COMMUNIQUER À DISTANCE AVEC SES PATIENTS

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Publié le 28 juin 2014
Par Chloé Devis
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Pour l’officinal, la proximité et l’expertise se jouent désormais aussi dans la capacité à entretenir une relation à distance avec ses clients. Mais certaines précautions sont à respecter pour tirer le meilleur parti des multiples outils de communication disponibles, sans sortir des clous.

Alors que l’officine est en quête de solutions adaptées aux nécessités économiques et aux évolutions des comportements d’achat, investir dans la communication à distance avec ses patients peut lui apporter une vraie valeur ajoutée », estime Tony Jagu, dirigeant du cabinet Alizé Conseil. « Il ne s’agit pas de remplacer, mais de prolonger la relation au comptoir, tout en renvoyant une image de modernité grâce à un usage maîtrisé des outils existants ». Jérôme Lapray, directeur marketing de Pharmagest, rappelle que l’usage des technologies concernées s’est largement démocratisé, en particulier via l’essor des solutions mobiles, toutes tranches d’âges confondues : « le taux d’équipement global de la population est supérieur à 70 % et ne cesse de grimper chez les jeunes seniors ». Et d’ajouter que « si les pharmaciens tardent à utiliser mails, SMS et réseaux sociaux dans un contexte professionnel, c’est parfois la demande de leurs clients qui sert de déclic ».

Créer des conditions favorables

« La démarche doit faire l’objet d’une vraie réflexion managériale », indique Tony Jagu. « Avant toute chose, le pharmacien doit être convaincu de l’intérêt qu’elle présente ». Mais c’est aussi l’équipe qui doit être mobilisée. « Le titulaire a tout intérêt à déléguer les tâches liées à l’usage de ces outils auprès de collaborateurs compétents », préconise le consultant. L’équipe aura aussi à « mettre en condition » les clients susceptibles de leur confier leurs coordonnées personnelles, avec un argumentaire rôdé au comptoir. « Mettez en avant l’intérêt des informations que vous serez en mesure de fournir à vos patients, prenez des engagements… et tenez-les : il faut que cette relation à distance s’inscrive dans un rituel », insiste Tony Jagu. Blandine Girot, titulaire de la pharmacie Bayen à Paris, a pour sa part décidé de jouer la carte « connectée » jusqu’au bout : elle met à disposition de ses patients, au comptoir, des cartes de visite de la pharmacie avec un QR Code renvoyant à son site.

Mails, SMS, réseaux sociaux : à chaque outil ses usages

• Devant la multitude d’outils, lesquels utiliser ? Les SMS peuvent permettre de prévenir les clients de l’arrivée de leurs commandes. Mais Blandine Girot préfère s’en tenir au téléphone « pour éviter la confusion avec une démarche commerciale, les gens étant suffisamment sollicités à ce titre ». Un impératif : « écrire des messages courts et simples », explique Bénédicte Karpov. Et pour minimiser le risque de paraître indésirable, il est préférable d’envoyer ce type de messages entre 9 h et 20 h.

• Le courrier électronique peut permettre l’envoi régulier de newsletters à visée informative, mais en aucun cas promotionnelle. Mais lorsque la pharmacie dispose d’un site, marchand ou non, c’est aussi un canal d’échanges personnalisés : « je reçois des questions sur les médicaments, les pathologies, et je fais du conseil de la même manière qu’au comptoir, via une connexion sécurisée », explique Blandine Girod. Une tâche à laquelle elle consacre « environ une demie-heure par semaine ». Dans tous les cas, il faut soigner la forme : « évitez un ton trop abrupt, éventuellement en prenant conseil auprès de spécialistes ou en vous inspirant de la communication des laboratoires », conseille Tony Jagu.

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• Quant aux réseaux sociaux, leur efficacité repose précisément sur la facilité à partager les contenus et à susciter de l’interaction. « Une page sur un réseau social comme Facebook permet de communiquer sur les aspects différenciants de l’officine : le conseil, l’ambiance au sein de l’officine… », énumère Clément Pellerin, formateur en réseaux sociaux. « C’est aussi un bon moyen de créer le lien et d’obtenir de manière passive des retours sous forme de like et de témoignages positifs sur l’officine », renchérit Michel Kervella, de l’agence web Itekpharma. Les pharmaciens applaudissent. « Ma page Facebook ne me fait pas gagner d’argent, mais elle génère des retours et entretient un capital sympathie autour de l’officine. », témoigne Jessica Weizman, titulaire de la pharmacie homonyme à Paris. Le professionalisme doit rester la règle à tous les niveaux. « Trop souvent les petites entreprises délaissent leur page ou compte Twitter alors que des internautes y attendent des réponses à leurs questions », constate ainsi Clément Pellerin. Du côté de l’Ordre, on précise que le support peut être utilisé « pour la communication d’informations de santé publique », mais qu’il n’est pas question que le pharmacien y exprime « des opinions personnelles, qui pourraient être interprétées comme des avis officiels ».

Approfondir la relation client avec des aplications mobiles

Les éditeurs de logiciels pour l’officine proposent désormais des outils basés sur les technologies mobiles, et qui vont dans le sens d’un accompagnement renforcé des patients. Créée par Winpharma, l’application winPharmacie.com, qui fonctionne sur iPhone et Internet, permet au client d’avoir accès à son dossier dans l’officine et de gagner du temps : « dans le cas d’une demande de renouvellement, aucune saisie n’est nécessaire. Le ticket de promis apparaît sous la forme d’un code-barre, sur le téléphone du client, qui se lit directement à la douchette lors de la délivrance. Le pharmacien peut également utiliser l’outil pour transmettre des informations pratiques. »

Mypharmaciemobile est une application gratuite, pour le pharmacien comme pour le patient, lancée par Pharmagest en 2010. Elle peut être connectée au logiciel de gestion de la société ou à un PC de l’officine, via un logiciel spécifique, et permet au client d’accéder à un annuaire des pharmacies avec des fiches de renseignements (horaires, spécialités…) mises à jour par les officines elles-mêmes. L’utilisateur a par ailleurs la possibilité d’envoyer une photo de son ordonnance à son pharmacien pour la préparation de sa commande, de se faire rappeler ses prises de médicaments par une alerte sur son smartphone, et de confirmer l’acte en retour.

Les règles déontologiques à respecter

« La communication à distance entre patients et professionnels de la pharmacie peut avoir un intérêt », confirme Jean-Marc Gagnaire, pharmacien et président du Conseil régional de l’Ordre d’Auvergne, « à condition qu’elle soit encadrée en termes de protection des données personnelles ». Ainsi, « sur les réseaux sociaux, tout échange de données de santé est à proscrire, y compris via les messageries privées », souligne-t-il. « Pour le reste, c’est au pharmacien d’apprécier chaque situation et d’estimer s’il est opportun de répondre à telle sollicitation ou d’encourager son interlocuteur à venir à l’officine. » Attention : « mails, mais surtout SMS, voire messages téléphoniques adressés personnellement à un patient, sont toujours susceptibles d’être consultés par une autre personne que le destinataire : dans ce cas, en fonction de leur formulation, il peut y avoir violation du secret médical ». Dans le cadre d’informations promotionnelles communiquées à un large groupe de personnes (inscrites à une newsletter ou sur un réseau social par exemple), la règle reste de procéder avec « tact et mesure », comme le prévoit le Code de déontologie, et bien entendu de s’abstenir de toute publicité autour des médicaments.