Léo, 5 ans, débute un traitement par mélatonine

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Publié le 1 juillet 2024
Par Florence Dijon-Leandro
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Léo est un petit garçon qui souffre d’un trouble du spectre autistique (TSA) pour lequel il est suivi par une équipe pluridisciplinaire comprenant un pédopsychiatre. Face à des troubles importants du sommeil, le spécialiste introduit un médicament dans la prise en charge de son jeune patient.

Ce que je dois savoir

Législation

La prescription de Slenyto se fait sur une ordonnance classique.

Face à une augmentation des prescriptions de Slenyto en dehors du périmètre de remboursement, l’Assurance maladie a récemment rappelé aux officinaux les indications remboursables des deux spécialités disponibles, Slenyto 1 mg LP et Slenyto 5 mg LP :

– celles de l’autorisation de mise sur le marché (AMM), soit le traitement de l’insomnie chez les enfants et les adolescents de 2 à 18 ans présentant un trouble du spectre autistique et/ou un syndrome de Smith-Magenis (voir Dico+ page ci-contre), lorsque les mesures d’hygiène du sommeil ont été insuffisantes ;

– celles de l’accès compassionnel, soit le traitement des enfants âgés de 2 à 18 ans présentant un trouble du rythme veille-sommeil associé à des troubles du développement et des maladies neurogénétiques comme le syndrome de Rett, le syndrome d’Angelman ou la sclérose tubéreuse (voir Dico+). Slenyto, comme toutes les spécialités à base de mélatonine, n’est pas admise au remboursement chez l’adulte, quelles que soient les indications. Dans le cas de Léo, 5 ans, l’ordonnance est recevable et le médicament est remboursé.

Contexte

C’est quoi ?

• Les troubles du spectre autistique (TSA) font partie des troubles du neurodéveloppement. Ils peuvent être associés à des troubles du sommeil, comme dans le cas de Léo. Cela se traduit notamment par des difficultés d’endormissement, des réveils nocturnes et des réveils précoces. Selon les études, entre 40 et 80 % des enfants souffrant d’un TSA sont concernés par ces troubles, contre 25 à 40 % des enfants à développement neurotypique. Les troubles du sommeil ont d’importantes répercussions sur la qualité de vie de l’enfant et de sa famille. Ces troubles pourraient s’expliquer, entre autres, par une plus faible production de mélatonine et une plus faible amplitude de l’excrétion de la mélatonine entre le jour et la nuit dues à des polymorphismes de gènes liés au sommeil associés au TSA.

Quelle prise en charge ?

• La correction des troubles du sommeil comprend, en première intention, des mesures d’hygiène et une prise en charge comportementale qui peuvent être difficiles à mettre en place chez les enfants présentant un TSA. Lorsqu’elles ne suffisent pas, ce qui est fréquent, un traitement médicamenteux est indiqué. Les hypnotiques, benzodiazépines ou apparentés, présentant de nombreux effets indésirables, peuvent être proposés dans le traitement des insomnies transitoires ou occasionnelles pour une durée limitée, mais leur utilisation dans l’insomnie chronique n’est pas recommandée. En fonction du contexte, des antidépresseurs sédatifs, des psychotropes et des antihistaminiques peuvent apporter un bénéfice de façon ponctuelle. La spécialité Slenyto est la seule à avoir reçu une AMM spécifique, en 2020, dans les troubles chroniques du sommeil chez les enfants atteints de TSA.

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Objectifs

L’objectif du traitement par la mélatonine est de corriger les troubles du sommeil de Léo afin d’améliorer sa qualité de vie et de limiter le fardeau pour l’entourage.

Repérer les difficultés

Slenyto n’existe que sous forme de comprimé dont l’utilisation peut être à l’origine de fausses routes chez les jeunes enfants ou ceux ayant des difficultés de déglutition. L’absence de dosage à 2 mg correspondant à la posologie initiale de mise sous traitement est également une contrainte.

Ce que je dis au patient

J’ouvre le dialogue

« Que vous a dit le médecin au sujet de ce nouveau traitement ? » sonde les connaissances des parents. « Qu’avez-vous déjà mis en place pour favoriser le sommeil de Léo ? » s’assure que les principales mesures d’hygiène du sommeil sont connues des parents et qu’elles seront poursuivies malgré la mise sous traitement.

J’explique le traitement

Mécanismes d’action

La mélatonine est une hormone normalement produite par une glande cérébrale, la glande pinéale. La mélatonine est impliquée dans l’alternance veille-sommeil et contribue à l’endormissement. De façon physiologique, le taux de mélatonine augmente après la tombée de la nuit et atteint sa valeur maximale au milieu de la nuit. En libérant lentement la mélatonine pendant quelques heures, Slenyto imite la production naturelle de mélatonine dans l’organisme.

Durée du traitement

Les études ont été réalisées sur une période allant jusqu’à 2 ans de traitement. Après au moins 3 mois de traitement, le médecin doit évaluer son effet et envisager l’arrêt s’il ne donne lieu à aucun effet pertinent. Tous les 6 mois, le traitement doit être réévalué.

Mode d’administration

• Les comprimés doivent être avalés entiers pour ne pas perdre leurs propriétés de libération prolongée. À son âge, Léo ne sait sans doute pas encore avaler les comprimés. Ces derniers peuvent donc être mis dans de la nourriture ou dans une boisson (yaourt, jus d’orange ou glace, par exemple) pour faciliter la déglutition et améliorer l’observance.

• Les deux comprimés prescrits sont à prendre le soir, 30 minutes à une heure avant le coucher, pendant ou après le repas.

• En cas d’oubli, la dose peut être prise juste avant le coucher le soir même. Passé ce délai, les comprimés oubliés ne sont plus administrés.

Effets indésirables

• Les effets indésirables fréquents (entre 1 et 10 %) sont des sautes d’humeur, de l’agressivité, une irritabilité, de la somnolence, des céphalées, un endormissement soudain, une sinusite, de la fatigue, une obnubilation.

Vigilance

Des cas d’intoxication à la mélatonine chez des enfants ont été rapportés aux États-Unis, certains ayant abouti à une hospitalisation. La quasi-totalité des cas était liée à une prise accidentelle. En France, des cas ont également été observés, tout âge confondu. Les symptômes sont principalement neurologiques (somnolence, convulsions, syncope), digestifs (vomissements, pancréatite aiguë), dermatologiques (rash). Recommander donc de placer le médicament hors de portée des enfants.

J’accompagne

Surveillance

Les parents de Léo doivent surveiller l’efficacité du traitement d’une part, et sa bonne tolérance d’autre part, afin de pouvoir informer le médecin lors de la prochaine consultation prévue dans un mois.

Hygiène de vie

Les mesures d’hygiène du sommeil doivent être rappelées et restent nécessaires : chambre calme et fraîche (entre 18 et 20 °C), horaires réguliers de lever et de coucher, éviter les écrans et les sodas en fin de journée, créer un rituel du coucher, lire une histoire, écouter une musique, etc.

Prescription

Dr L., pédopsychiatre

Léo, 5 ans, 110 cm, 18 kg

Le 3 juillet 2024

• Slenyto 1 mg LP (mélatonine)

2 comprimés par jour pendant 1 mois.

Info +

→ La mélatonine a récemment été inscrite à la Pharmacopée sans modifier ses conditions de prise en charge. Ainsi, les préparations magistrales à base de mélatonine ne sont pas remboursées, même si le médecin inscrit la mention « préparation magistrale remboursée en l’absence de spécialités équivalentes disponibles » et qu’il s’agit d’un enfant.

Les prescriptions hors AMM

L’Assurance maladie a constaté, en 2023, une recrudescence des prescriptions de Slenyto en dehors des indications de l’AMM :

– 17 % des assurés avaient 19 ans et plus ;

– parmi les enfants auxquels la spécialité était prescrite, seuls 20 % avaient une affection de longue durée (ALD) correspondant aux indications de prise en charge.

La prescription et la dispensation hors AMM de Slenyto sont possibles chez l’enfant et l’adulte dans le respect des précautions d’emploi, si aucune alternative n’est disponible ou si ce traitement paraît indispensable. Pour autant, le traitement n’est pas pris en charge.

Dico +

→ Syndrome de Smith-Magenis : maladie génétique qui se manifeste par un déficit intellectuel, des troubles du comportement et des troubles du sommeil.

→ Syndrome de Rett : maladie d’origine génétique survenant chez les filles, définie par un trouble grave du développement du système nerveux central.

→ Syndrome d’Angelman : dû à une anomalie génétique, il se caractérise notamment par des déficits intellectuel et moteur, une épilepsie et des troubles du sommeil.

→ Sclérose tubéreuse : maladie neurocutanée rare caractérisée par des malformations pseudo-tumorales affectant le plus souvent la peau, le cerveau, les reins, les poumons, les yeux et le cœur, et associée à des troubles neuropsychiatriques.

Sources : Assurance maladie ; « Slenyto », Avis de la commission de la transparence du 26 juin 2019, Haute Autorité de santé ; Agence européenne du médicament.