LE CANCER COLORECTAL

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Publié le 14 mars 2015 | modifié le 6 juillet 2025
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ANALYSE D’ORDONNANCE

Monsieur A. rechute

RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE

Pour qui ?

M. Vincent A., 62 ans, en rechute d’un cancer colorectal.

Par quel médecin ?

Le médecin oncologue de l’hôpital qui le suit depuis 3 ans.

L’ordonnance est-elle conforme à la législation ?

Oui. Xeloda est un médicament à prescription hospitalière réservé aux spécialistes en cancérologie, oncologie médicale et hématologie.

QUEL EST LE CONTEXTE DE L’ORDONNANCE ?

Que savez-vous du patient ?

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Monsieur A. a subi il y a 3 ans une résection d’une tumeur du côlon suivie d’une chimiothérapie adjuvante. Non fumeur, dynamique, il a bien récupéré et vient régulièrement à la pharmacie renouveler un traitement par statine.

Quel était le motif de la consultation ?

Depuis quelque temps, M. A. se plaignait de douleurs au niveau de l’hypochondre droit et de fatigue. Il a réalisé un scanner qui a révélé des lésions métastatiques hépatiques.

Que lui a dit le médecin ?

• Le médecin a expliqué à M. A. qu’il était nécessaire d’entreprendre très vite une chimiothérapie pour ralentir la croissance des cellules cancéreuses et limiter leur dissémination. L’intérêt de retirer les métastases sera ensuite évalué.

• M. A. vous montre son plan personnalisé de soins qui mentionne le protocole Xeliri associant capécitabine (Xeloda) à l’irinotécan (Campto) administré en perfusion IV de 30 à 90 minutes, en hôpital de jour, toutes les 3 semaines.

Vérification de l’historique du patient

L’historique médicamenteux mentionne la prise régulière de pravastatine 20 mg.

LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?

Que comporte la prescription ?

• Xeloda (capécitabine) est un cytostatique antimétabolite précurseur du 5-fluorouracile qui interrompt la synthèse des acides nucléiques.

• Le lopéramide est un antidiarrhéique antisécrétoire intestinal ralentisseur du transit.

• La pyridoxine (Bécilan) ou vitamine B6 est indiquée dans le traitement des carences en vitamine B6.

• Le dexpanthénol (Bepanthen) est un agent réparateur et cicatrisant.

Est-elle conforme aux référentiels ?

• Oui. Le traitement de référence en cas de cancer colorectal métastatique repose sur la chimiothérapie. Le protocole Xeliri (capécitabine + irinotécan) fait partie des traitements de première ligne du cancer colorectal métastatique.

• Les autres médicaments sont prescrits pour prévenir la survenue d’effets indésirables fréquents, pouvant nécessiter une diminution ou un arrêt du traitement : diarrhée sévère, syndrome mains-pieds et mucite.

Certaines études ont montré que la prescription de vitamine B6 (pyridoxine) pouvait être utile en prévention et dans le traitement du syndrome mains-pieds. Sa prescription dans cette indication est courante, même si d’autres études seraient nécessaires pour valider cette action.

• Par ailleurs, la prescription de métoclopramide et de dexaméthasone vise à prendre en charge les nausées et vomissements liés à la chimiothérapie, considérée comme moyennement émétisante.

Y a-t-il des médicaments à marge thérapeutique étroite ?

Non.

Les posologies sont-elles cohérentes ?

• Xeloda : en association à une autre chimiothérapie, la dose initiale de Xeloda est de 800 à 1 000 mg/m2 deux fois par jour, soit pour ce patient 1 500 mg 2 fois par jour. Le rythme d’administration recommandé pour un cycle de 3 semaines est de 14 jours de traitement continu par Xeloda suivi d’une semaine d’arrêt. Un schéma d’administration 5 jours sur 7 peut également être prescrit, notamment associé à une radiothérapie.

• Lopéramide : la posologie mentionnée est supérieure aux 8 gélules maximal par jour recommandées dans le RCP du lopéramide. Le risque de diarrhée est lié à la fois à la capécitabine et à l’irinotécan qui est à l’origine de diarrhées sévères pouvant menacer le pronostic vital. Le traitement recommandé dans le RCP de Campto (irinotécan) consiste en de fortes doses de lopéramide (4 mg lors de la première prise puis 2 mg toutes les 2 heures), sans dépasser 48 heures de traitement à cette posologie (réponse 3).

• Les autres posologies ne posent pas de problème.

Y a-t-il des contre-indications pour ce patient ?

Non, M. A. ne présente pas d’insuffisance hépatique ou rénale sévère qui contre-indiquerait l’emploi de la capécitabine. Il ne souffre pas de maladie inflammatoire chronique de l’intestin ni d’occlusion intestinale contre-indiquant la prescription du lopéramide.

Y a-t-il des interactions ?

Non.

La prescription pose-t-elle un problème particulier ?

Il est indispensable de vérifier que M. A. a compris toutes les consignes pour gérer la survenue des effets indésirables.

Le traitement nécessite-t-il une surveillance particulière ?

Un examen clinique, une NFS et une évaluation des fonctions rénales et hépatiques sont effectués avant chaque cycle, toutes les 3 semaines. Un ECG est réalisé avant le début du traitement.

QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?

M. A. débute la chimiothérapie. Il est nécessaire de lui expliquer les modalités de prise des traitements.

Utilisation des médicaments

• Xeloda : l’administration doit se faire dans les 30 minutes qui suivent le repas. Une prise à jeun augmente l’absorption et la toxicité de la molécule.

• Lopéramide : à utiliser uniquement en cas de selles liquides, selon les modalités indiquées.

• Bécilan : la prise peut avoir lieu à tout moment de la journée.

• Bepanthen : la pommade, plus grasse que la crème, pallie mieux la sécheresse et les irritations cutanées.

• Bains de bouche : ils doivent être réalisés purs dès l’apparition de lésions. La solution a un goût salé mais le patient ne doit pas se rincer la bouche après.

Quand commencer le traitement ?

Le traitement par Xeloda sera débuté, selon les recommandations du médecin, le jour de la perfusion de Campto à l’hôpital. Bécilan peut être débuté ce même jour ainsi que les applications de Bépanthen. Les autres traitements seront débutés en cas de survenue d’effets indésirables.

Que faire en cas d’oubli ou de vomissements ?

• Xeloda : l’absorption étant rapide, en cas de vomissement après une prise il n’est pas recommandé de reprendre une dose. Un oubli de 1 à 2 heures peut généralement être rattrapé si l’écart avec la prise suivante est d’au moins 8 heures. Le patient doit signaler tout oubli à l’oncologue à la prochaine visite.

• Lopéramide et Bécilan : en cas de vomissement dans l’heure qui suit, la prise peut être répétée.

Le patient pourra-t-il juger de l’efficacité du traitement ?

Elle sera jugée par l’oncologue en fonction des résultats des examens : marqueurs sanguins et scanner thoracoabdominal réalisé après les 6 cycles de chimiothérapie. Le patient pourra constater une disparition de ses douleurs.

Quels sont les principaux effets indésirables ?

• Outre la toxicité hématologique commune à tous les cytotoxiques, la diarrhée, le syndrome mains-pieds, les douleurs abdominales et les mucites sont les toxicités dose-limitantes de la capécitabine. La molécule expose aussi à des troubles cardiaques (rares), oculaires (larmoiement, conjonctivites voire kératites…) et cutanés (prurit, sécheresse, réactions de photosensibilité). L’irinotécan peut être à l’origine de diarrhées sévères ainsi que de nausées et vomissements. Une alopécie est très fréquente.

• Fatigue, anorexie et douleurs articulaires sont par ailleurs fréquemment rapportés.

• Certains effets indésirables peuvent amener le médecin à diminuer la posologie du Xeloda.

Quels sont ceux gérables à l’officine ?

• En cas de diarrhée, boire suffisamment pour éviter toute déshydratation susceptible d’induire une insuffisance rénale fonctionnelle. Supprimer les fibres (fruits, légumes verts, légumineuses…) et les aliments accélérant le transit ou parfois mal tolérés (café, lait, fritures, viandes grasses…). Privilégier riz, pâtes, pommes de terre vapeur, compotes, carottes cuites.

• En cas de rougeurs et si la peau pèle au niveau des mains et des pieds, M. A. peut intensifier les applications de l’émollient. Toute exposition à la chaleur doit être évitée de même que tout traumatisme au niveau de la plante des pieds et des mains (gants, chaussettes ou chaussures trop serrées, longues marches…). Des bains d’eau fraîche peuvent soulager.

• En cas de lésions buccales, éviter les aliments irritants (épices, aliments acides ou durs, alcool, tabac) et maintenir une bonne hygiène buccale (brossage des dents avec une brosse à dents souple). Pratiquer des bains de bouche. La prescription de bicarbonate de sodium est très courante car les bains de bouche classiques renferment des anesthésiques locaux susceptibles de déstabiliser la flore microbienne buccale et de favoriser des mycoses en cas d’utilisation prolongée.

Quels signes nécessiteraient d’appeler le médecin ?

œdèmes et douleurs au niveau des mains et des pieds ou symptômes gênant les activités, aggravations des lésions buccales, diarrhée importante (plus de 4 selles par jour) ou persistant plus de 48 heures malgré la prise du traitement symptomatique, ou encore diarrhée fébrile ou associée à des vomissements nécessitent d’alerter rapidement le médecin. De même en cas de douleur thoracique et devant tout signe infectieux (toux, fièvre).

CONSEILS COMPLÉMENTAIRES

• En cas de fièvre, M. A. doit faire la prise de sang prescrite (NFS) et consulter rapidement son médecin traitant pour envisager une antibiothérapie.

• Nausées et vomissements sont surtout fréquents les jours suivant la perfusion de Campto. Recommander de fragmenter les repas, d’éviter les aliments gras, les plats odorants…

• La perte des cheveux est fréquente et débute en général le 2e cycle de la chimiothérapie. Elle est réversible à l’arrêt du traitement.

• M. A. doit éviter toute exposition solaire. Chapeaux, vêtements couvrants, crème solaire haute protection sont de rigueur.

• Eviter la prise de médicaments en automédication qui pourraient interférer avec les cytotoxiques.

PATHOLOGIE

Le cancer colorectal

Le cancer colorectal est une pathologie fréquente qui bénéficie en France d’un dépistage organisé. Parmi les facteurs de risque, certains sont modifiables.

1 QUELS SONT LES SIGNES CLINIQUES ?

• Le diagnostic doit être évoqué en présence :

– de rectorragies, même en cas de pathologie hémorroïdaire patente,

– d’une anémie ferriprive d’origine inexpliquée,

– de symptômes digestifs peu spécifiques mais récemment apparus ou modifiés (troubles du transit, douleurs abdominales, alternance de diarrhée et de constipation), notamment chez un sujet de plus de 40 ans,

– d’une masse abdominale palpable, d’une masse perçue au toucher rectal, d’un syndrome occlusif,

– d’un syndrome rectal (ténesmes, épreintes),

• Une coloscopie totale doit alors être demandée, même après un test de dépistage négatif.

2 FACTEURS DE RISQUE ET ÉTIOLOGIES

• La plupart des cancers colorectaux surviennent sur un polype adénomateux préexistant, dont l’exérèse empêche l’évolution maligne. Après 65 ans, un sujet sur trois est porteur d’un adénome.

• L’âge supérieur à 50 ans est le principal facteur de risque de cancer colorectal. Les anomalies génétiques, les maladies inflammatoires intestinales, un antécédent personnel ou familial d’adénome ou de cancer colorectal, la consommation excessive de viande rouge, de charcuterie ou de boissons alcoolisées, le tabagisme, l’obésité, l’acromégalie augmentent également le risque.

• A l’inverse, la consommation de fruits, légumes verts, légumineuses (fibres alimentaires) et de laitages joue un rôle protecteur. L’activité physique diminue le risque de cancer colique chez les personnes les plus actives. Mais cet effet n’est pas retrouvé pour le cancer du rectum.

3 LES GROUPES À RISQUE

Trois niveaux de risque de cancer colorectal dont dépendent les modalités de dépistage et de surveillance endoscopique ont été définis.

• Le niveau de risque moyen est défini comme le risque de la population dans son ensemble; ce groupe correspond en pratique aux sujets de 50 à 74 ans asymptomatiques et sans antécédents personnels ou familiaux de cancer colorectal.

• Le niveau de risque élevé (15 à 20 % des cas ; risque multiplié par 4 à 10) concerne les sujets :

– ayant des antécédents personnels d’adénome (1 sujet sur 3 après 65 ans) ou de cancer colorectal,

– ayant un apparenté du premier degré atteint d’un cancer colique avant 65 ans ou plusieurs apparentés atteints quel que soit l’âge de survenue,

– ayant des antécédents familiaux d’adénome colique de plus d’un centimètre,

– atteints de maladie inflammatoire chronique de l’intestin, rectocolite hémorragique (RCH) et maladie de Crohn, notamment en cas de pancolite d’évolution prolongée (> 20 ans),

– atteints d’acromégalie.

Pour ces populations, le dépistage endoscopique est recommandé selon un calendrier propre à chaque situation.

• Le niveau de risque très élevé concerne les sujets appartenant à une famille atteinte de cancers à transmission héréditaire : polypose adénomateuse familiale (PAF), cancers héréditaires sans polypose (syndrome de Lynch). 5 % des cancers colorectaux surviennent dans ce contexte. Une consultation d’oncogénétique doit être proposée à ces patients, ainsi qu’une surveillance endoscopique chez ceux qui sont porteurs d’une mutation génétique délétère.

4 COMMENT SE FAIT LE DIAGNOSTIC ?

• Le diagnostic repose sur la réalisation d’une endoscopie totale avec biopsie. Cet examen est demandé lorsque le tableau clinique fait suspecter un cancer colorectal, ou lorsque la recherche de sang occulte dans les selles est positive dans le cadre du dépistage organisé (voir encadré), ou encore dans le cadre de la surveillance endoscopique spécifique préconisée chez les sujets à risque élevé ou très élevé.

La coloscopie totale est effectuée sous anesthésie générale après préparation colique : régime sans résidu durant les 2jours précédant la coloscopie, purge la veille de l’examen.

Un cancer colorectal se présente le plus souvent comme une formation plus ou moins bourgeonnante, ulcérée, parfois hémorragique, rétrécissant la lumière colique. L’examen précise la localisation de la lésion, ainsi que son étendue. C’est l’analyse histologique qui confirme le diagnostic de malignité ; dans la majorité des cas, il s’agit d’un adénocarcinome. L’examen peut aussi révéler la présence de polypes dont l’ablation est parfois réalisée dans le même temps.

• En cas de contre-indication à l’exploration endoscopique du côlon, on peut recourir à une radiographie après opacification du tube digestif par lavement avec un produit de contraste ou à la coloscopie virtuelle par scanner (qui permet, en soumettant des images acquises par scanner à un traitement informatique, d’obtenir des images simulant celles de la coloscopie). La coloscopie virtuelle peut également être utilisée lorsque la coloscopie classique est restée incomplète ou est refusée par le patient.

• Le bilan comporte en outre l’évaluation de l’extension locorégionale de la tumeur et de son extension à distance, grâce au scanner thoracoabdominopelvien avec injection de produit de contraste. L’échographie abdominopelvienne, l’IRM hépatique ou rectale, l’échoendoscopie rectale, voire la tomographie par émissions de positons (TEP-scan) peuvent aussi être utilisés, et en fonction des symptômes, la scintigraphie osseuse ou le scanner cérébral.

• Au terme de ce bilan et avec les résultats de l’analyse anatomopathologique de la pièce opératoire, la tumeur est classée selon son stade TNM, où T correspond à la taille de la tumeur et à son extension aux structures environnantes (T1 à T4), N à l’envahissement ganglionnaire (N0 à N2) et M à la présence (M1) ou l’absence (M0) de métastases.

5 QUELLE EST L’EVOLUTION ?

Lors de son évolution, l’accroissement du diamètre de la tumeur peut être responsable d’une sténose colique, voire d’une occlusion. L’extension locorégionale avec envahissement des organes de voisinage induit des manifestations variables selon la localisation de la lésion. Les sites métastatiques sont essentiellement hépatiques et pulmonaires.

THÉRAPEUTIQUE

Comment traiter le cancer colorectal ?

La stratégie thérapeutique vise, selon les cas, à guérir le cancer, ou à en contenir l’évolution, tout en traitant les symptômes, pour assurer au patient la meilleure qualité de vie possible. Des soins de support sont souvent nécessaires pour pallier les conséquences de la maladie et les effets indésirables de ses traitements.

THÉRAPEUTIQUE

• La prise en charge du patient est assurée par des équipes spécialisées.

• Lors d’une réunion de concertation pluridisciplinaire, les différents spécialistes élaborent une stratégie thérapeutique qui est présentée au patient au cours d’une consultation d’annonce et fait l’objet d’un accord mutuel.

• L’ensemble de ces éléments est consigné dans le programme personnalisé de soins (PPS) remis au patient et adressé au médecin traitant.

Traitement du cancer

La stratégie thérapeutique est définie en fonction du stade de la tumeur. Le pronostic dépend de l’extension de la maladie au moment du diagnostic. Une fois le traitement décidé avec le patient, la prise en charge doit débuter dans un délai d’un mois.

Cancer du côlon

• En cas de cancer non métastatique, la chirurgie constitue le traitement de référence. Elle repose sur l’exérèse de la tumeur ainsi que de certains tissus environnants (vaisseaux sanguins, ganglions lymphatiques). Une stomie peut être nécessaire transitoirement (entre 3 et 6 mois) pour favoriser la cicatrisation du côlon. Un examen anatomopathologique est réalisé sur la pièce d’exérèse permettant de préciser le type histologique de la tumeur et son stade. En cas d’envahissement ganglionnaire, une chimiothérapie adjuvante est réalisée. En première ligne, il s’agit du protocole Folfox4, à base de fluorouracile (5FU), acide folinique et oxaliplatine. La chimiothérapie est prévue pour une durée de 6 mois.

• En cas de cancer métastatique, la stratégie thérapeutique est élaborée au cas par cas. La décision prend en compte le caractère symptomatique ou non de la tumeur primitive, et la résécabilité des métastases. La chirurgie n’est indiquée que si une exérèse complète est possible, souvent associée à une chimiothérapie. Si les métastases ne sont pas directement résécables, la plupart des patients se voient proposer une chimiothérapie palliative. Elle entraîne une diminution de la masse tumorale dans environ 50 % des cas et améliore la survie et la qualité de vie. Son efficacité est réévaluée tous les 2 à 3 mois. En cas de réponse, une chirurgie peut être rediscutée. Les chimiothérapies utilisées associent le 5FU ou sa forme orale (capécitabine), l’oxaliplatine (Eloxatine) et l’irinotécan (Campto), plus ou moins associés à des thérapeutiques ciblées antiangiogènes comme le bévacizumab (Avastin), ou anti-EGFR (Epidermal Growth Factor Receptor) comme le cetuximab (Erbitux) ou le panitumumab (Vectibix). En cas de non-réponse, l’administration d’une 2e ligne voire d’une 3e ligne ou plus (régorafénib, raltitrexed, aflibercept) est possible si l’état général du patient le permet. Les formes métastatiques compliquées d’occlusion, d’hémorragie ou de perforation sont prises en charge en urgence.

Cancer du rectum

• Dans ce cas se pose la question de la possibilité ou non de conservation du sphincter anal. En cas de résection du sphincter, une colostomie définitive est alors nécessaire.

• En cas de tumeur du tiers supérieur du rectum, la prise en charge est la même que celle des tumeurs coliques.

• En cas de tumeur des deux tiers inférieurs, la prise en charge est spécifique. Si le cancer est peu avancé (stade I), la résection chirurgicale est le traitement de référence ; aucun traitement complémentaire n’est nécessaire. En cas de stade II et III, la prise en charge repose sur une radiochimiothérapie ou une radiothérapie, suivies d’une chirurgie de résection. La chimiothérapie repose sur l’association 5FU-acide folinique ou sur la capécitabine. Pour les stades avancés dont la résécabilité est incertaine, une réévaluation par imagerie permettra, après la radio-chimiothérapie, de définir le type d’exérèse à envisager. En cas d’envahissement des ganglions, une chimiothérapie adjuvante peut être discutée.

• La prise en charge du cancer du rectum métastatique est la même que celle du cancer du côlon métastatique.

Traitement symptomatique et soins de support

• La recherche de manifestations douloureuses est systématique dès l’annonce du diagnostic et tout au long du suivi. Des approches non pharmacologiques (kinésithérapie notamment) peuvent aussi être utiles.

• Le traitement symptomatique vise également à pallier l’altération de l’état psychologique du patient, ainsi qu’à maintenir un état nutritionnel satisfaisant.

• La coordination des soins en ambulatoire est effectuée par le médecin traitant, en lien avec l’équipe spécialisée. D’autres structures de soins peuvent être impliquées : service de soins de suite et de réadaptation (SSR), hospitalisation à domicile (HAD), réseau de santé, consultation antidouleur, services ou unités mobiles de soins palliatifs.

• L’éducation thérapeutique du patient (autonomie, observance, prise en charge des effets indésirables, soin de la stomie, équilibre diététique…), à l’hôpital ou au sein de réseau, s’inscrit dans le parcours de soins.

TRAITEMENT

Actuellement, seuls la capécitabine (Xeloda) et le régorafénib (Stivarga) sont disponibles en ville.

Fluoropyrimidines

• Le fluorouracile ou 5FU est un antinéoplasique cytostatique de la classe des antimétabolites. Médicament hospitalier, il est administré par voie parentérale.

Effets indésirables : digestifs (stomatites, ulcérations et saignements digestifs, diarrhées, hyperbilirubinémie) et hématologiques (leucopénie, thrombopénie, anémie). La numération-formule sanguine doit être contrôlée régulièrement. Les autres effets indésirables sont un syndrome mains-pieds, les effets neurologiques (ataxies cérébelleuses, neuropathies, optiques), cardiaques (ischémies myocardiques, troubles du rythme) et les cutanés (éruptions, urticaires, photosensibilisation).

Le 5FU est une chimiothérapie faiblement émétisante.

• La capécitabine (Xeloda), disponible en ville, est une prodrogue du 5FU qui s’administre par voie orale. La posologie recommandée est de 800 à 1 250 mg/m2, 2 fois par jour (dans les 30 minutes suivant les repas) pendant 14 jours, suivis d’une période sans traitement de 7 jours pour une durée de 6 mois.

Effets indésirables : similaires à ceux du 5FU. L’hyperbilirubinémie et le syndrome mains-pieds sont plus fréquents. Au contraire, les neutropénies graves sont moins observées qu’avec le 5FU.

• Interactions : vaccin antiamarile (contre-indiqué). Les antivitamines K (augmentation du risque hémorragique) et la phénytoïne (risque de convulsions) sont déconseillées. La cimétidine et le métronidazole sont à éviter (augmentation des effets indésirables des fluoropyrimidines). Les médicaments susceptibles d’altérer la fonction rénale (AINS, IEC, sartans, aminosides…) exposent à une augmentation des effets indésirables de la capécitabine.

• Le fluorouracile et la capécitabine sont dégradées en métabolites inactifs par une enzyme, la dihydropyrimidine-déshydrogénase (DPD). Le déficit en DPD touche 3 à 5 % de la population générale et environ 0,01 % présente un déficit complet. Ce déficit est susceptible d’entraîner une augmentation de la toxicité du 5FU et de la capécitabine, avec notamment un risque accru de stomatites, neutropénies et diarrhées sévères. Ces molécules sont donc contre-indiquées en cas de déficit connu en DPD.

• L’acide folinique par voie veineuse est associé au 5FU pour augmenter son activité cytotoxique. Il favorise l’inhibition de la thymidilate-synthase (TS) par le 5FU en stabilisant le complexe 5FU-TS. Les effets indésirables de l’acide folinique sont rares : troubles gastro-intestinaux, réactions allergiques, insomnies et agitations à fortes doses. Il augmente certains effets toxiques du 5FU : troubles gastro-intestinaux, leucopénies et atteintes muqueuses.

Irinotécan (Campto)

L’irinotécan, disponible à l’hôpital, est administré en perfusion IV de 30 à 90 minutes.

Effets indésirables : neutropénie, nausées et vomissements, diarrhées, crampes abdominales, alopécie et asthénie. L’irinotécan est moyennement émétisant. La diarrhée est un effet indésirable important à surveiller. La diarrhée aiguë, d’origine cholinergique, survient pendant ou peu après l’administration du médicament, et peut être traitée et prévenue par l’administration d’atropine par voie SC. La diarrhée retardée, observée chez environ 50 % des patients (sévère dans 20 % des cas), se présente plus de 24 heures après l’administration (délai médian : 5 jours). Si la diarrhée n’est pas traitée correctement, elle peut menacer le pronostic vital. En cas de survenue, les patients doivent contacter rapidement leur médecin et débuter immédiatement un traitement adapté : prise abondante de boissons riches en électrolytes et lopéramide à fortes doses, une prise de 4 mg puis 2 mg toutes les 2 heures, pendant 48 heures au maximum. Une antibiothérapie prophylactique à large spectre (souvent une fluoroquinolone) peut être associée dans les cas de diarrhée concomitante d’une neutropénie sévère. Si les diarrhées persistent pendant plus de 48 heures malgré le lopéramide à forte dose, une hospitalisation est nécessaire.

Par ailleurs, une surveillance hématologique hebdomadaire est recommandée pendant le traitement, ainsi qu’un bilan hépatique avant chaque cycle.

Interactions : vaccin antiamaril et millepertuis (contre-indiqués). Les inhibiteurs puissants du CYP3A4 (vérapamil, macrolides, kétoconazole, cimétidine…) sont déconseillés. L’association à des inducteurs enzymatiques (carbamazépine, éfavirenz, rifampicine…) est à prendre en compte.

Oxaliplatine (Eloxatine)

L’oxaliplatine est un sel de platine disponible à l’hôpital administré par voie IV. Il a une activité cytotoxique synergique avec le 5FU.

Effets indésirables : les nausées et vomissements, l’ototoxicité, la néphrotoxicité et les atteintes hématologiques sont moins sévères qu’avec le cisplatine. L’oxaliplatine est moyennement émétisante. En plus des effets indésirables communs aux cytotoxiques, l’oxaliplatine possède des effets indésirables neurotoxiques à type de neuropathies périphériques, sensitives, exacerbées par le froid, qui atteignent environ 90 % des patients. Cette toxicité neurologique est cumulative et dose-limitante. Les symptômes ne régressent pas toujours complètement après la fin du traitement. Des paresthésies localisées sont susceptibles de persister plus de 3 ans après l’arrêt du traitement adjuvant. D’autres effets neurologiques sont également décrits : symptômes de striction laryngopharyngée avec difficultés à la déglutition et à la respiration, convulsions, agueusies, neuropathies optiques, cécités centrales, œdèmes papillaires.

L’oxaliplatine entraîne également des troubles électrolytiques (hypocalcémies, hypomagnésémies), des atteintes hépatiques et des pneumopathies interstitielles.

Interactions : médicaments néphrotoxiques et ototoxiques (aminosides, diurétiques de l’anse…) à prendre en compte.

Traitement antiangiogène

Le bévacizumab (Avastin) est un anticorps monoclonal dirigé contre le facteur de croissance endothélial vasculaire (VEGF). Il est administré en milieu hospitalier en perfusion IV.

Effets indésirables : fatigue, hypertension artérielle (dose dépendante), diarrhée et douleur abdominale. Les plus graves sont les perforations gastro-intestinales, les thromboembolies artérielles et les hémorragies. Avastin entraîne un retard de cicatrisation des plaies.

La surveillance de la pression artérielle est recommandée au cours du traitement.

Inhibiteurs de l’EGFR

Le cétuximab (Erbitux), anticorps chimérique homme-souris, et le panitumumab (Vectibix), anticorps monoclonal humain, sont des inhibiteurs du récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFR), surexprimé par les tumeurs colorectales dans 60 à 80 % des cas. Ils sont administrés à l’hôpital en perfusion IV. Certains patients (environ 40 % des cas) porteurs d’une mutation de l’oncogène RAS sont non répondeurs aux anti-EGFR. Leur administration est donc restreinte aux patients ayant une tumeur de statut RAS non muté.

Effets indésirables : atteintes cutanées à type de folliculite (éruption papulopustuleuse) et de paronychie (inflammation du pourtour unguéal) chez 90 % des patients, troubles cardiaques, pneumopathies interstitielles, troubles électrolytiques.

Autres traitements

• Le régorafénib (Stivarga), disponible en ville, est un inhibiteur de protéines-kinases ciblant l’oncogenèse, l’angiogenèse tumorale et le microenvironnement tumoral. Il est administré par voie orale. La posologie recommandée est de 160 mg une fois par jour au cours d’un repas léger, pendant 3 semaines suivies de une semaine sans traitement. Compte tenu d’une activité modeste au prix d’une toxicité importante, il ne doit être proposé qu’en cas de cancer colorectal métastatique chez les patients préalablement traités ou non éligibles aux traitements disponibles.

Effets indésirables : syndrome mains-pieds, troubles hépatiques, hémorragie, ischémie cardiaque, hypertension artérielle, perforations gastro-intestinales, syndrome d’encéphalopathie postérieure réversible et anomalies électrolytiques.

Interactions : inhibiteurs du CYP3A4 et jus de pamplemousse (augmentation des effets indésirables du régorafénib) ; inducteurs enzymatiques et millepertuis (diminution de l’efficacité du régorafénib).

• Le raltitrexed (Tomudex) est un analogue de l’acide folique, inhibiteur de la thymidilate-synthase (TS). Il est utilisable en 2e intention dans le cancer colorectal métastatique.

• L’aflibercept (Zaltrap), protéine de fusion recombinante antiangiogène, bloque l’activation des récepteurs du VEGF et du Placental Growth Factor (PlGF). Il permet une amélioration modeste de la médiane de survie globale et de la survie sans progression dans le cancer colorectal métastatique au prix d’une toxicité non négligeable. Sa place dans la stratégie thérapeutique reste à déterminer.

ACCOMPAGNER LE PATIENT

Alain, 75 ans, retraité :

« On m’a diagnostiqué un cancer du côlon en 2002. Cela a été un choc terrible. Je sentais que quelque chose n’allait pas car mes performances sportives étaient à la baisse. J’ai eu une ablation d’une partie du côlon et six mois de chimiothérapie. Et puis deux ans plus tard, on m’a décelé des métastases hépatiques : nouvelle chimiothérapie et intervention chirurgicale. Je garde un mauvais souvenir des effets indésirables du traitement autant que des rendez-vous et de l’attente à l’hôpital. Mais le pire a été de porter une poche plusieurs mois, un véritable calvaire ! Aujourd’hui je vais bien. On me considère comme guéri et même miraculé. J’ai eu sûrement de la chance mais je ne bois pas, je ne fume pas et j’ai un tempérament de battant. Je suis sûr que le sport et la musique m’ont aidé à m’en sortir. »

LA MALADIE VUE PAR LES PATIENTS

Impact psychologique

Le cancer colorectal touche à l’intimité et expose à la crainte d’une mutilation. Le port d’une stomie temporaire ou définitive a des répercussions importantes sur la qualité de vie et les rapports avec les autres. A long terme, les séquelles psychologiques sont plus importantes chez les patients stomisés (baisse de l’estime, dépression).

Impact physique et sexuel

• Les traitements et leurs effets indésirables impactent sur la vie, obligeant souvent à limiter ses activités. Ils peuvent conduire à un repli sur soi et un isolement.

• En cas de cancer du rectum notamment, l’intervention chirurgicale et la radiothérapie peuvent être à l’origine de troubles urinaires et sexuels qui détériorent la qualité de vie.

• Le port d’une stomie donne l’impression au patient de perdre le contrôle de son corps (émission de selles ou de gaz incontrôlée) associée à la peur que la poche se voie. Les relations sexuelles et la vie du couple sont affectées.

À DIRE AUX PATIENTS

A propos de la pathologie

• Le cancer colorectal est de bon pronostic lorsqu’il est diagnostiqué à un stade précoce (taux de guérison de l’ordre de 95 %). Aucun symptôme n’est alors présent, d’où l’importance de sensibiliser les patients au dépistage, en particulier ceux ayant des facteurs de risque.

• Après ablation chirurgicale : la reprise de l’alimentation est progressive et adaptée pour éviter une diarrhée ou parfois une constipation, mais, sauf cas particulier, aucun aliment n’est interdit. En cas de stomie, aucun aliment n’est contre-indiqué, sauf les premiers jours où une alimentation sans résidus est nécessaire. Par la suite, certains aliments sont plus ou moins bien tolérés : les aliments fibreux (ananas, asperge…), ceux générant des odeurs ou des gaz (champignons, choux, oignons, concombre…). Il faut veiller à suffisamment boire et à bien mâcher les aliments. La peau autour de la stomie se nettoie tous les jours à l’eau et au savon en veillant à sécher sans frotter. Ne pas appliquer de crème pouvant gêner l’adhérence du dispositif ni de produits irritants : alcool, antiseptiques, éosine… (voir « Cahier Formation » sur les stomies dans Le Moniteur n° 3015 du 18.1.2014).

• Activité physique : elle améliore la qualité de vie des patients cancéreux. Des études montrent que, débutée après le diagnostic du cancer colorectal, elle réduit le risque de récidive. Elle doit tenir compte de certaines contraintes : cathéter implanté (chimiothérapie) ou stomie contre-indiquent des sports à risque de traumatismes.

• La fatigue : très fréquente, elle nécessite d’adapter ses activités quotidiennes. Encourager le patient à en parler au médecin référent. Des programmes de réhabilitation physique peuvent être proposés.

• Encourager le patient si besoin à se rapprocher d’un groupe de soutien, d’un psychologue ou d’associations de patients.

A propos des traitements

Proposer au patient de lire avec lui le protocole personnalisé de soin remis par le médecin. Vérifier en particulier que le patient sait comment gérer les points suivants :

• Concernant les traitements disponibles en ville (Xeloda et Stivarga) : insister sur l’observance et le respect des modalités de prise (dans les 30 minutes après le repas pour Xeloda et pour Stivarga après un petit déjeuner à faible teneur en lipides). Pour Xeloda, l’absence d’amélioration de la diarrhée sous traitement symptomatique bien suivi (plus de 3 ou 4 selles par jour) impose de contacter en urgence le médecin. Rappeler de bien boire pour éviter tout risque de déshydration.

• Risque infectieux : durant le traitement, éviter le contact avec des personnes malades et les lieux très fréquentés. Contrôler sa température selon les indications du médecin et l’alerter (fièvre > 38,5 °C, signes infectieux, mais aussi brûlures urinaires, toux…).

• Mucites : veiller à une bonne hygiène buccodentaire. Un contrôle dentaire avant le début du traitement est recommandé. Proscrire tout produit renfermant de l’alcool. Les bains de bouche de bicarbonate de sodium s’utilisent purs. Ils se conservent 48 heures au maximum au réfrigérateur.

• Toxicité cutanée : commencer très tôt l’application de crèmes hydratantes sans attendre que la sécheresse cutanée s’installe. Eviter les expositions solaires, douches et bains chauds. Sous anti-EGFR, un traitement prophylactique par cyclines et l’application d’une crème à l’hydrocortisone limitent une folliculite très fréquente.

• Toxicité neurologique (oxaliplatine) : signaler fourmillements et engourdissements dans les extrémités ou parfois dans la gorge, difficultés à marcher ou à saisir un objet. Eviter les jours suivant la chimiothérapie toute exposition au froid qui majore les symptômes.

• Alopécie : la chute des cheveux et parfois des poils est toujours réversible à l’arrêt du traitement.

PRÉVENTION

Certaines mesures ont une efficacité démontrée sur la prévention du cancer colorectal : réduction de la consommation d’alcool, de viandes rouges et de charcuteries, arrêt du tabagisme, alimentation riche en fibres (céréales complètes, fruits, légumes, légumineuses) et produits laitiers, contrôle du poids, activité physique régulière.

DÉPISTAGE

• Dépistage organisé : gratuit, il concerne les personnes entre 50 et 74 ans, asymptomatiques et sans facteurs de risque particulier, tous les 2 ans. Pour les personnes à risque, la méthode de dépistage est la coloscopie à un rythme défini par le médecin en fonction du patient.

• Signes d’alerte : à tout moment, certains signes notamment d’apparition récente ou s’aggravant doivent alerter et conduire à une consultation médicale spécialisée : rectorragies souvent mises sur le compte d’hémorroïdes, constipation soudaine, diarrhées qui se prolongent ou alternance des deux, douleurs abdominales, fatigue, amaigrissement.

Délivreriez-vous ces ordonnances ?

ORDONNANCE 1 : NON, Il vaut mieux éviter la prise d’AINS. La capécitabine est susceptible d’induire des diarrhées et une déshydratation qui pourraient, associées à la prise d’AINS, favoriser la survenue d’une insuffisance rénale fonctionnelle. Ceci conduirait à une augmentation de la concentration plasmatique de capécitabine et de ses effets indésirables. La prise de paracétamol sera privilégiée, si le bilan hépatique de Mme X. est correct.

ORDONNANCE 2 : NON, Le patient doit alerter sans tarder son médecin qui lui arrêtera certainement le médicament. En effet, les symptômes de M. Y. correspondent à un syndrome mains-pieds déjà évolué. La poursuite du traitement risque d’aggraver les lésions. L’arrêt du traitement est donc recommandé jusqu’à disparition ou régression des symptômes à un stade moins sévère. Le traitement ne sera repris ensuite que sur indication du médecin, sans doute à posologie réduite.

MÉMO-DÉLIVRANCE

TRAITEMENT

Les médicaments sont-ils à prescription particulière ?

Xeloda et Stivarga sont à prescription hospitalière réservée aux spécialistes en oncologie et aux médecins compétents en cancérologie. Le renouvellement par un médecin de ville est interdit.

Le patient a-t-il compris les modalités de prise des traitements ?

• Il peut être utile de lire avec le patient le plan personnalisé de soin établi par l’équipe hospitalière.

• Expliquer la prise discontinue des traitements et si nécessaire proposer un calendrier de prise. Posologie classiquement recommandée : 2 semaines de traitement pour Xeloda et 3 semaines pour Stivarga suivies de 7 jours d’arrêt.

• Xelara doit être administré dans les 30 minutes suivant un repas et Stivarga de préférence après un petit déjeuner léger et pauvre en graisse.

Le patient tolère-t-il bien son traitement ?

• Certains effets indésirables graves peuvent nécessiter une diminution de posologie voire un arrêt temporaire du traitement. Le patient doit savoir les repérer et les signaler rapidement à son médecin.

• Le syndrome mains-pieds est prévenu en appliquant dès le début du traitement des crèmes émollientes, en évitant les atmosphères chaudes et les traumatismes cutanés…

• Les diarrhées, fréquentes, doivent être prises en charge par des traitements symptomatiques (lopéramide, hydratation…). Sous irinotécan, la posologie du lopéramide recommandée est de 4 mg (1re prise) puis 2 mg toutes les 2 heures pendant 48 h.

• Tout symptôme infectieux nécessite une consultation rapide.

• Les nausées et vomissements chimio-induits sont pris en charge par des traitements préventifs. Recommander de fragmenter les repas, d’éviter les plats odorants et gras…

Conseils complémentaires

• Les associations de patients et psychologues peuvent apporter un soutien utile aux patients et à leur entourage.

• Le maintien d’une activité physique adaptée permet d’améliorer la qualité de vie et de réduire le risque de récidive.

• Eviter toute automédication (AINS, cimétidine…) et utilisation de compléments alimentaires (millepertuis, acide folinique) pouvant interférer avec les traitements.

• En cas de stomie, rappeler les règles d’hygiène de la peau péristomale et alimentaires (limiter les aliments susceptibles de produire des gaz en choux tels haricots secs, oignons, etc.).

PRÉVENTION

Hygiène de vie

Réduire la consommation d’alcool, de viandes rouges et de charcuteries. Privilégier les aliments riches en fibres et les produits laitiers. Arrêter le tabac, contrôler son poids et maintenir une activité physique régulière.

Dépistage organisé

Le dépistage du cancer colorectal est proposé tous les 2 ans aux personnes de 50 à 74 ans asymptomatiques et à risque moyen.

LE CAS :

Monsieur A., 62 ans, a été opéré d’un cancer du côlon il y a 3 ans. Les examens pratiqués récemment ont révélé une récidive avec présence de métastases hépatiques. L’oncologue a décidé la mise en route d’une chimiothérapie. M. A. vous présente l’ordonnance suivante qui comporte Xeloda en association à des traitements symptomatiques.

Demande du patient

« Je ne comprends pas pourquoi le médecin m’a prescrit de la vitamine B6. Il n’a fait allusion à aucune carence vitaminique. »

Qu’en pensez-vous

L’antidiarrhéique peut-il être délivré à cette posologie ?

1) Non, il doit s’agir d’une erreur, vous décidez d’appeler le médecin.

2) Non, vous délivrez le lopéramide en recommandant au patient de ne pas dépasser 8 gélules par jour.

3) Oui, une telle posologie est justifiée dans ce cas.

SYNDROME MAINS-PIEDS OU ÉRYTHRO-DYSESTHÉSIE PALMO-PLANTAIRE

Effet indésirable lié à certains agents anticancéreux entraînant une fragilisation de la peau, notamment celle des mains et des pieds. Trois grades sont définis allant des simples démangeaisons, rougeur, inconfort (grade 1), jusqu’à un œdème douloureux ou gênant les activités quotidiennes (grade 2) voire à la présence d’ulcérations (grade 3).

MUCITE

Inflammation des muqueuses le plus souvent localisée au niveau de la bouche qui se manifeste par un érythème et des ulcérations douloureuses.

EN CHIFFRES

• En 2012, 42 152 nouveaux cas et 17 722 décès en France.

• 3e cancer en incidence après les cancers de la prostate et du sein.

• Age moyen au diagnostic : 69,5 ans chez l’homme, 72,8 ans chez la femme. Sex-ratio homme/ femme = 1,5.

• 56 % de survie globale à 5 ans et 94 % pour les cancers diagnostiqués au stade I.

• 80 % des cas sont des formes sporadiques, 15 % des formes familiales et 5 % liés à une prédisposition génétique.

TÉNESME

Sensation de tension douloureuse intra-rectale accompagnant l’envie d’allerà la selle.

EPREINTE

Sensation de faux besoin d’évacuation de matières fécales.

ACROMÉGALIE

Affection liée à un excès d’hormone de croissance et caractérisée par une hypertrophie des extrémités parfois associée à un gigantisme.

Physiopathologie du cancer colorectal

• Dans 60 à 80 % des cas, les cancers colorectaux proviennent de la transformation maligne d’une tumeur précancéreuse, le polype adénomateux ou adénome. En moyenne, seuls 2 à 3 % des adénomes dégénèrent, mais le risque de dégénérescence maligne augmente avec la taille du polype – le risque existe surtout pour les adénomes mesurant plus d’un centimètre – et la composante villeuse en anatomopathologie. Avant le stade de cancer proprement dit, il existe au sein des lésions des zones de dysplasie (anomalie de la différenciation des cellules). L’évolution se poursuit ensuite vers le carcinome in situ, puis vers les différents stades invasifs.

• Deux principales voies de cancérogenèse sont connues. L’une, l’instabilité chromosomique, se traduit par la perte de fragments chromosomiques ou de chromosomes entiers au niveau de la lésion. Ces tumeurs sont dites de phénotype LOH + (loss of heterozygoty) et concernent surtout les localisations coliques gauches. La seconde voie, l’instabilité génétique, fait intervenir des anomalies des enzymes de la réparation de l’ADN. Les tumeurs sont dites de phénotype MSI+ (micro-satellite instability) et prédominent au niveau du côlon droit.

Le dépistage organisé

• Le dépistage du cancer colorectal par recherche de sang occulte dans les selles est proposé tous les 2 ans aux sujets de 50 à 74 ans à risque moyen. En sont exclus les patients symptomatiques et les sujets à risque élevé ou très élevé – qui relèvent d’une coloscopie – ou ceux ayant réalisé une coloscopie depuis moins de 5 ans.

• Le test qualitatif au gaïac Hémoccult, dont la distribution a cessé fin 2014, est désormais remplacé par un test immunologique quantitatif (disponible à partir du printemps 2015). Celui-ci repose sur la détection de la présence d’hémoglobine dans les selles grâce à des anticorps monoclonaux ou polyclonaux. Il ne nécessite qu’un seul prélèvement de selles (l’Hémocult obligeait à 2 prélèvements de selles sur 3 jours). Un échantillon de selle est prélevé à l’aide d’un bâtonnet que l’on introduit ensuite dans un flacon contenant un liquide. Le test immunologique étant spécifique de l’hémoglobine humaine et ne pouvant être positif en présence d’hémoglobine animale d’origine alimentaire, aucun régime alimentaire préalable n’est nécessaire.

• En pratique, une invitation est envoyée par les structures départementales de gestion des dépistages aux personnes éligibles. Le patient consulte ensuite son médecin traitant qui évalue le niveau de risque et remet le test. Le patient effectue le test à domicile et l’envoie par la poste au laboratoire chargé de l’analyse. Le résultat est envoyé au patient, au médecin traitant et au centre de gestion, normalement dans la semaine qui suit. Si le test est négatif, le patient est invité à le renouveler 2 ans plus tard. Un résultat positif conduit à la réalisation d’une coloscopie. Si celle-ci est normale, le patient n’est plus éligible au dépistage durant les 5 ans qui suivent.

PANCOLITE

Inflammation de la totalité du côlon.

POLYPOSE ADÉNO-MATEUSE FAMILIALE (PAF)

Maladie autosomique dominante caractérisée par la présence de plus de cent adénomes au niveau du côlon ou du rectum.

SYNDROME DU CANCER COLORECTAL HÉRÉDITAIRE SANS POLYPOSE

Cancer colorectal héréditaire non précédé de polypose, potentiellement associé à d’autres localisations néoplasiques : endomètre, rein ovaire, intestin grêle, uretère.

CE QUI A CHANGÉ

APPARUS

Régorafénib (Stivarga) est disponible en ville depuis janvier 2015.

Aflibercept (Zaltrap) est disponible à l’hôpital depuis janvier 2014.

DISPARU

UFT (tégafur + uracile) n’est plus commercialisé depuis 2013.

VIGILANCE !!!

Certaines contre-indications des traitements de ville doivent être connues du pharmacien.

Pour la capécitabine (Xeloda) :

– leucopénie, neutropénie ou thrombocytopénie sévère,

– insuffisance hépatique sévère,

– insuffisance rénale sévère,

– grossesse et allaitement.

STRICTION LARYNGO-PHARYNGÉE

Resserrement du larynx et du pharynx.

AGUEUSIE

Absence totale ou partielle du goût.

ŒDÈME PAPILLAIRE

œdème de la papille, lieu de naissance du nerf otique, pouvant entraîner un obscurcissement de la vision voire une perte visuelle.

POINT DE VUE

Frédéric de Bels, responsable du département dépistage de l’Institut national du Cancer (INCa), interrogé par Alexandra Blanc

« Le pharmacien peut être un facilitateur pour engager chacun, à partir de 50 ans, à se poser la question des dépistages »

Quels sont les avantages du nouveau test de dépistage immunologique ?

Le test immunologique est un test quantitatif qui fournit une valeur d’hémoglobine dans les selles, contrairement au test Hémocult qui ne fournissait qu’une réponse qualitative. Ceci offrira la possibilité d’affiner l’interprétation du test en adaptant le seuil de positivité en fonction de facteurs (homme ou femme, âge…). Le test immunologique est plus reproductible, plus performant et plus sensible. Il permet notamment de détecter plus de lésions précancéreuses et cancéreuses à un stade précoce, offrant ainsi une meilleure chance de guérison aux patients. Enfin, le test, avec un prélèvement unique, est plus simple d’utilisation. Les pays qui ont opté pour ce test ont vu un surcroît de participation au dépistage de l’ordre de 15 %.

Comment le pharmacien peut-il inciter les patients à participer au dépistage organisé ?

Avec un taux de participation de 31 % au dépistage du cancer colorectal en France, il reste encore un travail de communication à faire. Le pharmacien peut être un facilitateur pour engager homme et femme, à partir de 50 ans, à se poser globalement la question des dépistages (cancer colorectal mais aussi sein et utérus). Il peut profiter de certaines occasions : résultats d’analyses médicales, symptômes évocateurs, arrêt du tabac, campagne de sensibilisation (Mars Bleu pour le cancer colorectal) … Il est aidé dans ce rôle d’information par des outils conçus pour les professionnels de santé par l’INCa et mis à disposition des pharmaciens par le Cespharm.

QUESTION DE PATIENTS

Faut-il adapter son alimentation au cours de la radiothérapie ? « Oui, une alimentation pauvre en fibres et en corps gras est recommandée pour limiter la diarrhée. Des antispasmodiques et/ou des antidiarrhéiques peuvent être prescrits. Les nausées et vomissements, fréquents, nécessitent d’adapter son alimentation (fractionner les repas, aliments peu odorants …). Une inflammation de la vessie (cystite radique) est fréquente. il faut boire suffisamment pour limiter les symptômes. »

QUESTION DE PATIENTS

Comment se passe une coloscopie ? « La coloscopie est effectuée le plus souvent sous anesthésie générale. il faut être à jeun depuis au moins 6 heures. Un régime sans résidus est suivi les 2 jours qui précédent l’examen : graisses cuites, charcuteries, fruits et légumes, boissons gazeuses ou alcoolisées, fromages fermentés, épices et pain sont à supprimer. La prise d’une préparation colique permet de “laver” le côlon. »

INTERNET

Institut national du cancer

www.e-cancer.fr

Haute Autorité de santé

www.has-sante.fr

Dépistage et préventiondu cancer colorectal, juin2013.

Fédération des stomisésde France

www.fsf.asso.fr

Cespharm

www.cespharm.fr

Documents à remettreau public.

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