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Droits de douane : les médicaments exemptés, pour l’instant
Face à Washington, Bruxelles obtient une trêve commerciale sur les produits de santé. Un répit bienvenu, mais qui entérine un déséquilibre profond.
La menace d’une surtaxation douanière des médicaments européens par les États-Unis est, pour l’heure, écartée. Conclu le 27 juillet à Édimbourg lors d’une rencontre entre Donald Trump et Ursula von der Leyen, le nouvel accord commercial transatlantique plafonne les droits de douane américains à 15 % pour l’ensemble des produits européens, tout en sanctuarisant certains secteurs jugés stratégiques. Parmi eux : l’aéronautique, les spiritueux et les produits pharmaceutiques.
« L’accord écarte les médicaments du champ des hausses douanières. C’est un soulagement pour l’industrie pharmaceutique française et pour la distribution officinale », a déclaré Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe. Mais derrière cette concession se dessine un rapport de force défavorable à l’Union. « Soyons lucides : l’état de fait n’est pas satisfaisant et ne peut pas être durable », avertit-il.
L’industrie pharmaceutique épargnée, mais vulnérable
Ce maintien du statu quo tarifaire n’est pas anodin. En 2023, les exportations européennes de produits pharmaceutiques vers les États-Unis ont représenté près de 118 milliards d’euros, dont 16,5 milliards pour la France, selon Eurostat. Les groupes tricolores comme Sanofi ou Servier dépendent structurellement du marché nord-américain. Une taxation à l’import aurait entraîné une déstabilisation brutale de la filière, de l’industriel jusqu’au point de dispensation officinal.
Mais cette exemption reste précaire. « L’exemption obtenue est bienvenue. Mais elle reflète un rapport de force asymétrique. Elle n’engage que ce que l’Amérique veut bien concéder, pour le moment », estime un analyste du commerce international basé à Bruxelles. À tout instant, le levier douanier peut redevenir un instrument de pression.
L’Europe paie pour une stabilité apparente
En contrepartie de cette trêve tarifaire, l’Union européenne s’est engagée à acquérir pour 750 milliards de dollars d’énergie américaine et à investir 600 milliards supplémentaires aux États-Unis. Ni réciprocité commerciale ni symétrie stratégique. L’Union accepte de financer une part croissante de la souveraineté énergétique américaine, sans obtenir de garanties pérennes sur ses intérêts industriels.
Paris se félicite du maintien des protections agricoles et du respect des normes européennes en matière numérique et sanitaire. Mais l’équation reste déséquilibrée. « Les États-Unis font le choix de la coercition économique et du mépris complet des règles de l’OMC », dénonce Benjamin Haddad. L’accord, dans ses équilibres structurels, traduit davantage un rapport de domination qu’un compromis multilatéral.
Une souveraineté pharmaceutique encore théorique
À rebours des apparences, l’exemption des médicaments n’est pas une victoire industrielle. C’est un sursis tactique. Aucune clause de stabilité n’est inscrite dans le texte. La santé, même provisoirement sanctuarisée, reste exposée. Si l’administration Trump décidait de modifier unilatéralement sa doctrine douanière, aucune instance ne pourrait l’en empêcher.
D’où l’alerte lancée par Paris : l’Europe doit cesser d’être en position défensive. « Si les Européens ne se réveillent pas, les difficultés des autres paraîtront toutes relatives face à notre décrochage », prévient Benjamin Haddad. La formule n’est pas diplomatique. Elle dit l’essentiel : sans stratégie industrielle autonome, même les filières les plus sensibles sont vulnérables.
Quel horizon pour la chaîne du médicament ?
Dans ce contexte instable, les industriels s’interrogent. Faut-il relocaliser davantage ? Diversifier les débouchés ? Réinternaliser certaines étapes critiques de production ? En parallèle, les acteurs de la distribution, dont les groupements officinaux, redoutent des répercussions indirectes : hausses de prix, tensions d’approvisionnement, effets inflationnistes sur les spécialités importées.
La souveraineté pharmaceutique européenne, souvent invoquée depuis la crise du Covid, reste encore largement théorique. L’accord Trump-von der Leyen le confirme. Pour les médicaments comme pour les autres produits stratégiques, l’Europe n’obtiendra de garanties durables qu’à condition de redevenir un acteur autonome. Commercialement, industriellement et politiquement.
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