acheté des livres, je me suis documentée sur Internet, j’ai sollicité les tuyaux d’amis pharmaciens hospitaliers », indique Christelle.

Une collaboration étroite avec le personnel hospitalier

Le parcours de Christophe Busser diffère sensiblement. « Après plusieurs installations en tant que titulaire, la lassitude me gagnait. J’ai vendu ma dernière affaire et j’ai ensuite effectué des remplacements, explique-t-il. A cette époque, Christelle assurait la gérance de la PUI de Fumel mais était contrainte de se désengager de ses fonctions pour s’impliquer dans la pharmacie que son mari venait d’acquérir. Elle m’a proposé de prendre sa suite et j’ai accepté. Nous avons ainsi découvert un univers différent de l’officine, qui nous a galvanisés. »

Si la base de leurs deux activités reste le médicament et sa dispensation, Christelle et Christophe ont découvert un nouveau métier. « L’aspect scientifique de l’exercice pharmaceutique est plus pointu à l’hôpital, ajoute Christophe Busser, notamment au travers des démarches qualité et des certifications. Je suis également amené à travailler avec le personnel infirmier et les médecins pour élaborer des plans thérapeutiques. Leur accueil a été très cordial, sans aucun ostracisme. »

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Christelle Mauvoisin éprouve la même satisfaction d’avoir « collaboré avec les équipes de soins et d’hygiène à la mise en place de protocoles pour sécuriser la délivrance du médicament ». Elle a même poussé le curseur un peu plus loin puisqu’elle a fait partie du comité de lutte contre les infections nosocomiales de l’hôpital de Fumel.

L’exercice officinal y gagne en intérêt

Même si aujourd’hui Christelle a pris quelques distances avec l’hôpital – elle y travaille seulement cinq semaines par an pour remplacer Christophe -, son expérience hospitalière continue de nourrir son exercice officinal. « Mes connaissances me permettent d’aborder plus facilement au comptoir les ordonnances de médicaments sortant de la réserve hospitalière. Je suis aussi plus à l’aise avec les dispositifs médicaux et le matériel de perfusion. J’ai également reproduit à l’officine quelques procédures qui nous permettent d’être en avance sur les bonnes pratiques de préparation. Tout cela crée une émulation au sein de l’équipe qui a aussi envie de se former à ces domaines. »

Christelle Mauvoisin et Christophe Busser ont trouvé un équilibre et un intérêt professionnel que le seul exercice officinal ne leur apportait pas. « La gérance de la PUI me donne la même autonomie et la même indépendance que lorsque j’étais titulaire, précise Christophe Busser. La rétribution n’est évidemment pas comparable puisque les salaires à l’hôpital sont équivalents à un coefficient 600 en officine. Mais j’ai gagné en qualité et confort de vie puisque je travaille beaucoup moins qu’avant. » Et ce n’est pas tout : nos deux confrères participent une fois par mois au service d’astreintes de l’hôpital de Villeneuve-sur-Lot. De quoi prouver que l’officine ne manque pas de passerelles

Envie d’essayer ?

Les avantages

– Casser la monotonie. Exercer deux activités distinctes montre une certaine ouverture d’esprit et stimule.

– Enrichir son parcours professionnel.

– La gérance d’une PUI est une activité qui laisse beaucoup d’autonomie (organisation de son travail, commandes, etc.).

– Développer de nouvelles compétences qui pourront s’avérer utiles au comptoir.

Les difficultés

– Entreprendre la démarche pour cumuler un poste de pharmacien adjoint et un poste à l’hôpital demande beaucoup de volonté.

– Le double emploi du temps professionnel laisse évidemment moins de temps personnel.

Les conseils

– Se faire connaître en démarchant des petits hôpitaux locaux. Leurs structures permettent l’embauche de pharmaciens d’officine pour des postes à temps partiel.

– Exercer dans une pharmacie de ville et dans un hôpital séparés par une courte distance. La proximité permet en effet de gagner du temps lors des déplacements.

– S’impliquer le plus possible dans les réunions à l’hôpital. C’est un bon moyen de s’intégrer aux équipes et de connaître les rouages du milieu hospitalier.

– Mettre à jour ses connaissances. L’exercice à l’hôpital n’est pas calqué sur la pratique au comptoir et exige de potasser quelques matières cliniques.

– S’organiser pour concilier deux activités en parallèle.

Cumul d’activités et législation

Un pharmacien peut cumuler les fonctions d’adjoint en officine et de gérant ou adjoint au sein d’une PUI si les horaires ne se chevauchent pas et sous réserve de respecter les dispositions suivantes :

– le temps de présence dans la PUI ne peut être inférieur à l’équivalent de 5 demi-journées par semaine. Dans les établissements médico-sociaux, si les besoins pharmaceutiques le permettent, ce temps de présence peut être réduit sans qu’il soit inférieur à l’équivalent de 2 demi-journées par semaine (article R. 5126-42 du Code de la santé publique) ;

– les durées maximales de travail ne peuvent être dépassées : 10 heures par jour, 46 heures par semaine et 44 heures en moyenne sur 12 semaines consécutives (accord de branche sur la réduction du temps de travail à l’officine).

Source : ordre des pharmaciens