Au coeur du réseau

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Publié le 8 mars 2008
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Patrick Fontaine-Berger, titulaire à Grenoble, s’est investi dans le Réseau pour insuffisants cardiaques de l’Isère. Le Résic 38 lui permet de se former, d’élaborer des outils de suivi et d’échanger avec d’autres professionnels de santé. Et, surtout, de se rendre au domicile des patients pour améliorer leur prise en charge.

Il est 10 h. Patrick Fontaine-Berger se gare devant le pavillon de Mireille, septuagénaire rentrée depuis peu d’hospitalisation. La vieille dame l’accueille tout sourire. « Installons-nous à la cuisine pour discuter autour d’une bonne tasse de chocolat !, propose-t-elle. J’ai préparé mon ordonnance et le panier dans lequel je range mes médicaments, comme vous me l’aviez demandé » Rapidement, la discussion s’oriente sur la façon dont Mireille vit son traitement. « Ils me disent que tout se passe bien, mais je vois bien que non : ils viennent encore d’augmenter les doses ! »

C’est l’occasion pour le pharmacien de refaire le point avec sa patiente sur les caractéristiques du traitement de l’insuffisance cardiaque. Patrick Fontaine-Berger évoque ensuite la compliance « boîte par boîte », questionnant la vieille dame sur sa façon de prendre le traitement et les éventuels désagréments rencontrés. Il constate qu’elle prend un antidépresseur à la demande au lieu de respecter le protocole du médecin. « Je croyais qu’il fallait que je le prenne seulement quand ça n’allait pas », s’explique-t-elle.

Avant de repartir, le pharmacien notera dans le classeur commun à l’ensemble des professionnels de santé quelques conseils supplémentaires au côté du plan de prise. Mireille pourra s’y référer et les autres professionnels de santé concernés en prendront connaissance lors de leur prochaine visite. « Lorsque cela est nécessaire, bien sûr, nous contactons directement le cardiologue ou tout professionnel concerné immédiatement », précise Patrick Fontaine-Berger.

1 000 professionnels de santé dont 66 pharmaciens

Résic 38, réseau ville-hôpital d’insuffisants cardiaques de l’Isère, réunit près de 1 000 professionnels de santé : cardiologues, généralistes, infirmiers, kinésithérapeutes, diététiciens, psychologues et, depuis peu, pharmaciens. L’objectif : améliorer la prise en charge des insuffisants cardiaques et notamment prévenir les décompensations cardiaques, diminuer les réhospitalisations itératives, améliorer la qualité de vie des patients.

Nathalie Calop, pharmacienne, une des personnes à l’initiative du réseau, raconte : « J’ai soutenu il y a quatre ans une thèse sur les attentes éducatives du patient vis-à-vis des professionnels de santé, appliquées aux anticoagulants. Lors d’une réunion en cardiologie sur l’éducation thérapeutique des patients à l’hôpital, j’ai rencontré Yannick Neuder, cardiologue au CHU de Grenoble et aujourd’hui coprésident du réseau. J’ai insisté sur la plus-value que les pharmaciens pouvaient apporter quant à l’optimisation thérapeutique, l’amélioration de l’observance et, ainsi, la diminution de l’iatrogénie. Il s’est montré très ouvert et m’a proposé de participer à la mise en place de ce partenariat. » La première réunion du réseau réunit ainsi, en janvier 2006, 38 pharmaciens de l’Isère contactés par mailing. Aujourd’hui, 66 adhèrent à Résic 38. Et sa porte reste grande ouverte à tout nouveau pharmacien désireux d’y participer !

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Une à trois séances par patient et par an

Les bases des missions dévolues aux pharmaciens se mettent vite en place. Les premières réunions leur permettent de compléter leurs acquis sur l’insuffisance cardiaque et sur les principales notions autour de l’éducation thérapeutique du patient. Une compétence réactualisée en permanence. Un document pour le patient sera ensuite rédigé en commun. « Nous voulions le construire avec les officinaux pour qu’ils se l’approprient et y adhèrent pleinement, précise Nathalie Calop. Le classeur du patient contient une partie réservée à chaque professionnel de santé. Celle réservée au pharmacien comprend l’ensemble du traitement du patient, un plan de prise et une grille d’évaluation qualitative pour connaître les acquis du malade. »

Lors de son engagement dans le réseau, chaque patient donne le nom de son pharmacien habituel. Si celui-ci appartient à Résic 38, il est contacté par la coordinatrice paramédicale du réseau. Après concertation avec l’équipe médicale, le pharmacien téléphone alors au malade pour lui proposer un rendez-vous à son domicile ou à l’officine afin de faire le point sur son traitement, mais si et seulement si le patient le souhaite. Il le reverra ensuite au rythme d’une à trois séances par an, en fonction des besoins (changement de traitement, réhospitalisation, explication des analyses, etc.).

Lorsque le pharmacien nommé par le malade n’appartient pas au réseau, Nathalie Calop le prend elle-même en charge à son domicile. Les patients sortent du réseau à partir du moment où l’ensemble de l’équipe estime qu’ils connaissent suffisamment bien leur pathologie et leur traitement et sont aptes à les gérer sans l’aide de Résic 38.

« Nous proposons aussi aux insuffisants cardiaques pouvant se déplacer une réunion d’information collective sur leur traitement, que j’anime à l’hôpital, reprend Nathalie Calop. Le traitement de l’insuffisance cardiaque est souvent mal perçu par les malades qui assimilent l’augmentation des doses à une détérioration de leur état. D’autres, même bien équilibrés, s’imposent des contraintes parfois trop lourdes, vivant ainsi très mal leur traitement. L’entretien au domicile avec leur pharmacien est un moment privilégié pour eux. Il représente un temps de parole où ils se sentent en confiance et posent les questions qu’ils n’ont pas osé aborder avec le corps médical. »

La visite à domicile prise en charge sur la base de 35 euros

Des échanges entre professionnels de santé du réseau à partir des cas cliniques ont lieu régulièrement. Ils permettent d’affiner sans cesse la prise en charge des patients. La visite au domicile dure en moyenne 45 minutes, suivie de la rédaction et de l’envoi à la coordinatrice d’un compte rendu qui sera ensuite transmis aux généraliste et cardiologue. « J’ai été étonné de voir à quel point mes clients étaient emballés par le réseau, s’étonne Patrick Fontaine-Berger. Ils sont très demandeurs. Il leur offre une concentration des informations. Ils se sentent vraiment au coeur de leur prise en charge, et acteurs de celle-ci. Quant aux autres professionnels de santé de proximité, mon intégration m’a permis de mieux les connaître. Nos relations se sont renforcées. »

Symbole de cette reconnaissance de l’ensemble des acteurs de santé, le réseau a obtenu de l’URCAM que la visite du pharmacien au domicile du patient soit prise en charge sur la base de 35 euros, comme acte dérogatoire. Pour le titulaire grenoblois, l’expérience est à ce point concluante qu’il a, depuis, intégré un second réseau, d’oncologie cette fois !

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Les avantages

« Intégrer un réseau change les relations avec les patients qui se rapprochent de nous et se sentent rassurés car bien pris en charge. »

– L’image de l’officinal auprès des autres professionnels de santé du secteur en est aussi largement modifiée : il est mieux reconnu dans son rôle d’éducation et de conseil auprès du patient.

– Le réseau permet enfin d’instaurer une relation d’échanges entre professionnels de santé.

Les difficultés

« La gestion au quotidien peut s’avérer difficile si le nombre de patients du réseau pris en charge par l’officine est trop important. Mais, pour le moment, ce n’est pas mon cas : seuls deux de mes patients ont intégré Résic 38. »

« Attention aux équipes officinales restreintes car, dans le cadre de Résic 38, la prise en charge est assurée uniquement par un pharmacien, généralement le titulaire. C’est ainsi le cas pour moi puisque nous ne sommes que deux pharmaciens et une préparatrice. »

– Les déplacements au domicile supposent de bien organiser son temps, surtout lorsque le nombre de patients intégrés au réseau croît.

Les conseils de Patrick Fontaine-Berger

– « Foncez ! Vous ne le regretterez pas. Le partenariat avec d’autres professionnels de santé, hospitaliers et libéraux, change leur regard mais aussi le nôtre sur l’exercice officinal quotidien. Le bénéfice « investissement en temps-relations avec la clientèle » est indéniablement en faveur de l’intégration à un réseau. Reste à savoir quel réseau intégrer lorsque plusieurs vous sollicitent… Il faut alors chercher à connaître la teneur pratique de l’implication qui vous sera demandée pour évaluer si l’intégration à un ou des réseaux est compatible avec le fonctionnement de l’officine. »