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Chimiothérapie orale à l’officine : un accompagnement de haute voltige
Parmi les nouvelles missions inscrites dans l’avenant n o 11 à la convention pharmaceutique signé en juillet 2017, l’accompagnement de patients atteints de cancer ne sera pas le défi le plus simple à relever par la profession. Même si l’expérience acquise au travers des entretiens pharmaceutiques menés sur l’asthme et les anticoagulants oraux devrait permettre d’aboutir à plus de souplesse.
L’accompagnement des patients sous chimiothérapie orale sera signé avant la fin de l’année, mais « on ne va pas vers la facilité » a déjà averti Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). « Le suivi de ces patients fragiles marque la fin du paiement à l’acte et le passage au paiement au parcours de soins, une fois le travail du professionnel de santé complètement réalisé », a-t-il expliqué lors du 23e congrès du groupement Népenthès, qui s’est déroulé du 2 au 4 novembre à Paris. « Des patients en difficulté, avec des traitements lourds, qui pourront compter sur leur pharmacien ».
Une avant l’été, deux à la rentrée… trois réunions ont déjà eu lieu avec Nicolas Revel, directeur général de l’Assurance maladie, afin de définir les modalités du parcours de soins. Le projet a été validé en commission paritaire nationale en octobre, reste à finaliser l’accord conventionnel, en particulier en ce qui concerne la formation et la rémunération des officinaux.
S’adapter aux différents protocoles
« Ces chimiothérapies orales sont toujours mises en place en sortie de réserve hospitalière. Le but est de prendre le relais, d’assurer un accompagnement et un suivi de manière à réagir rapidement en cas d’effets iatrogènes et ainsi à obtenir une meilleure observance », explique Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Face à la complexité de ces traitements et du parcours de soins, syndicats et Assurance maladie ont travaillé sur une organisation et un accompagnement différents des entretiens pharmaceutiques menés sur l’asthme, AVK et AOD. « Il faut adopter une stratégie plus souple, le suivi du patient peut conduire à des entretiens plus nombreux et concentrés sur quelques mois et d’autres étalés sur l’année, explique Gilles Bonnefond. De plus, les protocoles de chimiothérapie peuvent être différents d’un traitement à l’autre, il faut pouvoir s’adapter ! » Voilà pourquoi 4 étapes ont été prévues pour ce suivi.
Philippe Gaertner se montre rassurant sur les conditions de leur mise en place, car les règles à appliquer proviennent des pratiques hospitalières : « Les pharmaciens de ville sont dans une situation relativement confortable, car ils vont profiter de l’expérience et de l’antériorité en ce domaine de l’hôpital, des fiches d’accompagnement mises à disposition par l’Institut national du cancer (INCa, une vingtaine publiée à ce jour) et les observatoires des médicaments, des dispositifs médicaux et de l’innovation thérapeutique (Omédit) régionaux. »
La toxicité, cette spécificité à ne pas oublier
Première étape, l’entretien d’initialisation. Il vise à faire le point, avec le patient, sur ses traitements de chimiothérapie dans le cadre de la prise en charge générale : présentation du schéma thérapeutique, modalités d’administration et intervalles de prises, vérification de la compréhension du traitement pour favoriser l’adhésion… Programmée assez rapidement, dans le mois qui suit, la deuxième étape est consacrée aux effets secondaires et à leur gestion prédictive ou curative : soins de support, identification des signaux d’alerte d’une intolérance grave, etc. La troisième étape concerne la vie quotidienne du patient : évaluation de sa douleur dans le temps, des conséquences des traitements sur son quotidien et sur son entourage (impact psychologique), signalement de problèmes particuliers rencontrés au domicile, etc.
« Lors de cette étape, il faudra penser à aborder la toxicité de ces traitements en ambulatoire au regard de l’environnement et de l’entourage qu’il faut également protéger ; le pharmacien peut rappeler les précautions générales d’usage, notamment au niveau de l’hygiène, de la gestion des déchets médicamenteux, etc. », souligne Gilles Bonnefond. A l’hôpital, tout est mis en œuvre pour limiter le risque de diffusion des substances de chimiothérapie cytotoxiques dans l’environnement et auprès des soignants via les excreta (sueur, urines, vomissures, selles, etc.). Mais au domicile ? « Ces notions touchent à l’intime et sont anxiogènes. Les soignants se trouvent parfois démunis face aux questions des malades, rien n’est vraiment organisé », reconnaît Louisa Oulebsir, cadre de soin à l’hôpital privé nord parisien de Sarcelles (HPNP) dans le Val-d’Oise. Plus pour longtemps. Ségolène Benhamou, directrice de l’HPNP, a engagé son établissement dans la réalisation d’un « Passeport pour une chimiothérapie responsable ». Ce projet, réalisé avec le soutien institutionnel du laboratoire Merck, a été initié il y a 18 mois par l’agence de conseil en responsabilité sociétale des entreprises Primum non nocere, fondée par Olivier Toma. Cet ancien directeur d’hôpital s’est étonné, il y a une dizaine d’années, de l’absence de recommandations encadrant le retour au domicile des patients sous chimiothérapie, alors que dans le domaine vétérinaire la prévention des risques liés à une chimiothérapie chez l’animal est régie par un arrêté ! « La version finalisée du passeport sera mise en ligne sur le site de l’Omédit Ile-de-France mi-janvier 2019 », précise Olivier Toma, qui ne cache pas être à la recherche de financements pour diffuser plus largement ce document.
La dernière étape du suivi est dévolue à l’observance. A ce stade, « l’accompagnement du patient n’est pas seulement indispensable au bon pronostic de la maladie, il est également un facteur de maîtrise des coûts, en évitant le gaspillage de médicaments très chers », explique Muriel Dahan, directrice des recommandations et du médicament à l’INCa, ajoutant « qu’au-dessous d’un seuil de 80 % d’observance, l’efficacité des chimiothérapies orales est compromise ».
Un investissement majeur en début de suivi
Pour bien circonscrire ces quatre étapes, « nous sommes partis d’un cas classique de patient sous chimiothérapie orale afin de stabiliser la prise en charge du traitement à domicile sans envisager pour l’instant les situations d’exception : interruption de traitement, changement de protocole, ré-hospitalisation… », précise Philippe Gaertner. Selon lui, c’est au niveau des deux premières étapes que se situe le plus gros de l’investissement du pharmacien. « Il existe à ce jour une petite soixantaine de molécules anticancéreuses par voie orale disponibles en ville, pour la plupart, des thérapies personnalisées. Le pharmacien devra donc se former à chaque fois pour s’approprier la molécule et ses spécificités », prévient-il.
Les patients atteints de cancer ne seront pas les plus nombreux, mais certainement les plus exigeants. Le nombre de personnes éligibles est de l’ordre de 550 000 et, au démarrage, les acteurs conventionnels visent l’accompagnement d’un tiers d’entre eux, soit en moyenne 7 ou 8 patients par officine.
À RETENIR
• L’avenant concernant l’accompagnement des patients sous chimiothérapie orale sera signé avant la fin de l’année. Il reste à finaliser les points concernant la formation et la rémunération des officinaux.
• 550 000 patients sont éligibles. L’objectif au démarrage sera d’accompagner un tiers d’entre eux, soit 7 ou 8 par officine.
• 4 étapes ont été prévues pour le suivi : entretien d’initialisation, gestion des effets secondaires, qualité de vie et observance.
REPÈRES
LES MESURES DE PROTECTION AU COURS D’UNE CHI  MIOTHÉRAPIE
Sources : Brochure « Passeport pour une chimiothérapie responsable », octobre 2018, Primum non nocere ; « Recommandations concernant la manipulation des excrétas des patients recevant un traitement anticancéreux en établissement de santé », décembre 2011, Omédit Haute Normandie ; brochure « Médicaments cytotoxiques et soignants », mai 2018, Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS).
Par ALEXANDRA bLANC – Infographie : Walter Barros
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