Anomalies et rejets de tiers payant : et pourquoi pas un gestionnaire externe ?

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Anomalies et rejets de tiers payant : et pourquoi pas un gestionnaire externe ?

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Publié le 20 avril 2025
Par André-Arnaud Alpha
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Si la plupart des officines traitent leurs anomalies et rejets de tiers payant en interne, d’autres s’en remettent à des intervenants spécialisés, société ou entrepreneur. Zoom sur une prestation de services en voie de professionnalisation.

« Désormais, notre officine réalise 25 % de son chiffre d’affaires sur les médicaments chers. Si leur paiement est refusé de façon incompréhensible, nous ne pourrons plus les gérer. Les pouvoirs publics nous demandent de récupérer les sorties hospitalières, de mener les accompagnements, les missions de santé… mais les paiements doivent suivre ! », alerte une titulaire parisienne qui a eu la surprise de recevoir, fin janvier, un rejet de l’Assurance maladie pour toute une journée de dispensations qui incluait des traitements contre la mucoviscidose à près de 14 000 €. « Sur ces dispensations, nous n’avons presque pas de marge mais immobilisons de la trésorerie. Je ne peux pas risquer 13 900 € de rejets pour 90 € de marge », poursuit-elle.

À ces gros problèmes de paiements, s’ajoutent les autres cas courants où le tiers payant (TP) est obligatoirement pratiqué : pour les bénéficiaires de l’aide médicale d’État (AME), de la complémentaire santé solidaire (CSS), les femmes enceintes, les affections de longue durée, les accidents du travail et maladies professionnelles.

Tiers payant obligatoire mais paiements aléatoires !

« Pour les accidents du travail, des assurances privées mettent jusqu’à quatre mois à payer, au lieu des quatre ou cinq jours conventionnels. Pour l’AME, son bénéficiaire utilise une carte indiquant des droits souvent valables un an. Si, entre-temps, il perd ces droits mais qu’il présente cette carte, nous devons appliquer le TP. Résultat : nous délivrons… et l’Assurance maladie refuse de nous régler. Il n’y a tout simplement pas de garantie de paiement. Sur la CSS, les droits des patients sont inscrits aussi pour un an, sur leur carte Vitale ou attestation. Or, le téléservice Acquisition des DRoits intégrée (ADRi) ne permet pas de contrôler les droits à la complémentaire. S’ils ont expiré, seule la part obligatoire nous est payée. Il faut batailler pour obtenir la part complémentaire », dénonce Pierre-Olivier Variot, président de l’Union de syndicats de pharmaciens d’officine. Et pour ne rien arranger, les bases ADRi et Visiodroits – les outils de vérification en ligne des droits au régime obligatoire et au régime complémentaire – fourmilleraient d’erreurs. « Avec les complémentaires, les patients ont, comme pour l’AME, une carte indiquant des droits pour un an. En cas de changement, les mutuelles avaient l’obligation de nous payer la première fois. Après, elles nous informaient que le patient ne dépendait plus d’elles, charge à nous d’actualiser nos fichiers. Aujourd’hui, elles refusent même le premier paiement en arguant qu’il aurait fallu consulter Visiodroits », poursuit-il.

4 critères pour bien choisir son gestionnaire

  • La réputation et le bouche-à-oreille. Vous a-t-il été conseillé ? Sera-t-il discret ? Les comptes étant une information sensible, les officines rechignent à les ouvrir à un intervenant extérieur.
  • La pérennité et l’expérience de l’entreprise. La FNETP livre la liste de ses sociétés adhérentes.
  • En cas d’équipement informatique et d’interventions à distance, s’assurer de la sécurisation des échanges.
  • Sa disponibilité et sa pédagogie envers l’équipe afin de la former et de répondre à ses interrogations.

La Sécurité sociale enfante un nouveau métier

Face à ces difficultés génératrices d’anomalies et d’impayés, la gestion du TP nécessite un temps et une attention qui font souvent défaut aux officines. « Or, seule une sur quatre l’externaliserait. Pourtant, de la même façon que la comptabilité est externalisée, la gestion du tiers payant pourrait aussi l’être », suggère Laure Breton, directrice générale de Tiers Payant Assistance. Comptant près de 1 200 professionnels de santé dont 700 officines en clientèle, la société a été créée en 1998 près de Lyon par Jean-Michel David. « Il travaillait au début pour un ami titulaire à Dardilly, puis a étendu son activité de proche en proche et par bouche-à-oreille », poursuit Laure Breton. Actuellement, l’entreprise revendique 90 salariés et près de 4 millions de chiffre d’affaires (CA) en 2024. « Avant intervention, nous définissons un forfait mensuel calculé d’après le nombre moyen de feuilles de soins réalisées chaque mois par l’officine. Pour une structure qui génère 1,5 million de CA, avec 80 % de CA, on sera aux alentours de 2 000 feuilles de soins sous format électronique par mois. Le coût de nos interventions oscille entre 0,17 % et 0,20 % du CA tiers payant », explique-t-elle encore.

Prescripteur mal codifié, erreur sur la tarification, code acte ou nature de l’exonération… si la solution corrige toutes les anomalies, Laure Breton avertit sur la nécessité de sensibiliser l’équipe au comptoir sur la lecture des contrats des complémentaires, les scans des documents et l’utilisation des logiciels. Une attention en amont qui évitera un traitement en aval. « Une titulaire, installée depuis deux ans, nous a appelés en panique après s’être rendu compte qu’elle avait près de 100 000 € d’impayés. Elle s’était fiée, pour la gestion du TP, à un collaborateur qui soldait les factures rejetées dans le logiciel. Quand elle le consultait, elle ne voyait quasiment pas de montants impayés en TP », se souvient Laure Breton qui rappelle le délai de deux ans et un trimestre civil pour transmettre ses factures.

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Bon gestionnaire, bon pédagogue

À côté de la quinzaine de sociétés du secteur, nombre de particuliers proposent une gestion du TP, souvent en autoentrepreneur.  À l’instar de Maud qui a, elle aussi, été sollicitée en urgence. « Je m’attendais à un encours entre 30 000 et 50 000 € comme souvent dans les cas difficiles… mais là, l’encours était à 181 000 €. Mauvaise délégation en interne, éparpillement des tâches, fort turn-over, logiciel non maîtrisé : autant de failles qui ont provoqué tous ces désagréments. Former les équipes est impératif même si, il est vrai, enchaîner les dispensations en veillant à toutes les règles de TP est difficile. » En activité depuis une quinzaine d’années, elle a gardé des interlocuteurs qu’elle sollicite pour les dossiers encombrants. Et au-delà de sa propre efficacité de traitement, elle considère ses interventions réussies si le nombre d’anomalies va diminuant. Un bon gestionnaire de TP, c’est aussi un bon pédagogue.

Les sociétés du TP se fédèrent

« Si la gestion du tiers payant n’est pas effectuée de façon compétente, cela peut conduire à des situations dramatiques », prévient Laure Breton, directrice générale de Tiers Payant Assistance. Pour gagner en professionnalisation, des sociétés du secteur se sont regroupées au sein de la Fédération nationale des entreprises de tiers payant (FNETP). Créée en 2018 par un pionnier du secteur, Jean-Michel David, aujourd’hui dirigeant de Tiers Payant Assistance, cette Fédération affiche près de 12 sociétés gestionnaires. Elle se donne pour mission de représenter et défendre les droits des professionnels de l’externalisation de la gestion du tiers payant au profit des professionnels de santé, et ambitionne d’offrir une meilleure communication auprès des différents acteurs de la santé (Caisse nationale d’Assurance maladie, Agence nationale des systèmes d’information partagés de santé, régimes obligatoires et complémentaires, etc.).