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Collectes et analyses de données : ces datas qui valent de l’or pour les pharmacies
En pleine évolution, le secteur de l’officine tend à se complexifier. Pour rester dans la course, les pharmacies doivent prendre le virage des nouvelles missions, tout en maintenant leur rentabilité. Dans ce contexte, les données représentent un levier stratégique pour aider à prendre des décisions et améliorer leurs marges. Mais encore faut-il savoir les exploiter. « La donnée unitaire n’a de sens que si elle est contextualisée. Si une officine ne peut pas se comparer à une autre ou à un univers géographique, cela n’a pas d’intérêt. La donnée ne vaut quelque chose que si elle est agrégée », déclare Pierre Felix, président de Stimdata, entreprise spécialisée dans le développement de solutions web et applications mobiles pour le secteur pharmaceutique.
Des analyses à grande échelle
Pour David Syr, directeur général de Gers Data, il est essentiel de sortir des standards d’analyse traditionnels, basés sur le chiffre d’affaires et la lecture de la performance par taux de TVA. « La dynamique qu’a connue le secteur ces dernières années a montré que la croissance du chiffre d’affaires n’était plus corrélée avec celle de la marge. L’analyse par taux de TVA est à présent obsolète, voire dangereuse. Piloter sa pharmacie sur ces indicateurs n’est plus une option pour maximiser son entreprise », estime-t-il. Selon lui, il est important d’analyser la performance des pharmacies par univers de produits et de chercher des leviers en se comparant à des officines similaires. Ce qui implique de collecter les données à grande échelle afin de les mettre en perspective et les consolider. Antoine Collet, directeur d’Iqvia Pharmastat, insiste d’ailleurs sur l’importance, pour les pharmaciens, de partager leurs données, afin de les comparer et les analyser plus globalement. « Cela permet d’établir des benchmarks sur leur zone de chalandise mais également à un niveau national et de fournir de nombreuses recommandations. Il s’agit d’une aide à la décision précieuse pour le pharmacien », indique-t-il. Un avis partagé par Caroline Lapointe, directrice marketing, digital et communication de Pharmacie Lafayette. « Cela aide à prendre des décisions intelligentes concernant l’exploitation de l’officine », explique-t-elle. Le réseau Lafayette agrège un certain nombre de données des pharmacies adhérentes, avec l’autorisation des titulaires, comme le chiffre d’affaires, les informations sur le stock ou encore celles liées à la carte de fidélité. « Ces données sont ensuite retravaillées dans un outil de pilotage qui fournit des statistiques au titulaire sur sa performance et la compare à l’ensemble du réseau », informe Caroline Lapointe.
Intelligence artificielle, politique intelligente
L’analyse des données de ventes permet notamment de prévoir la demande des produits, ce qui aide à mieux gérer les stocks. « Cela offre aussi la possibilité d’anticiper les ruptures en détectant des signaux faibles sur certains produits et ainsi, de les commander en amont », note Nicolas Buglio, cofondateur et directeur général d’Offisanté. Le décryptage des données aide également le pharmacien à mieux suivre les ventes et les marges bénéficiaires des produits, à identifier ceux qui sont les plus rentables et à ajuster ses stratégies tarifaires en conséquence. « Il est possible de déterminer sur quels produits il est indispensable d’être bien positionné et ceux sur lesquels il peut se permettre d’avoir plus de flexibilité », précise Caroline Lapointe. Offisanté a d’ailleurs lancé l’an dernier le module Offiprix, un outil basé sur l’intelligence artificielle qui vise à établir une politique de prix intelligente. « Les pharmaciens simulent des taux de marge dans le logiciel qui va leur proposer d’augmenter certains produits et d’en réduire d’autres, en fonction des habitudes de consommations des patients mais aussi des prix affichés par les pharmacies alentour », détaille Nicolas Buglio. Le module repère également les produits vendus à perte et met à jour directement tous les prix dans les logiciels de gestion officinaux (LGO).
Quid de la sécurisation des données ?
Comptant parmi les plus gros collecteurs et producteurs d’informations de santé, les pharmaciens doivent manier les datas avec précaution. Celles-ci sont en effet soumises au règlement général sur la protection des données (RGPD). Dès le stade de leur collecte, les personnes concernées doivent être tenues au courant des modalités de traitement et de la manière d’exercer leurs droits. « Nous traitons les données transmises par les pharmacies sur la base d’un contrat avec chacune d’entre elles dans le plus strict respect de la réglementation RGPD en vigueur », assure Antoine Collet. Pour rappel, Iqvia collecte les données de 60 % des pharmacies en France. « Celles issues des logiciels métiers que nous traitons sont pseudonymisées par deux tiers de confiance. Toutes les analyses fournies sont ainsi anonymisées. Il n’est donc plus possible d’identifier le patient ou la pharmacie », précise le directeur d’Iqvia Pharmastat.
Trait d’union entre groupements et laboratoires
En dehors des stocks et des prix, l’analyse des données peut fournir de multiples indications à l’officine, comme le retour sur investissement d’une formation payée à un collaborateur, le suivi des génériques et des droits de substitution, etc. Elle aide aussi à améliorer la prise en charge des patients ou encore l’expérience client en officine. « Il est important d’adapter l’analyse de la data aux attentes du pharmacien car tous les titulaires ne recherchent pas la même chose. Certains veulent développer leur chiffre d’affaires, d’autres la marge, etc. », constate Bruno Blanchard, directeur du groupement coopératif Unipharm Loire-Océan, qui regroupe 159 pharmacies. Membre de la fédération Apsara, le groupement utilise la solution Offisanté pour exploiter les données de ses adhérents. Pour les groupements, la data présente également plusieurs atouts. Elle apporte des informations sur les différents segments de marchés, ce qui aide à définir une stratégie de référencement et à mieux préparer les négociations avec les fournisseurs. « Cela nous offre la possibilité de repérer nos forces et les points d’amélioration, et de hiérarchiser nos actions en définissant celles qui sont prioritaires », indique Bruno Blanchard. À terme, cela pourrait aussi aboutir à des relations assouplies avec les fournisseurs, avec davantage de partenariats, puisque la donnée objective les négociations. « Nous entrons dans une ère de resynchronisation des relations commerciales. La donnée va rendre effectif le partenariat entre les groupements et les laboratoires », confirme David Syr.
Accélérer le mouvement
En matière de data, les experts interrogés s’accordent à dire que le secteur officinal a parcouru un grand chemin ces dernières années. « Il y a eu un avant et un après Covid-19. L’analyse de la data est devenue quasiment incontournable pour améliorer l’efficacité et la rentabilité des officines. Nous sommes au début de cette révolution », déclare David Syr. Mais toutes les officines n’évoluent pas à la même vitesse. « Le marché n’est pas encore au niveau de la grande distribution, qui est bien plus avancée dans ce domaine », observe Caroline Lapointe. Pour accélérer le mouvement, plusieurs freins doivent encore être levés. La directrice marketing, digital et communication de Pharmacie Lafayette regrette notamment que les datas ne soient pas suffisamment structurées dans les LGO. « À titre d’exemple, les promotions ne sont pas toujours bien remontées dans les flux. Il y a encore un gros travail de structuration de la donnée à mener afin qu’elle soit plus facilement exploitable », estime-t-elle. De son côté, Pierre Felix pointe un manque de structuration des laboratoires pour fournir de la donnée catégorielle. « Actuellement, je ne vois que trop peu de laboratoires qui ont un discours catégoriel avec le pharmacien. Pourtant, en théorie, ils seraient en mesure de restituer des données par typologie de pharmacie. Par exemple, le nombre de produits solaires vendus auprès des pharmacies de bord de mer, ou de celles en centre territoire », détaille-t-il.
Temps réel, temps libéré
D’ici quelques années, l’utilisation des données en officine pourrait aboutir à la mise en place de stratégies beaucoup plus poussées en matière de réapprovisionnement automatique, d’optimisation des linéaires, de gestion des stocks ou encore d’amélioration de la productivité de l’équipe. « La data pourrait aussi permettre d’améliorer l’expérience consommateur en officine, et se rapprocher ainsi des stratégies mises en place en grandes et moyennes surfaces. Il pourrait s’agir, par exemple, de traquer le temps d’attente en officine ou encore d’analyser des données sur l’observance des traitements », relate Antoine Collet. Certaines technologies, comme l’IA générative, exploitent les données en temps réel, ce qui est intéressant pour réaliser des recommandations de prix instantanées, par exemple. « L’objectif final est que la data libère du temps au titulaire et à son équipe », indique David Syr. Cela leur permettra, in fine, de se concentrer sur des tâches à forte valeur ajoutée, comme l’accompagnement des patients.
À portée de main
Rendre accessible la donnée pour les pharmaciens. Tel est l’objectif de JumO+, une application mobile lancée en septembre dernier par Cegedim (maison mère de Gers Data). « L’idée est de faciliter la lecture des données grâce à un outil simple, intuitif et à portée de main », souligne David Syr. L’application analyse et surveille de manière précise l’activité de la pharmacie, en la comparant à celle des officines similaires (ses « jumeaux »), sa zone de chalandise et au niveau national. Depuis son lancement, elle a été adoptée par plus de 600 pharmacies. Ce service est payant, et accessible sous forme d’un abonnement sans engagement.
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