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Téléexpertise : le pharmacien dans la peau du dermatologue
Inscrite au Code de la santé publique depuis fin 2010 (art. R. 6316-1), la téléexpertise permet à des soignants de solliciter à distance des professionnels médicaux pour une prise en charge particulière d’un patient. En officine, quatre initiatives en dermatologie ont vu le jour : les sociétés SkinMed et Pictaderm, créées respectivement en février 2022 et en février 2024, et les projets DermatoExpert, introduit par Pierre Fabre depuis mars 2024, ainsi que ScopiPharma, porté par le centre d’oncologie Léon Bérard et l’union régionale des professionnels de santé pharmaciens (URPS) Auvergne-Rhône-Alpes (Aura), depuis fin 2024. L’intérêt ? Traiter de « simples » dermatoses mais aussi détecter des lésions cancéreuses ou précancéreuses. Dans tous les cas, la prise en charge à l’officine est la même : l’équipe soumet un questionnaire au patient, renseigne éventuellement son parcours de soins et une description clinique, puis prend des clichés – soit par une application, soit avec du matériel plus pointu – des zones suspectes. Elle envoie le tout via une plateforme pour avis au médecin censé répondre dans un délai compris entre deux heures et trois jours.
Pionnier en officine
À ce process, SkinMed ajoute l’algorithme de la société Anapix élaboré par Bernard Fertil, physicien et ancien directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). « Cette intelligence artificielle analyse plus rapidement le cas du patient mais un avis est toujours demandé », souligne sa présidente Jennifer Gauthier. Après six questions au patient, l’équipe prend trois photos de la lésion (régionale, clinique, dermoscopique), indique son relief, son ancienneté, son évolution, et transmet ce dossier au médecin. Le dermoscope fourni au pharmacien est un des plus larges du marché et permet la prise en charge de lésions de toutes tailles, y compris les plus grosses. « Nous salarions un dermatologue une trentaine d’heures par mois et sollicitons une dizaine de libéraux », indique-t-elle. SkinMed loue sa solution aux officines (environ 200 €/mois) et rémunère le pharmacien 10 € l’avis. À ce jour, 280 pharmacies ont fait le choix de SkinMed. « En 2024, sur 2 844 téléexpertises, 36 % ont porté sur des lésions nécessitant une prise en charge et 27 % sur des lésions cancéreuses ou précancéreuses dont 279 lésions cancéreuses détectées » indique Jennifer Gauthier.
Appli tout-terrain et labo expert
Application smartphone, Pictaderm se destine au traitement de « simples » dermatoses. « Nous ne voulions pas mettre un dermoscope entre les mains du pharmacien puis, à la suite d’une suspicion de mélanome, le laisser seul avec le patient, sans solutions », explique son président John Djaffar. L’entreprise, présente dans 450 officines, est en partenariat avec les groupements Hello Pharmacie et Giropharm et collabore avec dix médecins généralistes – 16 généralistes diplômés en dermatologie et trois dermatologues – censés envoyer leurs réponses en deux heures. De février 2024 à mars 2025, elle a transmis 3 500 téléexpertises dont 10 % auraient débouché sur une ordonnance pour prélèvement et 10 % sur un renvoi vers un généraliste ou un dermatologue. Pictaderm facture 2 € la demande d’avis à l’officine.
S’appuyant sur des dermoscopes de Pierre Fabre et la plateforme de la SAS Rofim, le projet DermatoExpert a commencé, lui, en mars 2024. « Nous avons équipé 50 officines et traité près de 780 téléexpertises sur trois jours environ ; trois ont permis la détection de carcinomes en moins de 72 heures », indique Alexia Palli, chargée de la communication de Rofim, qui vise les 150 officines en 2025.
Dermatologue et titulaire main dans la main
Le projet ScopiPharma, développé par Kévin Phalippon (URPS pharmaciens Aura) et Julien Anriot (dermatologue au centre Léon Bérard), inclut 50 officines évoluant dans un cadre pluriprofessionnel (maison de santé pluriprofessionnelle, équipe de soins primaires, communauté professionnelle territoriale de santé) dans la Loire, le Rhône, l’Ain, l’Isère et la Savoie. Après formation par des vidéos et des questionnaires, puis un examen en 40 questions validé par Julien Anriot, l’officine reçoit de l’URPS 450 € pour acquérir un dermoscope et 15 € par demande d’avis. Chacune prendra en charge jusqu’à 30 patients, sur six à neuf mois. « J’ai constaté que la moitié de mes demandes d’avis via téléexpertise portaient sur une lésion probablement cancéreuse, 27 % nécessitaient une consultation sous deux mois et 27 % étaient bénignes », recense Kévin Phalippon. Le projet servira de base à une thèse à l’université de Lyon et ses résultats d’arguments en faveur du remboursement de la téléexpertise en pharmacie. À suivre !
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