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Patients âgés : trop de médicaments inappropriés ?
Les médicaments potentiellement inappropriés sont largement prescrits aux personnes âgées, selon une étude Epi-Phare. Que se cache-t-il derrière les chiffres ? Est-ce facile de déprescrire ? Entretien avec une gériatre.
Une étude d’Epi-Phare publiée en novembre 2022* se penche sur la consommation de médicaments par près de 275 000 résidents d’Ehpad et de 4,9 millions de patients à leur domicile. Tous sont âgés de 75 ans ou plus. Il en ressort qu’un résident en Ehpad sur 2 (54 %) et 29 % des patients vivant chez eux reçoivent au moins un médicament potentiellement inapproprié (MPI). Mais que traduisent réellement ces ratios relayés en l’état en mars sur le site de la revue 60 Millions de consommateurs ? Éléments de réponse avec Sylvie Bonin-Guillaume, professeure des universités et praticienne hospitalière en gériatrie à l’université d’Aix-Marseille, Assistance publique-hôpitaux de Marseille, présidente du conseil scientifique de la Société française de gériatrie et de gérontologie.
Pourquoi, comme le montre cette étude d’Epi-Phare, autant de médicaments potentiellement inappropriés sont utilisés chez les personnes âgées ?
Pr Sylvie Bonin-Guillaume : Cette étude de grande envergure du fait du nombre très important de données s’appuie sur les bases de l’Assurance maladie. Ce sont des données de pharmacoépidémiologie, qui ne tiennent pas compte de l’ensemble du dossier médical des patients mais seulement des actes et délivrances de traitement et de dispositifs médicaux. Les critères de Beers ou Stopp sont utilisés ici pour caractériser un MPI. Ce sont plus des critères d’alerte que des outils de mesure de la qualité de la prescription. Ils ne suffisent donc pas pour aborder la complexité de la situation du patient. De plus, l’étude se base sur ce qui a été prescrit et délivré par les pharmacies hospitalières et d’officine. Mais elle n’apporte pas d’information sur la réalité de la prise du traitement. Au domicile en tout cas, on ne sait pas vraiment ce qui se passe.
L’étude apporte surtout un éclairage sur la prescription médicale…
Une prescription médicale comprenant des MPI selon les listes de Beers ou Stopp peut être volontairement établie pour obtenir un effet thérapeutique. Elle est parfaitement volontaire du fait de la situation clinique du patient à un moment donné. Un antipsychotique prescrit pour un patient parkinsonien ne sera a priori pas approprié. Mais il peut arriver à un médecin de le prescrire dans sa recherche de la moins mauvaise solution thérapeutique pour le patient.
Pourquoi cette différence entre Ehpad et domicile s’agissant de la prescription de MPI ?
Les anticholinergiques et les psychotropes sont beaucoup plus prescrits en Ehpad du fait du profil des résidents. Ce phénomène est le même dans d’autres pays européens. A pathologie identique, la sévérité n’est pas la même pour les patients en Ehpad ou au domicile. La prise en charge ne sera donc pas la même. Les maladies neurodégénératives concernent de 70 à 80 % des résidents en Ehpad. A un moment donné, ceux-ci manifestent un trouble du comportement. Les prescriptions sont souvent liées à la sévérité de ces manifestations.
Qu’en est-il aujourd’hui de la pratique de la déprescription en gériatrie ?
Plutôt que de déprescription, je préfère parler de réévaluation régulière des ordonnances. Déprescrire pour déprescrire, cela n’a pas de sens. Cela peut conduire à des effets contreproductifs et délétères. On arrête un traitement lorsqu’il n’est plus utile de le poursuivre. Cela concerne tous les prescripteurs. Des personnes âgées prennent 6 ou 8 médicaments et il y a parfois des prescriptions auxquelles il ne faut pas toucher.
Comment procéder à ces réévaluations ?
En Ehpad, la réévaluation de la pertinence des prescriptions peut faire l’objet d’une sensibilisation par le médecin coordonnateur auprès des médecins traitants. Si le médecin coordonnateur ne peut pas intervenir lui-même sur la prescription de son confrère, il a parmi ses missions la diffusion des bonnes pratiques de prescription. Ainsi, il peut en diffusant ces bonnes pratiques limiter la prescription de certains traitements à haut risque. Une étude de ce type auprès d’Ehpad dans les Bouches-du-Rhône a permis une diminution de 30 % des prescriptions des antipsychotiques après sensibilisation répétée des médecins prescripteurs.
*Etude transversale sur une période de 3 mois en 2019 à partir des bases de données de l’Assurance maladie française. La population d’étude incluait 274 971 résidents en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et 4 893 721 résidents à domicile âgés de 75 ans ou plus.
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