La pharmacie centrale des ARMÉES

Réservé aux abonnés
Publié le 22 mars 2014
Mettre en favori

Entre autres singularités, la pharmacie centrale des armées (PCA) présente un double statut juridique. Celui d’établissement pharmaceutique, qui lui permet de fabriquer des médicaments disposant d’une AMM. Et celui de pharmacie à usage intérieur pour la fabrication de médicaments spécifiques des armées en l’absence de spécialités disponibles et adaptées. Et pour chacun de ces statuts, une autorisation administrative est délivrée par l’ANSM. Visite guidée.

La mission principale de la PCA est de fabriquer et de développer des médicaments ou des préparations hospitalières pour les besoins du soutien opérationnel. Ces productions sont spécifiques aux forces armées en l’absence sur le marché de spécialités disponibles ou adaptées afin de répondre aux besoins du combattant », explique en guise de présentation le pharmacien en chef François Caire-Maurisier, directeur de production de la pharmacie centrale des armées à Fleury-les-Aubrais (Loiret). Ainsi, dans les opérations extérieures, comme la République centrafricaine aujourd’hui, chaque militaire est pourvu d’une trousse qui comprend, en particulier, du chlorure de sodium à 7,5 % pour perfusion (remplissage vasculaire et traitement du choc hémorragique) et de la morphine chlorhydrate 10?mg en dispositif d’auto-injection Uniject pour la prise en charge de la douleur. On est là dans la médecine de « l’avant ». Ces deux éléments individuels, dont chaque combattant apprend à se servir avant de partir, sont fabriqués dans le Loiret.

Des produits sans autorisation de mise sur le marché

Organisme de la défense, la PCA a depuis longtemps appris à gérer au quotidien le médicament traditionnel et le produit spécifique opérationnel tels les compresses et sirop antitussif à la caféine LP à 300 mg afin d’augmenter la capacité de vigilance. Développé à la demande de l’état-major des armées, ce dernier a été testé lors de l’opération « Harmattan » en Libye en 2011. Il est destiné, en particulier, aux forces spéciales et au personnel navigant. « Dans ce cas de mise au point, nous n’avons pas besoin d’AMM, explique François Caire-Maurisier, car nous répondons à des besoins très particuliers, dans l’intérêt des forces. » Dans un tel cas, seule une déclaration de fabrication doit être déposée car il s’agit là de préparation hospitalière. Contrairement aux spécialités pharmaceutiques qui, elles, nécessitent une AMM.

« Pharmacie de production à usage interne, nous pouvons donc répondre à toutes les demandes. Mais, bien entendu, sur les médicaments à usage militaire, nous sommes les principaux pourvoyeurs, détaille François Caire-Maurisier. Autre particularité, dans la contre-mesure, nous fabriquons des dispositifs de diagnostic in vitro, en dehors du champ d’activité de l’établissement pharmaceutique. » Le service a ainsi mis au point plusieurs kits de détection d’agents biologiques (peste, toxines). Les antidotes et les solutions thérapeutiques représentent le cœur de métier de la PCA. Outil de production multiforme (10 lignes de production permettent de fabriquer 12 formes pharmaceutiques différentes), l’héritier du magasin général du médicament, créé à la fin du XVIIIe siècle, dispose d’une grande capacité d’adaptation. Contre les agents chimiques de guerre (risque C), il produit la pyridostigmine, dont chaque combattant est doté dans les zones où des armes chimiques ont été employées ou sont susceptibles de l’être. Production également d’Ineurope (sulfate d’atropine, avizafone, qui est la prodrogue du diazépam, pralidoxime) pour le traitement d’urgence des intoxications par les organophosphorés, d’atropine sulfate (ampoules de solution injectable et auto-injection). L’utilisation confirmée de gaz sarin en Syrie peut susciter l’intérêt de pays de la région pour l’offre thérapeutique de la PCA. Notamment l’Ineurope. Contre le risque nucléaire et radiologique, sont fabriqués le DTPA 40 mg pour chélater des éléments radioactifs tels que plutonium, américium et curium, l’Iodure de potassium 65 mg (prévention de l’accumulation d’iode radioactif au niveau de la thyroïde), du Bleu de Prusse 500 mg (pour complexation intestinale du césium et du thallium). Contre le risque B des anti-infectieux : production de Doxycycline 100 mg (chimioprophylaxie du paludisme et traitement de l’infection par le bacille du charbon), d’Oseltamivir PG (pandémie grippale) au profit de l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS). La PCA fabrique aussi des produits plus conventionnels comme des génériques, afin de maintenir « la polyvalence de l’outil industriel et la compétence des opérateurs ». Elle assure également la fabrication de médicaments expérimentaux (réalisation d’essais cliniques). Enfin, elle a pour autre mission de développer et produire des médicaments pour des besoins spécifiques de santé publique dans le cadre de plans gouvernementaux (Biotox, Piratox, plan grippe…).

La pharmacie centrale est une assurance vie qui a un coût. La loi de programmation militaire (2014-2019), qui prévoit la suppression de 50 000 emplois, y aura des répercussions : de 191, les emplois de pharmaciens devraient passer à 170. Ce qui ne l’empêche pas de nourrir une ambition européenne. Devenir, à l’heure où l’armée belge ferme sa PCA, la pharmacie centrale des armées de l’UE.

Publicité