Comment manager efficacement la génération Z en officine ?

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Comment manager efficacement la génération Z en officine ?

Publié le 22 mai 2025
Par Audrey Fréel
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Arrivant massivement sur le marché du travail, la génération Z a des aspirations sensiblement différentes de celles de ses aînés. Elle revendique un certain bien-être et questionne l’organisation de l’officine ainsi que son management. Si elle pose plusieurs défis aux titulaires, elle peut aussi créer des opportunités pour la pharmacie.

Nés entre la fin des années 1990 et le début des années 2010, les jeunes de la génération Z (ou Gen Z) bousculent les pratiques managériales. « La génération Z arrive à un moment particulier de l’histoire. Elle est née avec le digital, ce qui crée une véritable rupture. Leur imaginaire s’est construit dans la culture de l’immédiateté. La notion de carrière n’existe plus car elle ne se projette pas dans le temps long, elle vit l’instant présent », décrypte Élisabeth Soulié, anthropologue, essayiste et auteure du livre La Génération Z aux rayons X paru en 2020 aux Éditions du Cerf. Ils sont, de fait, très volatils et n’hésitent pas à changer d’employeur. « Ils ne restent en général pas très longtemps au sein de la même officine. Il faut que les titulaires en aient conscience et qu’ils l’anticipent, afin qu’ils ne se retrouvent pas en sous-effectif », indique Patrick Sedillo, pharmacien, directeur général de Sedillo Conseil et responsable du diplôme universitaire Pharmacien-Orthésiste à la faculté de Caen.

Moins de contraintes, plus de tension ?

Ayant un rapport au travail différent de leurs aînés, la génération Z plébiscite un meilleur équilibre entre vie personnelle et professionnelle. Ce qui peut créer des tensions. « Plus il y a un écart générationnel entre le dirigeant et le jeune, plus cela risque d’être compliqué car le rapport à l’entreprise est très différent », observe Thibault Winka, directeur général chez Team Officine, une plateforme de recrutement en pharmacie. Un avis partagé par Julia Di Luca, fondatrice d’Ysop, une structure qui accompagne les pharmaciens pour améliorer leur management et la gestion de leur officine. « Le travail représente un moyen pour la génération Z et non une finalité. Son engagement peut donc être perçu comme insuffisant pour les pharmaciens plus âgés », indique-t-elle, avant de préciser : « Je ne suis pas certaine qu’ils soient moins motivés que les générations précédentes, mais ils n’ont pas le même référentiel et n’ont pas forcément envie de tout sacrifier pour leur emploi. » Le monde officinal a des conditions souvent jugées trop contraignantes par les jeunes diplômés, notamment au niveau des horaires, du travail le week-end et des congés. « Certains titulaires se plaignent que les attentes des plus jeunes ne correspondent pas à la réalité du métier », pointe Thibault Winka.

De la souplesse ! 

Reste que les pharmacies font face à une pénurie de personnel depuis quelques années, ce qui impose une certaine souplesse. « C’est au manager de s’adapter aux attentes des nouvelles générations et non le contraire », estime Patrick Sedillo. Ce dernier explique que certains titulaires réfléchissent à mettre en place des semaines de quatre jours ou adaptent leur organisation pour finir plus tôt certains jours. « Il est possible, dans certains cas, de mettre en place une organisation plus flexible, à condition d’être capable de faire des grosses journées pour compenser. Certains titulaires peuvent aussi autoriser le télétravail pour la réalisation de tâches administratives, comme le suivi du tiers-payant », illustre Thibault Winka.

Créer du lien…

Mais les horaires ne font pas tout. En effet, la Gen Z accorde une grande importance au dialogue au sein de son entreprise. « C’est une génération qui a un grand besoin de feedback et de comprendre les choses. La communication est très importante », observe Julia Di Luca. Des propos corroborés par Élisabeth Soulié qui souligne que « si le jeune ne se sent pas écouté et entendu par son manager, cela conduira à une démotivation puis à un départ ». De fait, il est important d’adopter un management bienveillant et moins vertical qu’auparavant. « Le titulaire doit faire des retours réguliers et accorder une grande importance aux réunions et aux moments de convivialité. Tout ce qui crée du lien est apprécié des plus jeunes », informe Patrick Sedillo.

… sans perdre le sens

La Gen Z est aussi particulièrement attentive aux valeurs de l’entreprise et à son impact sur la société. « Cette génération a besoin de sens au travail, ce qui joue en faveur de l’officine, notamment avec l’arrivée des nouvelles missions. Depuis le Covid-19, nous observons d’ailleurs un regain d’intérêt de la part des étudiants pour la filière officine dans les facultés », relate Thibault Winka. Montrer l’intérêt du métier et les perspectives d’évolution contribue donc à motiver les jeunes recrues. « Il est important de les impliquer dans la vie de l’officine », ajoute Patrick Sedillo.

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Des opportunités pour l’officine

Si ces jeunes donnent parfois du fil à retordre aux titulaires, ils peuvent aussi créer des opportunités pour l’officine. « Ils sont très créatifs, ils apportent des idées originales, notamment sur les nouvelles missions. Ils savent également bien communiquer auprès des patients car on leur enseigne de plus en plus cette notion dans les facultés », détaille Patrick Sedillo. Il convient donc de ne pas sous-estimer leur potentiel au sein des officines. « Ils maîtrisent parfaitement les outils digitaux et peuvent aider à améliorer la communication digitale. Il est, par exemple, possible de leur confier l’animation des réseaux sociaux en plus de leurs tâches habituelles », observe Julia Di Luca. Élevés à l’économie collaborative, ces jeunes sont par ailleurs très attachés à la notion de coopération professionnelle. « La génération Z représente une opportunité pour les entreprises de créer les conditions d’un épanouissement personnel. Elle accorde une grande importance à la convivialité, au partage et à l’entraide », déclare Élisabeth Soulié. En chamboulant la vision traditionnelle du travail, la génération Z tend à remodeler le fonctionnement des organisations. Un changement de paradigme que les titulaires doivent prendre en compte pour assurer la pérennité de leur officine.

Les dirigeants peinent à comprendre les jeunes salariés

Moins investis, moins fidèles et moins respectueux de la hiérarchie, les dirigeants dressent un portrait peu glorieux de leurs jeunes salariés, dans une enquête publiée en juin 2024 par Ipsos, et menée pour le réseau d’écoles d’ingénieurs CESI. 7 dirigeants d’entreprise sur 10 déclarent qu’il est difficile d’identifier les aspirations professionnelles des jeunes de moins de 30 ans. Ils sont également près de la moitié à juger difficile de faire évoluer ces jeunes dans le monde de l’entreprise. Par ailleurs, la majorité des dirigeants indique avoir des difficultés pour recruter et fidéliser des jeunes salariés, particulièrement en matière de rémunération. Toutefois, 40 % pensent que la génération Z va améliorer l’organisation du travail, alors que 32 % estiment qu’elle va la dégrader.