Aide à mourir : les députés ont voté pour le principe de l’auto-administration

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Aide à mourir : les députés ont voté pour le principe de l’auto-administration

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Publié le 19 mai 2025
Par Christelle Pangrazzi
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L’Assemblée nationale a adopté samedi 11 mai un article-clé de la proposition de loi Falorni consacrant un droit à l’aide à mourir. Mais ce droit demeure strictement encadré : la substance létale devra être auto-administrée par le patient, sauf impossibilité physique. Un compromis que certains jugent trop restrictif, tandis que d’autres s’alarment d’une « transgression éthique majeure ».

Par 75 voix contre 41, les députés ont validé samedi l’article central de la proposition de loi portée par Olivier Falorni (MoDem), qui crée un droit à l’aide à mourir pour les patients en fin de vie. Après de vifs débats, l’Assemblée est revenue à la version initiale du texte, privilégiant l’auto-administration de la substance létale par le patient, avec une exception étroitement définie : en cas d’impossibilité physique, la substance pourra être administrée par un professionnel de santé.

Le gouvernement a défendu cette ligne par la voix de la ministre de la Santé, Catherine Vautrin : « Le principe, c’est l’auto-administration, l’exception, c’est l’accompagnement », a-t-elle martelé, mettant en avant la nécessité de « traduire la volonté du patient jusqu’au bout ».

Tensions autour du libre choix du mode d’administration

En commission, les députés avaient brièvement introduit une possibilité de choix entre auto-administration ou administration par un médecin ou un infirmier. Cette liberté n’aura pas survécu au passage dans l’hémicycle. Un amendement du gouvernement a été adopté, revenant à une version plus contraignante, centrée sur la seule incapacité physique.

Ce recul a suscité de vives réactions dans les rangs de la majorité. L’auteur du texte, Olivier Falorni, a exprimé son « désaccord », déplorant une remise en cause du « libre choix » prôné par la Convention citoyenne sur la fin de vie. « Ce que je redoute, c’est qu’un malade qui a dit oui, je veux une aide à mourir, ne puisse finalement pas y accéder à cause d’une crise d’angoisse ou de stress au moment de s’administrer le produit », a-t-il mis en garde.

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Un point de désaccord soulevé également par le député PS Stéphane Delautrette : « Si on laisse au médecin le soin de juger ce qu’est une incapacité physique, le stress pourra être considéré comme tel ou non selon les praticiens. Ce n’est pas acceptable. »

Une sémantique chargée et des lignes de fracture politiques

Les débats ont mis en lumière une bataille de vocabulaire tout aussi idéologique que juridique. Plusieurs députés ont tenté de substituer au terme d’« aide à mourir » ceux de « suicide assisté » ou « euthanasie ». D’autres ont rejeté la notion de « droit », lui préférant celle de « liberté ».

« L’aide à mourir, cela existe déjà. Tous les médecins, toutes les infirmières accompagnent la fin de vie. Nous aidons à mourir sans provoquer la mort », a déclaré Philippe Juvin (LR), tandis que Christophe Bentz (RN) s’insurgeait : « Administrer une substance létale, ce n’est pas une aide, c’est provoquer la mort. »

1 839 amendements en suspens, vote final attendu le 27 mai

Si cet article constitue une avancée symbolique forte, le chemin parlementaire reste semé d’embûches. Le texte compte encore 1 839 amendements à examiner, dont certains très sensibles sur les critères d’accès à l’aide à mourir (pronostic vital engagé, souffrances réfractaires, discernement). Le vote solennel sur l’ensemble de la proposition de loi est prévu pour le 27 mai.

En attendant, les syndicats de soignants comme les représentants des professions de santé s’interrogent : quel sera le rôle exact des médecins, des infirmiers et, à terme, des pharmaciens dans la mise en œuvre de cette loi ? Une question encore sans réponse, mais qui ne manquera pas de faire débat dans l’hémicycle… comme dans les officines.

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