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Prévenir les mucites : quels conseils au comptoir ?
Comptant parmi les effets indésirables les plus fréquents liés aux traitements anticancéreux, les mucites peuvent se compliquer de surinfection et de dénutrition. Certains conseils hygiénodiététiques sont indispensables pour les prévenir ou limiter le risque de complications.
Des inflammations douloureuses des muqueuses
Les mucites sont des inflammations douloureuses des muqueuses liées aux traitements anticancéreux (radiothérapie, cytotoxiques et thérapies ciblées), comptant parmi les effets indésirables les plus fréquemment rapportés. Elles concernent le plus souvent les muqueuses buccales et pharyngées, mais elles peuvent toucher tout le tractus digestif depuis la bouche jusqu’à l’anus. Elles affectent parfois les muqueuses génitales ou, avec l’erlotinib notamment, la conjonctive de l’œil.
Il convient de les différencier des stomatites, terme à réserver aux inflammations de la muqueuse buccale liées aux thérapies ciblées : anti-EGFR1 (à l’instar de l’erlotinib), anti-VEGF2 (sorafénib et sunitinib, notamment) et inhibiteurs m-TOR3 (temsirolimus et évérolimus dont il s’agit de l’effet indésirable le plus fréquent). Les stomatites incluent des dysgueusies (altération du goût), une xérostomie (sécheresse buccale) et des douleurs ou une hypersensibilité diffuse, mais ne sont pas toujours associées à une lésion clinique, contrairement aux mucites.
Les mucites induites par la radiothérapie ou les cytotoxiques débutent par un érythème muqueux (ou énanthème) et évoluent en ulcérations irrégulières de grande taille, éventuellement hémorragiques. En cas de lésions avec les thérapies ciblées de type inhibiteurs de m-TOR, celles-ci sont généralement arrondies, de type aphtoïde et de petite taille, localisées à la bouche, sans atteinte du tractus digestif.
Outre les thérapies ciblées, les principaux agents responsables sont le méthotrexate, le 5-fluorouracile, le cyclophosphamide, l’irinotécan, le topotécan, les dérivés du platine, les anthracyclines et les poisons du fuseau (vinca-alcaloïdes et taxanes).
Les mucites résultent d’une action directe de la chimiothérapie ou de la radiothérapie sur la muqueuse, ou de la génération de radicaux libres et de la production de cytokines pro-inflammatoires sous l’effet des anticancéreux, altérant l’épithélium et le tissu conjonctif. Dans le cas des thérapies ciblées, les mécanismes en cause relèvent de l’inhibition des voies impliquées dans la croissance et la réparation cellulaire.
1 Epidermal growth factor receptor.
2 Vascular endothelial growth factor.
3 Mammalian target of rapamycin.
Les complications
Les mucites peuvent constituer une entrave à la bonne hydratation et à une alimentation orale satisfaisante du patient et être à l’origine de dénutrition (majorée en cas de dysgueusie associée) et de déshydratation. La douleur peut rendre la communication orale difficile, induire une dysphonie, voire une rupture de la communication. Elles peuvent, en outre, se compliquer d’infections virales, bactériennes ou fongiques, notamment dans un contexte de neutropénie chimio-induite.
Douleurs et complications détériorent la qualité de vie et sont susceptibles d’entraîner une diminution de l’observance des traitements anticancéreux administrés per os, ou imposent, dans certains cas, d’espacer les cycles ou de diminuer les doses. Le succès du traitement anticancéreux s’en trouve parfois compromis. Les formes les plus sévères engagent le pronostic vital.
Les facteurs de risque
Le tabagisme, une consommation excessive d’alcool, le diabète, une mauvaise hygiène buccodentaire constituent des facteurs de risque, ainsi que l’âge avancé et les antécédents de mucite lors de cures précédentes de chimiothérapie. L’adjonction d’une chimiothérapie à la radiothérapie augmente le risque de mucite.
Mesures de prévention
Hygiène buccodentaire
- Insister sur l’importance du bilan buccodentaire avant de commencer le traitement anticancéreux, pour faire pratiquer, si besoin, les soins dentaires nécessaires avant l’instauration du traitement.
- Encourager l’arrêt du tabac et la limitation de la consommation d’alcool.
- Informer le patient de l’importance de l’hygiène buccodentaire pendant le traitement : se laver les dents après chaque repas avec une brosse à dents ultra-souple (chirurgicale 7/100, voire 13/100), éventuellement mouillée au préalable pour assouplir davantage les poils, et, si besoin, des brossettes interdentaires. En revanche, ne pas utiliser de brosse à dents électrique ni de cure-dents ou de fil dentaire pour éviter les traumatismes. Un dentifrice non mentholé sans abrasif ni additif est recommandé.
- Conseiller aux porteurs d’un appareil dentaire de le retirer et le nettoyer après chaque repas. Ne pas porter d’appareil mal ajusté, qui peut léser les gencives ou la muqueuse buccale (être particulièrement vigilant en cas de perte de poids et consulter régulièrement son dentiste pour vérifier que l’appareil reste adapté).
- Des bains de bouche à l’eau plate ou au bicarbonate de sodium à 1,4 % peuvent être effectués en prévention, 4 à 6 fois par jour. Proscrire ceux contenant de l’alcool, irritant, qui peuvent provoquer une sensation de brûlure en cas de lésion de la muqueuse, ainsi que ceux contenant des antiseptiques, susceptibles de déséquilibrer la flore buccale. Ne pas manger pendant la demi-heure qui suit la réalisation d’un bain de bouche.
- Après un vomissement, et particulièrement en cas de chimiothérapie orale, conseiller au patient de se rincer la bouche à l’eau froide, pour limiter l’exposition buccale aux résidus de principes actifs dans le bol alimentaire.
- Éduquer le patient à surveiller régulièrement sa bouche et à prendre contact avec un médecin en cas d’apparition d’aphtes, de lésion buccale, de plaques blanchâtres ou de douleurs, même sans lésion visible, de façon à permettre un diagnostic à un stade précoce.
Hydratation
Maintenir une hydratation buccale suffisante : boire au moins 2 litres par jour, que ce soit des eaux minérales, tisanes, des bouillons ou des boissons à base de cola, par petits volumes régulièrement répartis dans la journée (afin d’éviter l’effet émétisant des gros volumes), garder une bouteille d’eau à portée de main près de son lit pour pouvoir s’hydrater la nuit si nécessaire.
Sucer des bonbons ou des chewing-gums sans sucre permet de stimuler la production de salive. Hydrater les lèvres avec du beurre de cacao ou de la vaseline (sauf si le patient est sous oxygénothérapie, du fait d’un risque de combustion). En cas de sécheresse buccale, un substitut salivaire (Aequasyal, BioXtra, etc.) ou un sialogogue (Artisial, Sulfarlem, etc.) peut être proposé.
Sucer des glaçons, de la glace pilée, des glaces ou sorbets contribue à hydrater la bouche, à apaiser les douleurs et à exercer un effet vasoconstricteur qui limite les diffusions locales de principes actifs responsables de mucites.
Conseils diététiques
- Fractionner les repas et préférer les aliments liquides, moelleux ou de texture mousseuse, mixés ou hachés, éviter impérativement les mets ou boissons servis trop chauds qui peuvent brûler et léser la muqueuse buccale.
- Pour la même raison, éviter tout ce qui est croquant ou dur (chips, biscottes, croûte du pain), irritants ou acides (gruyère, noix, ananas, pommes, épices, piments, vinaigre, agrumes, etc.), ainsi que les aliments secs ou farineux, susceptibles de laisser un dépôt sur la muqueuse buccale.
Modalité de prise de la chimiothérapie orale
Lors des délivrances d’anticancéreux oraux, bien informer le patient (et son entourage) de ne jamais écraser, croquer ou mâcher les comprimés afin d’éviter le contact direct des principes actifs avec la muqueuse buccale, et vérifier si les gélules peuvent ou non être ouvertes.
Traitement préventif
- Laser : un traitement préventif par laser basse énergie est recommandé par l’Association multinationale des soins de support en cancérologie (Mascc, recommandations 2014) pour réduire l’incidence et la sévérité des mucites en cas de chimiothérapie intensive. La thérapie au laser peut aussi être proposée pour prévenir les mucites radio-induites en cas de cancer cervicofacial.
- Cryothérapie : l’application de glace dans la bouche pendant 30 minutes est recommandée par la Mascc après un bolus de 5-fluorouracile.
Traitement
Le traitement des mucites fait appel aux bains de bouche au bicarbonate de sodium 1,4 %. Un traitement anesthésique, corticoïde et/ou antifongique local peut également être prescrit selon les besoins.
En cas de surinfection, des traitements antifongiques, antiviraux ou antibiotiques systémiques sont parfois nécessaires.
La douleur est prise en charge par des traitements antalgiques (éventuellement morphiniques) en fonction de son intensité.
En cas de retentissement nutritionnel, des compléments alimentaires sont proposés et, lorsque l’alimentation orale est impossible, une alimentation entérale, voire parentérale, est indispensable.
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