- Accueil ›
- Profession ›
- Interpro ›
- Dépenses de l’Assurance maladie : le risque de dérapage est majeur en 2025
© Getty Images
Dépenses de l’Assurance maladie : le risque de dérapage est majeur en 2025
« L’Ondam 2025 n’est pas sécurisé ». Dans un rapport de 256 pages, dévoilé le 2 juin, la Commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS) confirme que l’objectif national des dépenses d’assurance maladie fixé à 265,9 milliards d’euros pour l’an prochain est exposé à un dépassement « important ». Cette analyse prolonge les alertes déjà formulées mi-avril par le Comité d’alerte, en l’absence d’un pilotage budgétaire suffisant des soins de ville.
La publication du rapport est cette année avancée pour accompagner le nouveau calendrier parlementaire des lois de financement. Elle précède l’examen, dès le 10 juin, du projet de loi d’approbation des comptes (Placss) par l’Assemblée nationale.
Un risque de dérapage de plusieurs milliards d’euros
La Commission pointe un faisceau de fragilités susceptibles de compromettre la trajectoire des dépenses. En première ligne, les économies intégrées à l’Ondam, à hauteur de 4,3 Md€, dont 1,1 Md€ sans levier clairement identifié. Dans le détail, 600 M€ d’économies supplémentaires sont attendus sur les médicaments, 100 M€ sur les transports sanitaires et 400 M€ sur la radiologie.
Les perspectives sont jugées d’autant plus incertaines que les volumes d’activité en ville et dans les établissements restent dynamiques. Ainsi, la hausse de l’activité hospitalière, anticipée à + 2,2 % en valeur CJO, pourrait être sous-estimée. Et côté ville, la montée en charge des indemnités journalières, des revalorisations tarifaires et des produits de santé continue de tirer les dépenses vers le haut.
Ville, IJ, dispositifs : les moteurs de la surconsommation
En 2024, l’Ondam a déjà dérapé. Selon les dernières données, les dépenses effectives atteignent 256,4 Md€, soit 1,5 Md€ de plus que l’objectif initial, malgré un recalage en cours d’année. Cette surexécution est attribuée à une dérive des soins de ville (+ 1,5 Md€), en particulier des indemnités journalières (+ 7,4 %) et des remboursements de produits de santé (+ 5 %).
La dynamique des arrêts longs (> 3 mois) et des IJ liées aux accidents du travail ou maladies professionnelles alimente la croissance (+ 8,9 % et + 11,2 %, respectivement). Côté médicaments, les hausses atteignent + 4,6 %, et + 6,1 % pour les dispositifs médicaux.
Les hausses d’honoraires sont aussi notables : + 5 % pour les médecins généralistes et spécialistes, + 4,8 % pour les soins dentaires, et jusqu’à + 11 % pour les orthoptistes. Malgré le doublement des franchises et participations forfaitaires en 2024, les dépenses en soins de ville affichent une progression de 4,6 %.
Un effet Ségur durable sur la dépense hospitalière
Au total, le « Ségur de la santé » a représenté une charge de 13 Md€ en 2024, dont 10,9 Md€ de revalorisations salariales dans les établissements. À cela s’ajoutent 8,6 Md€ de mesures inflationnistes, absorbées en grande partie par l’Ondam.
Depuis 2020, l’évolution des dépenses d’assurance maladie s’est sensiblement accélérée : + 3 % hors Covid-19 et inflation, contre + 2,5 % sur 2018-2019 et + 2,3 % sur la décennie précédente. Ce changement de rythme interroge la soutenabilité du pilotage budgétaire dans un contexte de retour progressif aux normes européennes sur les finances publiques.
Pas de réserve mobilisable sur la ville, alerte sur la soutenabilité
La Commission regrette l’absence de réserve prudentielle consacrée aux soins de ville. Les 1,1 Md€ de crédits gelés au 1er janvier 2025 concernent prioritairement l’hôpital (627 M€) et le médicosocial (241 M€). En d’autres termes, aucune marge de manœuvre n’est prévue pour contenir une dérive des soins de ville, pourtant identifiés comme principal foyer de surconsommation.
« La situation financière très dégradée des hôpitaux publics constitue un point de fuite majeur de l’Ondam », insiste la Commission, citant le Comité d’alerte. Une éventuelle réallocation vers l’hôpital pour compenser ses déficits viendrait mécaniquement aggraver le solde des soins de ville.
Un mécanisme de correction toujours possible
En cas de dépassement avéré supérieur à 0,5 %, le Comité d’alerte serait tenu d’enclencher une procédure de redressement. La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, l’a rappelé le 28 mai. Des mesures immédiates devraient alors être proposées au Parlement.
À ce stade, la Commission propose quatre focus techniques en annexe de son rapport : la démographie vieillissante des retraités (2003-2023), le marché du médicament 2024, l’Aide médicale d’État et les prestations pour incapacité permanente. Autant de variables susceptibles d’accentuer la pression sur l’objectif de dépenses, alors même que l’Ondam est censé servir d’ancrage aux finances sociales.
Avec APM
- Rémunération des pharmaciens : une réforme majeure se prépare-t-elle ?
- Les métiers de l’officine enfin reconnus à risques ergonomiques
- Remises génériques : l’arrêté rectificatif en passe d’être publié
- Réforme de la rémunération officinale : quelles sont les propositions sur la table ?
- Paracétamol : quel est cet appel d’offres qui entraînera des baisses de prix ?
- Comptoir officinal : optimiser l’espace sans sacrifier la relation patient
- Reishi, shiitaké, maitaké : la poussée des champignons médicinaux
- Budget de la sécu 2026 : quelles mesures concernent les pharmaciens ?
- Cancers féminins : des voies de traitements prometteuses
- Vitamine A Blache 15 000 UI/g : un remplaçant pour Vitamine A Dulcis