1/5 – Pathologie : la maladie rénale chronique en 5 questions

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1/5 – Pathologie : la maladie rénale chronique en 5 questions

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Publié le 10 octobre 2025
Par Maïtena Teknetzian
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Près de 1 Français sur 10 est concerné par la maladie rénale chronique (MRC). Longtemps silencieuse, elle peut évoluer vers un stade avancé nécessitant la suppléance par dialyse ou grâce à une greffe rénale. C’est pourquoi un dépistage précoce est nécessaire en particulier chez les patients les plus à risque comme les hypertendus et les diabétiques.

1. De quoi s’agit-il ?

La maladie rénale chronique (MRC) est une altération de la fonction rénale définie par la présence de marqueurs d’atteintes rénales (albuminurie, hématurie, leucocyturie, anomalies morphologiques comme des reins de petite taille ou polykystiques, par exemple) et/ou une diminution du débit de filtration glomérulaire (DFG) perdurant depuis plus de 3 mois.

Rappel sur l’anatomie et la fonction rénale

Chaque rein est constitué d’environ 1 million de néphrons (unités fonctionnelles rénales). Un néphron est lui-même constitué d’un glomérule, siège de la filtration et d’un tubule, siège de sécrétion et de réabsorption.

Le débit de filtration glomérulaire (DFG) correspond au volume filtré au niveau glomérulaire par unité de temps. Le DFG dépend de la surface glomérulaire (donc du nombre de néphrons) et des pressions présentes de part et d’autre du glomérule.

Outre leur rôle de filtration et d’élimination, les reins régulent (par sécrétion et réabsorption tubulaire) les concentrations sanguines en ions et participent au maintien de l’équilibre acido-basique du sang.

Ils synthétisent également différentes hormones, vitamines et enzymes dont l’érythropoïétine (synthétisée par les cellules interstitielles péritubulaires du cortex rénal et stimulant la synthèse des globules rouges dans la moelle osseuse), et la 1-α-hydroxylase (produite au niveau des tubes proximaux et qui permet d’activer la vitamine D en calcitriol).

Les fonctions du rein© Michel Saemann – Les fonctions du rein

Les néphropathies (par exemple liées au diabète ou à l’hypertension artérielle, auto-immunes, toxiques, génétiques comme la polykystose rénale) s’accompagnent de lésions cellulaires glomérulaires, tubulaires, interstitielles et vasculaires à l’origine d’un remaniement histologique et d’une réduction du nombre de néphrons fonctionnels qui provoque une diminution du DFG. La diminution du capital de néphrons sains impose une augmentation de la charge de filtration par les néphrons restant fonctionnels et une augmentation de la pression dans les glomérules. Cela entraîne une altération prématurée des néphrons qui sont remplacés par du tissu fibreux, et favorisent la progression de la MRC.​​​​​​

Conséquences biologiques, l’altération de la filtration glomérulaire provoque une rétention hydrosodée et une hypertension artérielle dépendante de la volémie (dite volodépendante), une accumulation de déchets azotés et une hyperuricémie.

La diminution du nombre de néphrons s’accompagne également d’une altération des fonctions tubulaires avec perturbation de l’équilibre hydroélectrolytique (hyperkaliémie, hyperphosphatémie, acidose métabolique).

L’altération des fonctions endocrines rénales provoque une anémie et une diminution de synthèse de calcitriol, responsable d’un déséquilibre du métabolisme phosphocalcique (hypocalcémie et hyperparathyroïdie secondaire).

La maladie rénale chronique (MRC) reste donc silencieuse jusqu’à un stade avancé, au cours duquel des symptômes apparaissent. Ils sont liés notamment au défaut d’élimination de l’eau, des électrolytes et des déchets azotés : fatigue, œdèmes, crise de goutte, prurit (lié à l’hyperphosphatémie), crampes, nausées, vomissements, gêne respiratoire, nycturie et troubles du sommeil et somnolence diurne.

En chiffres

  • La MRC est la 7e cause de mortalité dans le monde.
  • Elle concerne 1 Français sur 10.
  • Chaque année, environ 11 000 Français débutent un traitement de suppléance.
  • 55 % des patients ayant un traitement de suppléance sont dialysés et 45 % sont porteurs d’un greffon rénal.
  • Âge médian des patients dialysés : 71,2 ans.
  • Pour exemple, l’espérance de vie d’une femme de 60 ans en MRC stade 5 est de 5,8 ans en moyenne contre 27,9 ans en population générale au même âge.

2. Quels sont les principales étiologies et les facteurs de risque ?

Avec le temps, un diabète mal contrôlé peut aboutir à une glomérulopathie, tandis que l’hypertension artérielle endommage la paroi des vaisseaux et peut provoquer une néphroangiosclérose. Ces deux pathologies constituent les principales causes de MRC, expliquant près de la moitié des cas.

Une insuffisance cardiaque peut se compliquer d’une MRC (par défaut de perfusion des glomérules).

Certaines maladies de système ou auto-immunes susceptibles d’entraîner des atteintes glomérulaires comme le lupus érythémateux disséminé, une vascularite, la polyarthrite rhumatoïde peuvent être responsables de MRC.

La polykystose rénale, maladie d’origine génétique, est responsable d’environ 8 % des cas.

Le sexe féminin et l’âge supérieur à 60 ans constituent des facteurs de risque d’altération de la fonction rénale (un quart des sujets de plus de 65 ans est concerné par la MRC), le nombre de néphrons diminuant chez les personnes âgées.

L’obésité, la sédentarité, le tabagisme et les dyslipidémies, qui augmentent le risque de diabète et de maladies cardiovasculaires, favorisent aussi la survenue d’une MRC.

Certaines pathologies urologiques ou rénales (pyélonéphrite ou glomérulonéphrite bactériennes, calculs rénaux, insuffisance rénale aiguë, antécédent de prééclampsie, etc.) ainsi que les antécédents familiaux de MRC sont des facteurs de risque de développer cette maladie.

Certains traitements néphrotoxiques (anti-inflammatoires non stéroïdiens ou AINS, aminosides, ciclosporine, dérivés du platine, méthotrexate, produits de contraste iodés, tacrolimus, vitamine C à fortes doses et en prise prolongée, par exemple) ou l’exposition à des polluants dans le cadre professionnel (plomb, mercure, cadmium) altèrent la fonction rénale.

Atteinte rénale aiguë

L’atteinte rénale aiguë (anciennement dénommée insuffisance rénale aiguë) est un dysfonctionnement rapide et transitoire des reins, survenant en quelques jours à quelques semaines. Elle est provoquée par une diminution de la perfusion rénale consécutive à une déshydratation, une hémorragie, la prise de médicaments (éventuellement interagissant entre eux) susceptibles d’altérer le DFG, une glomérulonéphrite aiguë, ou encore une néphropathie obstructive (lithiase, adénome de la prostate). Elle se manifeste par des nausées, des vomissements et une anorexie liée à l’hyperuricémie, et éventuellement par une confusion (voire un coma urémique). Elle nécessite la correction ou le traitement de l’étiologie et des troubles métaboliques induits, et éventuellement une dialyse. Un épisode aigu est un facteur prédisposant et aggravant de la MRC.

3. Comment la MRC est-elle dépistée et diagnostiquée ?

Chez les patients présentant un ou plusieurs facteurs de risque, et en particulier chez les diabétiques et les hypertendus, un dépistage annuel doit être proposé. Il repose sur l’estimation du DFG par la formule CKD-EPI à partir de la créatininémie et sur le rapport albuminurie/créatininurie (RAC) dosé sur un échantillon d’urine.

En cas d’anomalies (DFG inférieur à 60 ml/min/1,73 m² et/ou RAC supérieur à 30 mg/g), l’exploration est étayée par un examen d’urine pour rechercher une hématurie et/ou une leucocyturie, un ionogramme sanguin et éventuellement une échographie rénale.

Le diagnostic est établi biologiquement par l’affirmation du caractère chronique lorsque l’un des signes d’atteinte rénale (diminution du DFG ou présence d’au moins un marqueur d’atteinte rénale) persiste pendant plus de 3 mois. En fonction de la valeur du DFG, on distingue 5 stades de MRC.

La recherche de l’étiologie de la maladie rénale est indispensable pour mettre en œuvre une thérapeutique adaptée. L’interrogatoire du patient vise en particulier à rechercher des antécédents familiaux, une exposition à des toxiques professionnels, une origine iatrogène.

L’examen clinique permet de rechercher une cause et aussi d’apprécier les conséquences de l’atteinte rénale : recherche d’obstacle urologique, de signes cliniques extrarénaux de maladie systémique, d’œdèmes, etc.

Des examens complémentaires (échographie rénale et/ou vésicale, écho-doppler des artères rénales permettant de rechercher une sténose, recherche d’autoanticorps) sont également pratiqués.

4. Quelles sont les complications ?

L’altération de la fonction rénale a des conséquences sur les fonctions d’élimination des reins, mais aussi sur ses fonctions endocrines, ce qui est à l’origine de plusieurs types de complications.

Troubles hydroélectrolytiques et métaboliques

L’altération de l’excrétion rénale perturbe l’équilibre hydroélectrolytique et provoque des troubles métaboliques : rétention hydrosodée, hyperkaliémie, hyperuricémie (responsable de crise de goutte, mais aussi de troubles digestifs, majorant une potentielle dénutrition), acidose métabolique (par défaut d’excrétion des ions H+ et défaut de réabsorption tubulaire proximal des ions bicarbonates HCO3), hyperphosphatémie.

Parallèlement, un défaut de synthèse de la 1-α-hydroxylase, une enzyme rénale synthétisée au niveau des cellules tubulaires proximales, explique une hypocalcémie et une déminéralisation osseuse.

Une enzyme rénale dans la régulation calcique

La 1-α-hydroxylase catalyse l’hydroxylation du calcidiol en calcitriol, forme active de la vitamine D qui stimule l’absorption intestinale du calcium et favorise la minéralisation osseuse.

La 1-α-hydroxylase est inhibée par la phosphatonine.

L’hypocalcémie provoque une hyperparathyroïdie secondaire avec augmentation de la sécrétion de parathormone qui stimule la résorption ostéoclastique contribuant à fragiliser les os. L’élévation de la phosphatémie, quant à elle, entraîne une augmentation de synthèse de phosphatonine par les os, qui contribue à inhiber davantage l’activité de la 1-α-hydroxylase.

Complications cardiovasculaires

La MRC, en entraînant une rétention hydrosodée, provoque une hypertension artérielle. Par ailleurs, l’hyperphosphatémie favorise la calcification des artères et participe à l’athérosclérose, contribuant à augmenter la pression artérielle et les risques d’accidents vasculaires cérébraux, d’infarctus du myocarde, d’artériopathie oblitérante de membres inférieurs.

La rétention hydrosodée peut se compliquer d’une hypertrophie ventriculaire gauche, d’une insuffisance cardiaque, voire d’un œdème aigu du poumon.

L’hyperkaliémie favorise la survenue de troubles du rythme cardiaque.

Complications hématologiques

La diminution de synthèse d’érythropoïétine par le cortex rénal est responsable d’une anémie secondaire normochrome normocytaire.

5. Quelle surveillance s’impose pour les patients atteints ?

La fonction rénale des patients atteints d’une MRC doit être régulièrement surveillée. À partir du stade 4, ils doivent tous bénéficier d’un suivi par un néphrologue en complément de celui assuré par le médecin généraliste. Un suivi par un néphrologue s’avère également indispensable à des stades inférieurs de MRC en fonction de la valeur du RAC (DFG inférieur à 30 ml/min/1,73 m2). Un avis néphrologique est en effet notamment requis quelle que soit la valeur du DFG, si le RAC est supérieur à 300 mg/g. C’est le cas également si le DFG diminue de plus de 5 ml/min/an.

La périodicité des surveillances du DFG est donnée en divisant le DFG par 10 (par exemple tous les 3 mois pour un DFG à 30 ml/min). La surveillance est renforcée en cas d’épisodes intercurrents susceptibles d’induire une déshydratation (canicule, diarrhées, vomissements par exemple).

Le bilan lipidique doit être contrôlé une fois par an et la glycémie a minima annuellement chez le non diabétique et à un rythme plus renforcé chez le patient diabétique.

À compter du stade 3B, l’hémogramme et la ferritine sérique, l’urémie et la parathormone sont contrôlés régulièrement à un rythme plus ou moins rapprochés en fonction du stade de la MRC et de sa progression, pour évaluer les conséquences biologiques de la défaillance rénale.

L’essentiel

  • Le plus souvent silencieuse jusqu’à un stade avancé, la MRC concerne plus de 1 Français sur 10.
  • L’altération de la fonction rénale est à l’origine de différentes complications hydroélectrolytiques, métaboliques et endocriniennes, ayant notamment des répercussions osseuses et cardiovasculaires.
  • Un dépistage précoce est primordial pour permettre une prise en charge adaptée et freiner efficacement l’évolution.

Avec l’aimable relecture du Pr Luc Frimat, service de néphrologie, ventre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy (Meurthe-et-Moselle)

Article issu du Cahier Formation du n°3577 du 27 septembre 2025

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