Avec Sébastien Lecornu, la santé sera-t-elle sous contrainte ?

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Avec Sébastien Lecornu, la santé sera-t-elle sous contrainte ?

Publié le 10 septembre 2025
Par Christelle Pangrazzi
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En nommant Sébastien Lecornu à Matignon, Emmanuel Macron place le budget de la Défense au sommet de ses priorités. Les pharmaciens, déjà engagés dans une mobilisation nationale le 18 septembre, s’interrogent : quelles marges resteront pour la santé et pour l’officine ?

À 39 ans, Sébastien Lecornu devient l’un des plus jeunes Premiers ministres de la Ve République. Petit-fils de résistant, élu local précoce, ministre à 31 ans, il a su gravir les échelons sans relâche. Depuis trois ans, il tenait la rue Saint-Dominique, poste stratégique où il a piloté le réarmement de la France après l’invasion de l’Ukraine.

La loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, dont il a été l’artisan, engage 413 milliards d’euros sur sept ans, soit une hausse de 40 % par rapport à la précédente. D’ici 2030, le budget de la Défense atteindra 69 milliards d’euros, contre 44 milliards en 2023. Jamais un ministre des Armées n’avait autant marqué son passage.

« L’armée d’abord » : analyse syndicale

Pour Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), la nomination ne surprend pas : « Le président a dit clairement que les menaces géopolitiques sont devenues terribles et qu’il faut absolument augmenter le budget de l’armée. Lecornu est nommé pour sécuriser cette trajectoire. »

Il souligne l’urgence budgétaire : « Sans budget voté d’ici le 31 décembre, les marchés d’équipements militaires ne peuvent être passés. L’orthodoxie budgétaire chère à François Bayrou devient secondaire. » Le patron de la FSPF anticipe aussi un geste politique : « Je ne serais pas surpris qu’on voie disparaître rapidement certains irritants comme les franchises médicales ou la suppression de jours fériés travaillés. »

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Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), compte écrire au Premier ministre dès ce jour pour rappeler les priorités des pharmaciens : « Je ne fais jamais de procès d’intention. Souvent, c’est la fonction qui fait l’homme. La France ne peut pas se passer de budget santé. Sébastien Lecornu devra composer avec. C’est quelqu’un qui n’a pas l’air de vouloir enterrer les dossiers. Nous avons peut-être une chance de faire bouger ceux de la pharma. »

Quelles marges pour la santé ?

Le signal politique est limpide : dans un contexte de déficit élevé – 5,5 % du PIB en 2024, soit près de 140 milliards d’euros – la Défense sera sanctuarisée. Le reste, santé comprise, risque de devenir une variable d’ajustement.

Or l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour 2025 devrait progresser de seulement + 3,2 %. Ce rythme reste inférieur à la dynamique des besoins (vieillissement, maladies chroniques, inflation médicale estimée à + 4,5 %), et bien en-deçà des hausses passées (près de + 6 % en 2020 au sortir du Covid-19). Concrètement, cela signifie des marges étroites pour financer les nouvelles missions de l’officine, la revalorisation des actes, ou encore la lutte contre les pénuries.

S’y ajoute une équation politique complexe : avec 170 députés Renaissance, loin de la majorité absolue (289 sièges), chaque vote budgétaire nécessitera de fragiles compromis. Les Républicains et les Socialistes se retrouvent en position d’arbitres, capables d’imposer des coupes ou des priorités.

L’équilibre impossible ?

La nomination de Sébastien Lecornu incarne un choix clair : sacraliser l’armée face à la menace internationale. Mais pour les pharmaciens, la question essentielle reste ouverte : quelle place restera pour la santé ?

Entre une dette publique qui frôle les 3 200 milliards d’euros, un Ondam contraint et une majorité parlementaire relative, l’équilibre sera périlleux. Les officinaux, maillons essentiels du système de santé de proximité, devront non seulement défendre leurs marges mais aussi démontrer leur valeur ajoutée dans la maîtrise des dépenses.

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