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© Nicolas Kovarik/Le pharmacien de france
Pourquoi réformer en profondeur le modèle de rémunération ?
À l’occasion du congrès national des pharmaciens qui s’est tenu à Lyon (Rhône), les 11 et 12 octobre, Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), a livré un discours sans détour. Il dénonce la « trahison » gouvernementale du mois de juin, exige une transparence totale sur la chaîne du médicament et lance une consultation nationale sur l’avenir du réseau officinal. Au cœur des débats : le plafonnement des remises, l’avenir du générique et la survie d’un maillage en péril.
Le constat est implacable : depuis 2007, le réseau officinal subit une ponction annuelle d’un milliard d’euros au titre des baisses de prix des médicaments inscrites dans les différents PLFSS. Plus de 4 000 officines ont fermé en dix-huit ans, et celles qui subsistent voient leur rentabilité érodée. « Notre métier est de délivrer des médicaments. Quand le médicament devient le principal contributeur à l’effort budgétaire, c’est l’économie officinale entière qui souffre », rappelle Philippe Besset.
Cette fragilité structurelle s’accompagne d’un dilemme stratégique : continuer à faire du médicament la variable d’ajustement, ou inventer un modèle de rémunération qui valorise réellement les missions de santé publique assumées par les pharmaciens.
Juin 2025 : « une trahison »
Le président de la FSPF n’a pas mâché ses mots. Après l’avenant conventionnel signé en 2023, les pharmaciens avaient accepté une croissance très modeste de leurs ressources, misant sur un élargissement progressif des missions de prévention et de suivi des pathologies. Mais en juin, le gouvernement a brutalement décidé de réduire encore les ressources de l’officine.
« J’ai vécu cette décision comme une trahison », a lancé Philippe Besset. Trois mois de mobilisation ont suivi, du 20 juin au 18 septembre, dans un bras de fer où la Fédération a choisi une ligne claire : ne jamais compromettre la santé des patients pour maintenir le soutien de l’opinion publique. Une stratégie qui a permis de rallier parlementaires et élus locaux.
L’arrêté sauvé in extremis
Le changement de Premier ministre a inversé la donne. Dans ses ultimes heures, le gouvernement sortant a signé l’arrêté rétablissant le plafond des remises génériques à 40 %, au lieu des 30 % envisagés. « Cela permet à l’État de tenir parole », a souligné le président de la Fédération.
Mais Philippe Besset met en garde : cet arrêté n’est qu’une respiration. « Je demande aux industriels de jouer le jeu : remonter officiellement toutes les lignes à 40 % et agir de façon transparente. »
Substitution massive : « 95 à 97 % doit être l’objectif »
Pour assurer l’avenir du système, Philippe Besset fixe une priorité sans équivoque : une substitution généralisée des génériques, hybrides et biosimilaires. « C’est un accord gagnant-gagnant-gagnant : pour l’assurance maladie, pour les patients, pour nos officines et pour l’innovation thérapeutique », a-t-il insisté. L’objectif est clair : 95 à 97 % de substitution. Faute d’un tel effort collectif, ni l’assurance maladie ni l’économie officinale ne pourront « sortir la tête de l’eau » en 2026.
Igas-IGF : transparence et réforme
La mission confiée à l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et à l’Inspection générale des finances (IGF) constitue un jalon décisif. Elle doit :
– éclairer la chaîne du médicament par une transparence totale sur la formation des prix et des marges ;
– proposer un modèle de rémunération et de maillage officinal pérenne.
En parallèle, la FSPF lance une consultation nationale via ses syndicats départementaux, et une étude avec IQVIA et des universitaires en droit et économie de la santé.
Un maillage en phase terminale
La carte pharmaceutique se délite : 29 communes ont perdu leur dernière officine en 2025, après 54 en 2024. Soit une moyenne de 50 communes par an privées de leur pharmacie. « Nous sommes dans la phase terminale de la désertification rurale », alerte Philippe Besset.
La Fédération souligne que même les coopérations commerciales et les remises actuelles ne suffisent plus : « L’économie de l’officine va mal. Et quand l’officine disparaît, c’est la proximité et la qualité des soins qui disparaissent avec elle. »
« Sans pilote, c’est compliqué »
Philippe Besset a conclu son discours en appelant les parlementaires à inscrire le plafond des remises à 40 % dans la loi, afin de sécuriser une année de stabilité et d’aboutir à des propositions crédibles de réforme. « Il faut une refonte en profondeur du modèle de rémunération, sinon la pérennité et l’attractivité de la pharmacie d’officine sont condamnées. »
Et de glisser, non sans ironie : « Ce serait bien aussi qu’on ait un ministre de la Santé qui reste un peu. Parce que sans pilote, c’est quand même très compliqué…»
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