« Il serait bénéfique que certaines e-cigarettes aient une AMM »

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Publié le 26 octobre 2013
Par Maïtena Teknetzian
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LE MONITEUR DES PHARMACIES : Que contiennent les e-cigarettes ?

Pr BERTRAND DAUTZENBERG : Les e-cigarettes contiennent des produits potentiellement nocifs pour la santé comme les solvants, le propylène-glycol, la glycérine. Certaines contiennent de la nicotine (les taux varient de 0 à 20 mg/ml), cette dernière provenant des mêmes fabricants que ceux des substituts nicotiniques. Mais, contrairement au tabac, les e-cigarettes ne libèrent pas de monoxyde de carbone (toxique sur le plan cardiovasculaire), ni de particules solides (facteurs de BPCO), ni de cancérogènes (à moins de faire chauffer la résistance sans liquide). L’e-cigarette n’est donc certes pas inoffensive à 100 %, mais il s’agit en tout état de cause d’un produit infiniment moins dangereux que la vraie cigarette, avec laquelle on inhale les milliers de produits de la combustion du tabac.

Peut-on devenir dépendant à l’e-cigarette ?

On ne connaît pas à ce jour la réponse à cette question, mais il semble que tout dépende de la façon dont on l’utilise. Si on vapote un petit peu toutes les cinq ou six minutes sur la journée, on arrive vraisemblablement à reproduire la cinétique des patchs de nicotine. A l’inverse, en vapotant rapidement cinq minutes toutes les deux heures, on reproduit probablement une cinétique de cigarette avec des pics de nicotine. En outre, en termes de dépendance, il faut aussi prendre en compte la gestuelle et le plaisir induits par l’impactage de la vapeur sur la gorge. Mais, ce qui est véritablement intéressant, c’est de constater que même si la dépendance au vapotage persiste, les fumeurs qui ont totalement abandonné le tabac pour l’e-cigarette diminuent leur dose de nicotine de mois en mois avec cette dernière.

Faut-il restreindre la vente aux officinaux ?

Je ne suis pas d’accord pour que la vente soit restreinte aux pharmaciens. Il ne faut pas interdire les autres lieux de vente, les autres modes de mise à disposition, mais, au contraire, faciliter l’accès de l’e-cigarette aux fumeurs. Il n’y a en effet pas de raison de rendre son accessibilité plus difficile que celle du tabac, alors que l’e-cigarette est moins nocive ! En revanche, il serait à mon sens bénéfique que certaines e-cigarettes aient une AMM, soient considérées comme un médicament, puissent revendiquer un effet bénéfique sur la santé et alors être vendues en officine. Pour le fumeur qui veut arrêter le tabac et souhaite bénéficier des conseils d’un professionnel de santé, qui se sent plus en confiance d’aller acheter ce type de produit en pharmacie, ce serait utile.

Justement, quelles garanties ont aujourd’hui les consommateurs d’e-cigarettes quant au produit qu’ils achètent ?

Actuellement, aucune. Il est nécessaire d’organiser les choses à ce niveau-là. Il est certain qu’il y a beaucoup à faire. Il faut organiser la sécurité avec une norme CE et la déclaration des points de vente. Mais on peut affirmer que la plus mauvaise des e-cigarettes est moins dangereuse que la « meilleure » des cigarettes !

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Quelle doit être la réponse d’un pharmacien interrogé sur l’e-cigarette ?

Pour moi, c’est clairement un produit intéressant qui peut aider à organiser la fin du tabagisme. Mais ce n’est pas un produit de santé. Quelle position prendre à l’officine ? C’est un sujet vraiment délicat. Un professionnel de santé ne peut en effet pas conseiller un produit non évalué. Cela relève de la responsabilité du fumeur de quitter le tabac pour l’e-cigarette. C’est pourquoi, une fois encore, ce serait plus confortable que certaines bénéficient d’une AMM et soient considérées comme un médicament, y compris pour les prescripteurs qui pourraient en prescrire sur une ordonnance à côté des patchs ou des autres médicaments de sevrage tabagique !