« Faire du pharmacien un prestataire de services élargis »

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Publié le 2 mai 2020
Par Fabienne Colin
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Fondateur de l’Institut Santé, le chercheur en économie Frédéric Bizard démontre l’opportunité de refondre rapidement le système de santé français. En tirant avantage de ce moment furtif d’union nationale et en plaçant le pharmacien au cœur d’un enjeu de santé publique.

Quel regard portez-vous sur le rôle des offi cines depuis le début de la crise sanitaire ?

Elles confi rment leur rôle de professionnels de santé de proximité de référence, bien au-delà du rôle classique de fournisseur de médicaments pour la population. On est même allé jusqu’à leur donner un rôle dans la lutte contre les violences conjugales. Cela fait partie d’une approche de santé globale, de bien-être psychologique et de sécurité des personnes. C’est un bon exemple du modèle que je défends depuis longtemps, pour faire évoluer le rôle du pharmacien vers une mission de prestataire de services élargis, à forte valeur ajoutée.

Quels enseignements tirezvous de la crise pour leur modèle économique ?

Cette crise nous fait entrer dans le XXIe siècle à marche forcée. Elle ne révèle pas grand-chose de plus que ce qu’on savait déjà avant, mais c’est un accélérateur colossal de l’histoire. Pour qu’elle soit salutaire, il faut dès maintenant mett re en place un comité national de refondation de notre système de santé. C’est l’une des recommandations du plan de sortie de crise de l’Institut Santé paru le 9 avril. Il faut profi ter de cet instant qui révèle à l’ensemble de la population, pas forcément sensibilisée au système de santé, les failles à combler.

Comment imaginez-vous la refonte du système ?

Il s’agit en premier lieu de redéfi nir les métiers, donc la formation, donc la proposition de valeur, donc l’organisation des pharmacies de ville. Il faut d’abord savoir quel est le socle de ces métiers au XXIe siècle. La pharmacie est proba blement le secteur qui a le plus travaillé sur ce sujet. Ce secteur me dit toujours qu’il s’est « considérablement transformé ». Mais je ne suis pas sûr que le citoyen ordinaire soit capable de dire quelle révolution a été menée dans les pharmacies entre 2000 et 2020.

Comment voyez-vous évoluer le rôle des groupements ?

Il existe deux segments importants sur lesquels la pharmacie doit se positionner, auprès des pouvoirs publics comme auprès du grand public. Il s’agit de la prévention et des pathologies chroniques. Ça fait des années qu’on parle de passer du produit au service… Mais si ce n’est pas ancré dans une réalité à partir d’un modèle structurant, cela relève du « nice to have », du service sympathique. Or l’enjeu n’est pas seulement de se diff érencier du concurrent d’en face avec une approche commerciale. C’est à la fi lière tout entière de se réorganiser autour d’un modèle qui permett e au pharmacien d’avoir un niveau de positionnement en santé publique.

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BIO EXPRESS

1991-1998

Diplômé de l’Ecole nationale vétérinaire d’Alfort, de Sciences Po Paris et de l’Insead

DEPUIS 2005

Enseignant-chercheur en économie de la santé

2018

Fondateur de l’Institut Santé