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Intelligence artificielle : « Les premiers à se préoccuper du sujet capteront le plus de valeur »
Elle est encore très peu utilisée. Certains pharmaciens y ont recours pour de la lecture d’ordonnances, grâce à des solutions comme Posos ou Phealing. Quelques-uns utilisent ChatGPT pour rechercher des informations, mais à date, l’IA n’est pas entrée dans les mœurs, en pharmacie. En revanche, on voit fleurir depuis quelques mois des entreprises qui développent des outils alternatifs de gestion administrative, mais ils ne sont pas encore réellement utilisés.
Comment peut-on expliquer cette frilosité ?
Le frein ne vient pas du pharmacien, mais plutôt des sociétés qui travaillent avec lui, et notamment les éditeurs des logiciels de gestion officinal (LGO), en raison de toutes les questions de confidentialité des données.
Le pharmacien passe 98 % de son temps à gérer ses équipes et ses patients, si on lui donnait des outils lui permettant de gagner du temps, comme tout le monde, il les utiliserait !
En l’état, que pourrait apporter l’IA au pharmacien ?
Elle peut nous aider à de nombreux niveaux. Déjà, d’un point de vue commercial pour le pricing, le réassort, la gestion des promotions (trouver le bon niveau et l’endroit d’exposition), la vérification des accords commerciaux, etc. Ensuite, l’IA peut nous être utile sur la partie management et ressources humaines : la formation des titulaires et des équipes, la préparation des entretiens de recrutement, la rédaction d’annonces ou encore les emplois du temps. Un exemple qu’on va mettre en place dans nos réseaux : on peut enregistrer les entretiens annuels et transmettre sa retranscription à l’IA. Cette dernière nous en fournit une analyse, assortie de préconisations, pour nous orienter dans le management. Un véritable gain de temps !
Quelles solutions sont envisageables à l’avenir ?
Dans les années à venir, ce ne sera plus l’humain qui interviendra sur la lecture d’une ordonnance ou sur la délivrance. À présent, le pharmacien prend l’ordonnance et demande à l’IA de contrôler son travail. Je pense qu’à l’avenir, les choses s’inverseront, pour à terme, disposer d’une première IA qui sera contrôlée par une seconde IA, différente de la première, avec un taux d’échec tellement faible qu’il n’y aura plus besoin de contrôle humain. Si les autorités valident ce fonctionnement, il pourrait arriver d’ici deux ans.
Aux États-Unis, par exemple, les IA sont utilisées pour trier les bases de données, qualifier les patients, les démarcher, proposer des bilans de prévention. Ils sont assez en avance : les IA analysent déjà beaucoup de données.
La prévention est un sujet majeur, grâce auquel des économies devraient pouvoir être générées, sûrement en y associant les mutuelles. On pourra mettre en place des process automatisés sur des typologies de patients avec certaines typologies de traitements. Si les patients nous donnent accès à Mon espace santé, on pourra leur envoyer un email pour les encourager à prendre rendez-vous, par exemple.
Quel sera l’impact sur le métier du pharmacien ?
L’IA va changer le positionnement futur du pharmacien. Cependant, la relation avec le patient restera centrale : le contact humain reste un besoin fondamental. Une pharmacie sans humain, c’est impensable. En revanche, je pense qu’à terme, l’IA va remplacer du personnel. Chercher à prouver qu’on est meilleur que la machine sera peine perdue dans de nombreux métiers. Aujourd’hui, l’IA a largement dépassé l’hyperspécialiste, elle est imbattable.
Il faut voir le verre à moitié plein : la productivité va augmenter, les problèmes de personnel vont être derrière nous. En revanche, comme pour tous les secteurs, ceux qui seront les premiers à se préoccuper du sujet capteront le plus de valeur. Il faut chercher à se former dès maintenant. Et si un groupement n’a pas pris le sujet en main, il faut qu’il le fasse rapidement ! Les pharmaciens sont réceptifs quand ils constatent l’efficacité des solutions par la preuve.
Quels sont les enjeux réglementaires ?
De nombreuses questions se posent, notamment de savoir qui dispose des données, qui les stocke, les utilise et dans quel but ? Aux États-Unis, toute société américaine doit désormais fournir les données dont elle dispose aux services de renseignement, sur simple demande. La Chine et les États-Unis peuvent ainsi utiliser tout ce qui est hébergé chez eux. Qu’il s’agisse de données de santé ou même de données commerciales, ce qui peut entraîner des avantages concurrentiels énormes.
Il faut que l’Europe se positionne sur cet enjeu de sécurité des données et, dans le cas de la santé, il est impératif d’interdire aux sociétés de pouvoir exporter des données sensibles. Et imposer l’utilisation de serveurs sécurisés. Mais attention, ces questions ne concernent pas que l’IA : c’est déjà le cas avec les boîtes Gmail par exemple.
Dans le système français, le pharmacien reste titulaire de sa pharmacie et de son capital, on doit protéger cela pour ne pas tomber dans le schéma de la « Big Pharma », avec des entreprises tierces qui traitent des données dans le dos du pharmacien. Il faudra former les pharmaciens à la data et aux outils pour qu’ils soient responsables de ce qui est fait. Et qu’ils restent les garants de leur bon usage.
Bio express
2006 : Docteur en pharmacie à la faculté de Montpellier
2016 : Cofondation de Médiprix, groupement de plus de 240 pharmacies
2019 : Développement de solutions logicielles
2025 : Lancement d’une newsletter consacrée à l’IA en pharmacie
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