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Ça bouge enfin
L’ajout d’un article au PLFSS 2007 prévoit une convention entre maisons de retraite et pharmaciens. Prélude à un arrêté qui doit fixer des éléments opposables à tous les acteurs du marché. Parallèlement, la DGS exclut le déconditionnement en tant qu’activité officinale… A quand un texte officiel ?
On en venait à penser que le rapport du groupe de travail Deloménie, sur les relations entre pharmaciens et maisons de retraite (1), était destiné à être soigneusement enterré ! Depuis début 2005, aucun texte législatif ou réglementaire n’a été élaboré concernant ce dossier hautement politique, malgré les désordres prévalant sur le terrain. Enfin ! Le ministre de la Santé va inscrire dans la loi, à travers le PLFSS 2007, une disposition prévoyant une convention entre EHPAD (2) et officines, « afin que le pharmacien, en lien avec le médecin coordonnateur, puisse jouer tout son rôle dans la prévention de l’iatrogénie ». Première étape, « il est prévu de modifier le Code de la santé pour réaffirmer le rôle du pharmacien dans les EHPAD, cette vieille idée de l’USPO, commente Gilles Bonnefond, secrétaire général du syndicat. Le ministre va largement s’inspirer des travaux Deloménie. » « Cet article précisera que les pharmaciens devront être conventionnés pour dispenser des médicaments et dispositifs médicaux aux maisons de retraite », explique Danièle Paoli, responsable de la commission Exercice professionnel de la FSPF. Gilles Bonnefond estime qu’il faudra ensuite veiller à modifier le Code de la Sécurité sociale pour asseoir le sujet comme un thème conventionnel indiscutable entre UNCAM et pharmaciens. Rappelons que l’UNCAM a confirmé vouloir signer d’ici la fin de l’année un avenant à la convention pharmaceutique concernant les maisons de retraite.
Deuxième étape réglementaire, après le PLFSS 2007, un arrêté devra définir les éléments des conventions que pharmacies et établissements signeront. On peut espérer ici que ce cadre précis, opposable à tous les acteurs, évitera les abus. Restera à ne pas attendre cet arrêté trop longtemps. On en connaît qui ont mis une décennie à voir le jour (rappelez-vous les PUI).
Déconditionnement : le chaud et le froid.
En attendant ces développements réglementaires, la Direction générale de la santé vient de prendre position, en réponse à une question de la FSPF, concernant le déconditionnement des spécialités. « Cette activité ne fait pas partie des activités de la pharmacie d’officine, écrit la DGS. […] Elle ne peut pas être assimilée à de la préparation des doses à administrer telle que prévue par l’article R. 4235-48 3°… » Comprenez : la préparation des doses à administrer (PDA), telle que couramment pratiquée, ne comprend pas les informations et conseils nécessaires au bon usage du médicament. Elle n’est donc pas « couverte » par cet article du Code de la santé. « Ce document va aider les pharmaciens dans leurs négociations de début d’année avec les établissements », commente Danièle Paoli, précisant que la lettre de la DGS a été transmise au collège des inspecteurs. On peut en douter en entendant la réaction du Synerpa, syndicat de maisons de retraite privées : « Cette réponse de la DGS, c’est du n’importe quoi !, lance Georges Simon, conseiller juridique au Synerpa. Elle ne tient pas la route juridiquement. Je ne comprends pas comment l’adjoint au directeur général de la santé a pu signer un courrier pareil. »
Un problème de droit.
Autre bémol, ce document n’a pas de valeur réglementaire (il ne s’agit pas même d’une circulaire ministérielle). Les inspecteurs peuvent-ils s’appuyer dessus ? « Ils le peuvent, mais cela ne mènera à rien. Un acte administratif doit être fondé en droit », commente Francis Megerlin, docteur en droit et consultant sur le sujet depuis des années, notamment pour l’Ordre (lire ci-contre). Dans ces conditions, pourquoi donc le ministère n’a-t-il pas pris d’arrêté si sa position est si tranchée ? « Le ministère ne peut pas arbitrer brutalement ce genre de dossier brûlant, estime Gilles Bonnefond. Il faut en rediscuter autour d’une table avec les directeurs de maisons de retraite. » Et le Synerpa est manifestement prêt à le faire « le plus vite possible », même si la position des fédérations de maisons de retraite sur le déconditionnement en pharmacie n’a manifestement pas varié. « Cela étant, nous ne cautionnons pas non plus certaines pratiques », précise Georges Simon, évoquant la fourniture en médicaments par des officines très éloignées de l’établissement.
Par ailleurs, il se susurre que la DGCCRF s’intéresse de près à la PDA et à la fourniture de médicaments aux maisons de retraite et serait prête à des contrôles. Information non confirmée par la DGCCRF qui nous répond que nous entretenir de ce sujet est « prématuré », « nos enquêtes étant soumises au secret professionnel… »
(1) Que vous pouvez consulter sur http://www.moniteurpharmacies.com, rubriques Documentation #gt; Documents de référence #gt; mot clé « Maison de retraite ».
(2) EHPAD : établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
Déconditionnement : Trois questions à Francis Megerlin, docteur en droit, maître de conférences à Paris-V
Quelle est la portée juridique du courrier de la DGS précisant que la PDA ne fait pas partie de l’activité du pharmacien ?
Au fond, elle fait écho aux précédentes réponses ministérielles, toutes erronées en droit. Mais, dans la forme, elle passe de l’affirmation selon laquelle « la réglementation interdit », à l’affirmation selon laquelle « la réglementation ne prévoit pas ». Ce glissement subtil mérite d’être salué mais la posture reste prisonnière d’un artifice juridique, qui ne résiste pas à l’examen. Le Code place la PDA à l’intersection des compétences pharmaceutique (art. R. 4235-48) et infirmière (art. R. 4311-5), il s’agit bien d’une fonction potentielle de l’officine. Pour lui faire obstacle, l’administration mélange les textes et lui oppose le statut de « spécialité ». Mais, paradoxalement, rien n’interdit le principe du déconditionnement. En bref, selon la loi Talon, tant qu’une opération pouvant impliquer le déconditionnement n’est pas expressément interdite, elle est autorisée (art. L. 5132-8). Si l’on voulait interdire la PDA éventuelle au pharmacien, il faudrait donc la prohiber par décret spécifique, exactement dans les mêmes termes que pour l’incorporation des spécialités dans les préparations magistrales (article R. 5132-8).
L’interdiction pure et simple réclamée par certains peut-elle être une bonne chose ?
De mon point de vue, non. Il faut réguler, pas interdire, et je vois que cet avis est de plus en plus partagé. A défaut, les conséquences seraient dévastatrices pour l’ensemble de la profession. Outre la voie ouverte aux PUI, l’interdiction postulerait que le personnel officinal manipule les médicaments avec une moindre intégrité et fiabilité que le personnel infirmier. C’est tout dire. A l’aube du papy-boom, l’officine serait ainsi coincée entre l’e-pharmacie et les façonniers locaux, alors que le besoin de PDA va exploser hors EHPAD. Il faut donc au plus vite réfléchir à sa qualification sanitaire et à sa compensation économique, à son lien impératif avec le suivi officinal en réseaux de proximité.
Compte tenu de ces bémols, quel est l’apport final de cette position administrative ?
L’administration rappelle à juste titre les vrais enjeux sanitaires : la réalité de l’information et du conseil, la garantie de qualité et de traçabilité. Mais la réponse est essentiellement d’ordre technique, car le droit impose déjà tout cela, comme il protège la propriété industrielle et interdit la fraude. Il faudrait donc l’appliquer plutôt que l’empiler. Dans un système de libre choix du patient et de libre exercice professionnel, seules l’exigence et la preuve de qualité peuvent légitimement réguler la concurrence entre officines. Or, elles requièrent un cahier des charges clinique et technique clair. La « clientèle » ne doit être ni captée, ni captive. o
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