PHILIPPE LEMARQUIS, PRÉCURSEUR DES ENTRETIENS

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Publié le 20 avril 2013
Par Annabelle Alix
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L’équipe de la Pharmacie Lemarquis, à Aire-sur-l’Adour, qui réalise depuis 15 ans des entretiens auprès des patients, attend sereinement ceux concernant les AVK.

Le patient doit sortir de la pharmacie en ayant compris son traitement ! » Telle est la devise de Philippe Lemarquis. Depuis 20 ans, ce titulaire développe une pharmacie de services axée sur l’accompagnement thérapeutique. Les entretiens avec le patient, il connaît. Lui et son équipe en réalisent gratuitement près de dix chaque semaine. Armé d’un protocole « Entretiens AVK » prêt à l’emploi, Philippe Lemarquis attend donc de pied ferme la parution de l’avenant qui actera leur mise en place effective. Un futur entretien en tête-à-tête avec le pharmacien, qui s’ajoutera à la longue liste de ceux déjà effectués…

« Dès mon installation en 1987, j’ai engagé une réflexion avec mon équipe sur le rôle du pharmacien pour bien cadrer les services à développer », explique Philippe Lemarquis. Cette réflexion a débouché sur l’élaboration d’une charte de bonnes pratiques garantissant un suivi adapté du patient, appuyé par des entretiens. Car le comptoir n’est pas toujours propice à un échange de qualité. « Par exemple quand il faut expliquer au patient comment manipuler un aérosol ou un stylo autopiqueur, ou pour s’entretenir avec un patient sortant d’une chimiothérapie », précise le titulaire.

La pièce réservée aux soins de premier secours a donc trouvé une seconde vie. S’y déroulent aujourd’hui des entretiens aux thématiques variées : hypertension artérielle, plaies chroniques, asthme, sevrage tabagique, accompagnement dans la prise de traitements nouveaux ou compliqués, accompagnement de régimes liés aux pathologies et de personnes de plus de 75 ans vivant seules. Ces entretiens recentrent l’officine sur son rôle de santé publique, dans l’esprit de la charte. « Celle-ci nous interdit d’ailleurs la vente associée à but purement lucratif », indique Philippe Lemarquis. Elle limite aussi la délivrance au strict minimum. « Nous questionnons toujours le patient sur ses réserves en médicaments car il a parfois l’équivalent, princeps ou générique, du médicament prescrit à la maison, ajoute-t-il. 80 % d’entre eux repartent ainsi sans achats » Une hérésie commerciale ? Pas sûr, car la confiance du patient se traduit par une fidélisation croissante et une progression à deux chiffres sur la parapharmacie. De trois collaborateurs il y a 25 ans, l’équipe est aujourd’hui passée à quatorze, engagés de plain-pied dans une démarche qualité. La pharmacie Lemarquis a en effet été certifiée ISO 9001 il y a six ans. « Cette certification qualité a posé un cadre à nos pratiques, observe Philippe Lemarquis. Les missions de l’officine édictées par la loi HPST s’inscrivent dans la continuité de notre démarche »

« Chaque fois que je m’apprête à donner mon sang, ma tension s’avère finalement trop basse ou, au contraire, trop élevée », s’inquiète Martine, une patiente fidèle. Installée dans la pièce à huis clos réservée aux entretiens, à l’arrière de l’officine, la patiente raconte son histoire. Le pharmacien la laisse s’exprimer. « L’entretien ne doit pas être directif. Il faut laisser le patient se placer en acteur de sa prise en charge, explique Philippe Lemarquis. C’est le meilleur moyen d’emporter son adhésion aux conseils ou au traitement » Et donc de favoriser l’observance. Le pharmacien écoute, reformule, demande des précisions, et rebondit. « L’objectif est de dresser un état des lieux des habitudes de vie et de l’état de santé du patient, tout en considérant sa motivation à se prendre en charge, développe le titulaire. On fait le point, puis on amène le patient à trouver lui-même des solutions pour améliorer sa situation » Sans constituer un programme d’éducation thérapeutique à part entière, les deux à quatre entretiens d’une heure avec le patient visent à comprendre ses problématiques et son état d’esprit, tout en lui faisant prendre conscience des enjeux de sa pathologie et de son traitement.

Toute l’équipe a été formée à différentes pathologies

Pour atteindre ces objectifs, l’entretien se déroule selon un protocole précis. Sa rédaction est issue d’un long processus en amont : « L’idée émane toujours d’un besoin identifié, soit au comptoir, soit en lisant des études ou en suivant les recommandations de l’OMS », précise Philippe Lemarquis. La première étape consiste alors à former toute l’équipe à la pathologie concernée et à ses traitements. Une ou deux personnes de l’équipe se forment – soit individuellement sur Internet, soit à l’occasion d’une formation assurée par un organisme extérieur – avant de restituer leur savoir à l’ensemble de l’équipe. Préparateurs et pharmaciens pourront ainsi réaliser ultérieurement les entretiens, ou tout au moins, sensibiliser les patients au comptoir en posant des questions ciblées. Ils sauront répondre à leurs interrogations et leur proposer un rendez-vous. Une fois l’équipe formée, la réflexion collégiale s’amorce, d’abord informelle. Chacun se documente auprès du site de l’Ordre, de l’Agence du médicament, du réseau de l’officine…

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Un protocole efficace, mesurable et reproductible

Les échanges au sein de l’équipe évoluent et la réflexion avance. Après quatre à cinq mois, un protocole est finalement rédigé par un membre de l’équipe avec trois impératifs : être efficace, mesurable et reproductible. « Ces protocoles ne sont pas figés, indique Philippe Lemarquis. Ils sont amenés à évoluer en fonction des recommandations de l’OMS, de l’ANSM, de la HAS, de l’ARS… » Les retours des médecins et la perception de l’équipe lors d’une visite ultérieure du patient permettent aussi d’apprécier leur efficacité. Les observations sont notées sur une fiche d’évaluation globale. Les incidents sont ensuite inscrits au « baromètre qualité » par Marie-Luce Larrey, la préparatrice référente qualité, qui les synthétise auprès de toute l’équipe lors de réunions mensuelles, le midi ou le soir, autour d’un plateau-repas. Les quatre pharmaciens et les six préparateurs de l’officine y participent, mais aussi la conditionneuse et l’employé administratif. Une équipe investie dont le recrutement n’est pas le fruit du hasard. Philippe Lemarquis n’embauche « que des professionnels investis et soucieux de la qualité du travail fourni ».

Les entretiens, les actions mensuelles de dépistage et les soins de premiers secours représentent ainsi huit à dix opérations gratuites par jour cumulées en moyenne. Ce qui plaît beaucoup aux patients. « Après avoir discuté au comptoir, le pharmacien m’a proposé de prendre ma tension qui s’est avérée très élevée, rapporte une patiente. C’est donc un service utile, et nous avons pu prendre le temps de discuter » Pour dégager ce temps, il a fallu en trouver. « Nous déléguons la gestion du tiers payant, la comptabilité et le social au groupement d’intérêt économique que nous avons créé avec quatre autres officines en mutualisant nos moyens, explique Philippe Lemarquis. Quant aux commandes du grossiste, elles sont rangées tôt le matin avant notre arrivée » Dans la journée, place au cœur de métier. L’équipe est alors disponible pour les 380 patients qui la fréquentent chaque jour.

Si vous avez envie d’essayer

Les avantages

• Valoriser ses compétences tout en renforçant son rôle d’acteur de santé publique.

• Renforcer le lien de confiance avec le patient et fidéliser la clientèle.

Les difficultés

• Le temps consacré à former le personnel, organiser des réunions qualité, faire des recherches, rédiger les procédures…

• Aménager un espace où la confidentialité du patient sera préservée.

Les conseils de Philippe Lemarquis

• Dégager du temps et des moyens financiers en externalisant les activités supports (administratif, comptabilité…) via une mutualisation des moyens avec d’autres officines.

• Travailler en réseau, en synergie avec d’autres acteurs dans la même dynamique, pour optimiser les actions.

• Recruter un personnel motivé par la démarche.

• S’engager dans une démarche qualité ISO 9001 pour cadrer les actions.

Philippe Lemarquis en quatre dates

25 décembre 1958 Naissance

1984 Diplômé de la faculté de pharmacie de Bordeaux

1985 DESS de pharmacien industriel

1987 Installation à Aire-sur-l’Adour

L’AVIS DE L’ÉQUIPE

« L’activité de santé publique que nous développons lors des entretiens et des dépistages valorise nos fonctions, y compris aux yeux du patient, souligne Marie-Luce Larrey, préparatrice et référente qualité. Par ailleurs, nos propositions trouvent toujours un écho, ce qui nous pousse à l’initiative car le titulaire nous donne l’opportunité d’accéder à des responsabilités » « Chaque membre de l’équipe a en effet la possibilité de se spécialiser en fonction de ses goûts et sensibilités  », rejoint Milène Dehez, également préparatrice, qui s’est quant à elle lancée dans la réalisation d’entretiens en diététique.