4/5 – Conseils associés : accompagner le patient atteint d’une maladie rénale chronique

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4/5 – Conseils associés : accompagner le patient atteint d’une maladie rénale chronique

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Publié le 10 octobre 2025
Par Maïtena Teknetzian
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Pour soutenir le patient et lui apporter des conseils adaptés, il est nécessaire de connaître l’impact de la maladie rénale chronique sur la vie quotidienne, ainsi que de savoir le renseigner sur les différents moyens thérapeutiques et les conseils diététiques.

La maladie vue par les patients

Impact psychologique

La maladie rénale chronique (MRC) est indolore et longtemps silencieuse. Lorsqu’elle est découverte à un stade relativement précoce, le patient peut être dans le déni et ne pas percevoir l’intérêt des traitements puisqu’il ne ressent pas de symptômes.

En revanche, si le diagnostic est posé à un stade déjà avancé, le patient peut être sidéré par cette annonce et très inquiet pour son avenir.

Impact sur la qualité de vie

Le régime alimentaire inhérent au traitement peut être perçu comme une contrainte par certains patients et dégrade les relations sociales.

Certains symptômes, comme le prurit ou une nycturie, altèrent la qualité de sommeil.

Lorsque le traitement de suppléance devient indispensable, il est vécu comme un véritable bouleversement qui désorganise la vie familiale, professionnelle et sociale, les loisirs et les vacances.

À ce stade, certains symptômes (fatigue, épuisement, essoufflement) compliquent les activités quotidiennes et altèrent la qualité de vie. Les conséquences physiques sont vécues comme un fardeau et prédominent longtemps sur l’impact mental qui, lorsqu’il se fait sentir, peut mener à une véritable dépression nerveuse.

À dire aux patients

À propos de la maladie rénale chronique

Importance du dépistage précoce

Sensibiliser les patients hypertendus, diabétiques, en surpoids, sur les risques de développer une MRC et vérifier que leur fonction rénale est surveillée. Les inciter à évoquer la question avec leur médecin traitant en vue d’un dépistage.

Expliquer que le dépistage est simple à mettre en œuvre : il nécessite une prise de sang et un recueil d’urine pouvant être effectués à n’importe quel moment de la journée. Il permet de diagnostiquer précocement une éventuelle atteinte rénale et de mettre en œuvre si besoin un traitement néphroprotecteur pour ralentir sa progression.

Prise en charge

La MRC nécessite une prise en charge multidisciplinaire (médecin traitant, néphrologue, infirmier, diététicien, psychologue, enseignant d’activité physique adaptée). En fonction de la valeur du rapport albumine/créatinine (RAC) urinaire, orienter le patient vers un néphrologue peut être nécessaire dès le stade 1.

Hygiène de vie

Certains conseils sont à prodiguer non seulement pour prendre soin de ses reins et diminuer le risque de MRC, mais aussi pour limiter la progression de la maladie.

Aux stades 1 et 2, les consignes diététiques sont celles qui correspondent à la prévention du risque cardiovasculaire.

Lutter contre la sédentarité et essayer de pratiquer 3 à 5 fois par semaine une activité physique de type endurance cardiorespiratoire adaptée aux capacités du patient. L’intensité doit être modérée (et ne provoquer qu’un léger essoufflement) sur une durée de 30 à 50 minutes. Elle est bénéfique sur le plan cardiovasculaire et métabolique, diminue les symptômes d’anxiété et de dépression et contribue à limiter le déclin du DFG.

Encourager impérativement le sevrage tabagique et la perte de poids si l’IMC est supérieur à 25 kg/m2.

Réduire la consommation de graisses et de produits sucrés, privilégier les fruits, les légumes et les fibres (qui permettent de diminuer l’absorption intestinale des sucres et des phosphates), manger du poisson gras une fois par semaine, limiter la consommation d’alcool.

Limiter la consommation de sel (qui favorise l’hypertension artérielle et réduit en outre l’absorption du calcium) à 5 g par jour (soit 2 g de sodium) : ne pas saler l’eau de cuisson et ne pas resaler les mets avec une salière, utiliser des épices et des aromates pour cuisiner, éviter la consommation de plats industriels, bouillons en cube, sauces et soupes en boîte, charcuterie, biscuits apéritifs, coquillages et crustacés. Ne pas utiliser de sels de régime en remplacement du sel car ils sont riches en potassium.

À partir du stade 3A, une prise en charge par un diététicien est nécessaire pour adapter l’alimentation du patient.

Les apports en protéines seront progressivement réduits à 0,8 g/kg/jour. Aux stades plus avancés, grâce à des supplémentations par acides aminés essentiels, ils sont réduits entre 0,3 et 0,7 g/kg/jour, selon les recommandations du diététicien. Privilégier les protéines d’origine végétale (sources de fibres) comme le quinoa, aux protéines animales (sources de phosphore).

En revanche, au stade de la dialyse, le besoin en protéines augmente et l’apport est alors de 1,1 à 1,2 g/kg/jour.

Veiller à consommer suffisamment de sources de calcium (produits laitiers, sardines par exemple).

Limiter les apports de phosphore (fruits à coque en particulier) et éviter les apports brutaux en potassium auxquels sont propices certaines périodes de l’année (cerises, fraises, chocolat).

Boire 1,5 l d’eau par jour (soit 8 à 10 verres d’eau par jour) est suffisant. Chez les patients dialysés, le volume hydrique sera déterminé par le néphrologue. Sur avis médical, la consommation de certaines eaux riches en bicarbonate (Vichy, Salvetat par exemple) peut être conseillée pour lutter contre l’acidose métabolique.

Les aides

À compter du stade 3 (DFG inférieur à 60 ml/min/1,73 m2), la MRC peut être reconnue comme une affection longue durée (ALD).

Pour les patients aux stades 4 et 5, le forfait MRC assure le remboursement annuel d’une prise en charge pluridisciplinaire : une consultation néphrologique, une consultation avec un infirmier de coordination ou un infirmier en pratique avancée (IPA) et une consultation avec un diététicien ou un psychologue ou un assistant social.

Au stade dialyse, contacter la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) pour permettre la reconnaissance de qualité de travailleur handicapé, obtenir un aménagement du poste de travail ou une allocation d’adulte handicapé.

Pour les patients dont la dialyse est réalisée pendant le temps de travail, l’indemnité compensatrice de perte de salaire (ICPS) permet de percevoir une compensation financière.

Vaccinations

Quel que soit le stade de la MRC, la vaccination est à recommander car la maladie augmente le risque infectieux et inversement, tout évènement intercurrent infectieux peut aggraver la MRC. Encourager en particulier les vaccinations antigrippale, antipneumococcique, anti-Covid-19, contre le zona et contre l’hépatite B (après vérification du statut sérologique), indispensable en cas de dialyse.

En savoir plus

Renaloo – Cette association de patients donne des informations sur l’insuffisance rénale chronique, ses complications et les traitements de suppléance.

France rein – Le site de cette association de patients propose de nombreuses fiches pratiques relatives à la diététique mais aussi à l’hémodialyse à domicile.

Fondation du rein – Entre autres missions, la Fondation du rein promeut les mesures pour prendre soin de ses reins et organise chaque année, en mars, une campagne de dépistage gratuit sur l’ensemble du territoire français, en partenariat avec France Rein.

À propos des traitements

Traitement médicamenteux

Optimiser l’adhésion thérapeutique. Insister sur l’importance de la bonne observance des traitements qui permet de freiner l’évolution de la maladie et de limiter ses complications. S’assurer que le patient connaisse bien les objectifs chiffrés (HbA1C inférieure à 7 %, PA inférieure à 130/80 mmHg ; RAC inférieure à 300 mg/g). Encourager l’autosurveillance tensionnelle et la surveillance du poids.

Prévenir les effets indésirables. Éduquer les patients traités par inhibiteurs du système rénine-angiotensine ou diurétiques à prendre contact avec leur médecin en vue d’une réévaluation de ces traitements en cas d’épisodes à risque de déshydratation (canicule, diarrhées, fièvre) de façon à prévenir une aggravation aiguë. Déconseiller formellement l’utilisation de sorbitol chez un patient traité par résine de polystyrène chélatrice de potassium (risque de nécrose colique).

Traitement de suppléance ou traitement conservateur

Il convient de contribuer à informer, suffisamment en amont, le patient sur le traitement de suppléance, pour qu’il puisse faire un choix éclairé de la technique ou opter pour un traitement conservateur.

Lorsque le DFG du patient est inférieur à 15 ml/min/1,73 m², il est désormais préféré de ne plus utiliser les termes d’ « insuffisance rénale terminale », qui peuvent s’avérer très anxiogènes pour le patient, et de parler plutôt de « MRC stade 5 ».

À ce stade, le patient peut bénéficier, quel que soit son âge, d’un traitement de suppléance ou d’un traitement conservateur. Le pharmacien peut contribuer à informer le patient sur ces options, de façon à éclairer son choix. Il faut savoir qu’à tout moment, le patient peut revenir sur sa décision et changer d’option thérapeutique.

La dialyse péritonéale. Elle utilise le péritoine comme membrane de filtration et nécessite la pose d’un cathéter au niveau de l’abdomen. Elle s’effectue quotidiennement à domicile et facilite le maintien en activité professionnelle puisqu’elle peut être réalisée la nuit. Elle est intéressante chez les patients ayant un mauvais état vasculaire, qui compromet l’hémodialyse. En revanche, ce n’est pas une solution pérenne, la capacité de filtration péritonéale s’amenuisant au fil du temps.

L’hémodialyse. C’est une technique extracorporelle qui consiste à filtrer le sang au travers une membrane artificielle, à raison généralement de 12 heures par semaine, réparties en plusieurs séances. Elle nécessite un abord vasculaire (fistule ou cathéter). Elle peut se dérouler en centre de dialyse, dans des unités de dialyse médicalisées, ou à domicile après formation du patient. Il existe des structures proposant des dialyses en soirée pour une meilleure compatibilité avec un emploi du temps professionnel. La dialyse à domicile permet au patient de s’éviter les temps de trajets jusqu’au centre et peut être préférée par certains patients car offrant davantage d’autonomie.

Le traitement conservateur. Aujourd’hui, il doit être considéré comme une véritable option thérapeutique de la MRC de stade 5. C’est une prise en charge holistique du patient, sans dialyse, consistant à corriger les symptômes urémiques tout en assurant un accompagnement nutritionnel et psychosocial.

Point de vue du P Luc Frimat, service de néphrologie au CHRU de Nancy (Meurthe-et-Moselle)

Quels messages les pharmaciens officinaux doivent-ils contribuer à diffuser au sujet de la maladie rénale chronique ?

Il s’agit d’une maladie silencieuse, asymptomatique jusqu’aux stades avancés. Les pharmaciens doivent informer sur la maladie rénale chronique et ses conséquences les patients à risque tels que les diabétiques, les hypertendus, les sujets obèses, les patients ayant des maladies cardiovasculaires, mais aussi ceux ayant des antécédents familiaux de maladie rénale chronique. Attention, il ne s’agit pas de faire peur, car on risque alors de provoquer le déni du patient, qui va se détourner de l’information. Il faut prendre le temps de communiquer en plusieurs étapes, en veillant à diffuser des messages clairs et simples sur le rôle des reins et pourquoi il est important d’en prendre soin et comment le faire. Il est fondamental d’insister auprès des sujets à risque sur le dépistage annuel, basé sur le débit de filtration glomérulaire (DFG) par prise de sang associé au rapport albumine/créatinine (RAC) par analyse d’urine. Dépister une maladie rénale chronique permet d’agir grâce à des médicaments néphroprotecteurs et des mesures non médicamenteuses pour éviter la dialyse. Il faut insister sur les mesures de protection cardiovasculaire dès les premiers stades de la maladie, comme la pratique d’une activité physique adaptée et l’arrêt du tabac. Pour être pédagogues, les pharmaciens peuvent d’ailleurs expliquer au patient que 20 % du volume sanguin éjecté par le cœur en systole parvient aux reins, qui représentent pourtant moins de 1 % du poids du corps. Les reins sont richement vascularisés. Pour qu’ils fonctionnent, il faut que les vaisseaux qui les perfusent soient en bon état ! D’où l’intérêt des mesures de protection cardiovasculaire : l’hygiène de vie fait partie intégrante de la prévention.

Comment est déterminée la stratégie thérapeutique au stade 5 de la maladie ?

À ce stade, il y a 3 options thérapeutiques : la dialyse, la transplantation rénale et le traitement conservateur sans dialyse, qui est un ensemble de méthodes médicamenteuses ou non médicamenteuses et de soins de support pour pallier les conséquences physiques et psychologiques de la maladie rénale chronique au stade avancé. Concernant la greffe, outre les problèmes de compatibilité du greffon, certains patients (infection chronique, cancer évolutif) ne sont pas éligibles du fait des risques liés au traitement immunosuppresseur, ainsi que les insuffisants cardiaques (car le greffon ne sera pas correctement vascularisé). Un tiers seulement des malades peuvent être greffés. Mais ce qui est important, c’est de souligner que la dialyse n’est pas systématique et que la décision d’entrer ou non en dialyse se prend avec le patient. C’est une décision partagée, qui ne revient pas aux seuls soignants. Certes la dialyse permet de gagner en espérance de vie mais au prix d’une dégradation significative de la qualité de vie. Ce n’est pas une baguette magique ! Ainsi, 8 à 10 % des patients choisissent de ne pas entrer en dialyse et optent pour le traitement conservateur. À noter qu’au stade 5, quand l’indication de dialyse est retenue, il faut la commencer, non pas le plus tôt possible, comme on l’a longtemps pensé, mais uniquement quand il y a des symptômes. En effet, des essais randomisés ont prouvé qu’il n’y a pas de bénéfice à commencer la dialyse quand le DFG est supérieur à 10 ml/min/1,73 m².

Attention à l’automédication

Certains médicaments disponibles sans ordonnance peuvent altérer la fonction rénale (notamment les AINS et les inhibiteurs de la pompe à protons en traitement prolongé), ou induire une déshydratation, comme les laxatifs stimulants. Faire attention également aux médicaments effervescents, riches en sodium.

Par ailleurs, la posologie des médicaments peut nécessiter un ajustement à la fonction rénale.

Avec l’aimable relecture du Pr Luc Frimat, service de néphrologie au CHRU de Nancy (Meurthe-et-Moselle)

Article issu du Cahier Formation du n°3577 du 27 septembre 2025

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