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Déserts médicaux : la proposition de loi sur la régulation a-t-elle des chances d’être adoptée ?

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Déserts médicaux : la proposition de loi sur la régulation a-t-elle des chances d’être adoptée ?

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Publié le 2 avril 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Soutenue par 252 députés de tous bords, une proposition de loi transpartisane prévoyant une autorisation d’installation conditionnée des médecins, a été retoquée en commission. Alors que six millions de Français sont sans médecin traitant, le soutien inattendu de François Bayrou pourrait-il faire basculer le texte à l’Assemblée nationale ce 2 avril ?

Faut-il limiter la liberté d’installation des médecins pour combattre les déserts médicaux ? Cette question, longtemps taboue, sera, si le calendrier législatif le permet, ce mercredi 2 avril au cœur des débats à l’Assemblée nationale. Les députés examineront, en effet, une proposition de loi transpartisane portée par le socialiste Guillaume Garot. Le texte a recueilli un soutien massif et inhabituel : 252 députés l’ont signé, issus de quasiment tous les groupes politiques. Mais cette apparente unanimité cache des divisions profondes sur le cœur même du texte.

Une mesure phare retoquée en commission

Premier coup de semonce pour les partisans de la régulation : l’article 1, pièce maîtresse du dispositif, a été rejeté en commission des affaires sociales le 26 mars, à l’issue d’un vote particulièrement serré (32 voix contre 28). Cet article prévoyait de créer une « autorisation d’installation des médecins » délivrée par les agences régionales de santé (ARS). Le système envisagé était simple : installation libre dans les zones sous-dotées, mais conditionnée au départ d’un autre praticien dans les territoires bien pourvus en médecins.

« À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles », défendent les auteurs du texte, qui pointent l’échec des politiques d’incitation menées depuis les années 2000. « Ce n’est certainement pas la solution unique et magique, mais c’est la seule qu’on n’ait jamais mise en œuvre », plaide Guillaume Garot, qui travaille sur cette proposition depuis juillet 2022.

Les autres articles, moins controversés, ont été approuvés : fin des surfacturations pour les patients sans médecin traitant, formation médicale de première année dans chaque département, rétablissement de l’obligation de permanence des soins les soirs, week-ends et jours fériés.

Un front uni des médecins contre la régulation

Sans surprise, les médecins font bloc contre cette proposition qu’ils jugent attentatoire à leur liberté d’installation. Le collectif Médecins pour demain s’est quant à lui félicité de la suppression de l’article 1 en commission. Une réaction prévisible, tant la profession reste attachée à sa liberté d’installation.

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Du côté des patients, un soutien massif à la régulation

Face à cette levée de boucliers, les associations de patients font entendre une autre voix. France Assos Santé appelle à ce que l’article 1 soit réintroduit lors de la séance publique. Un récent sondage Ipsos pour la Fondation hospitalière de France (FHF) révèle que 86 % des personnes interrogées estiment « qu’il faut assurer une répartition plus équitable des médecins sur le territoire quitte à leur imposer leur lieu d’exercice les premières années ».

Pour nombre d’experts, ces pénuries de médecins se traduisent par des pertes de chances pour des patients. Un constat partagé par des élus locaux confrontés quotidiennement aux difficultés d’accès aux soins de leurs administrés.

Une régulation « très modeste » selon ses défenseurs

Parallèlement, les défenseurs du texte font valoir que la régulation proposée reste « très modeste », Ainsi, dans les territoires bien dotés, où l’installation d’un médecin sera subordonnée à un départ à la retraite, la densité médicale ne diminuera pas.

Bayrou entre dans la danse

Coup de théâtre : mardi 1er avril, le Premier ministre François Bayrou s’est, lui aussi, prononcé en faveur d’une « régulation » de l’installation des médecins. « Il faut…) sortir de l’enlisement et de l’impasse. Il faut probablement une régulation, comme l’ont décidé, conscients de la difficulté, nombre de professions de santé », a-t-il déclaré devant le Conseil économique social et environnemental (Cese), citant le cas des chirurgiens-dentistes.

Un soutien de poids qui pourrait faire pencher la balance en faveur du texte, alors que seuls 13 des 36 députés du MoDem l’ont cosigné jusqu’ici. Le Premier ministre a également annoncé qu’il allait « inviter toutes les parties prenantes, dès la semaine prochaine, avec les ministres concernés, pour examiner ensemble des solutions pratiques, rapides et concrètes ».

Des chances d’adoption incertaines

Pourtant, même avec le soutien de Bayrou, l’adoption de l’article 1 reste incertaine. Si les quatre groupes du Nouveau Front populaire y sont favorables, ainsi qu’une partie des élus du groupe Liot et du camp présidentiel, la droite et l’extrême droite demeurent fermement opposées.

Des élus craignent que cette régulation pousse les futurs médecins « à migrer vers l’exercice salarié » au détriment de l’activité libérale. Le député d’extrême droite Christophe Bentz considère de son côté que cette régulation est « une forme de coercition » et « une fausse bonne idée ».

La conférence des présidents a décidé mardi de poursuivre son examen si nécessaire la semaine du 5 mai. « Jamais autant de députés n’avaient signé une telle proposition », se félicite Guillaume Garot, qui veut croire à « une prise de conscience » des parlementaires face à l’urgence de la situation.

Quoi qu’il en soit, François Bayrou a prévenu : « Je ferai tout pour que ces solutions soient adoptées. Si elles ne le sont pas, le gouvernement interviendra ». Une façon de mettre la pression sur les parlementaires, alors que la bataille contre les déserts médicaux s’annonce encore longue.

Avec AFP

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