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Le cyclophosphamide
Dérivé du gaz moutarde, le cyclophosphamide est un agent alkylant utilisé en chimiothérapie anticancéreuse ou comme immunosuppresseur dans le cadre de maladies auto-immunes. Ses effets indésirables potentiels imposent une surveillance adéquate des patients et des précautions d’emploi.
Mode d’action
Liaison covalente avec l’ADN
Le cyclophosphamide appartient à la famille de molécules appelée moutarde azotée, dérivée de l’ypérite, gaz moutarde utilisé pendant la Première Guerre mondiale, aux propriétés vésicantes et toxiques sur le plan hématologique.
Il s’agit d’un agent alkylant : il interagit avec l’ADN en établissant des liaisons covalentes (rigides) entre un groupement alkyl et une base guanine de l’ADN. Celles-ci forment un « pont » entre deux guanines au sein d’un même brin d’ADN ou entre les deux brins complémentaires. Les contraintes qui en résultent ont pour effet de déformer l’ADN, ce qui empêche sa réplication et sa transcription et provoque l’apoptose de la cellule.
Le cyclophosphamide exerce ainsi une action cytotoxique et immunosuppressive.
Indications
Cancers et maladies auto-immunes graves
Le cyclophosphamide (Endoxan) peut être administré par voie orale ou injectable (en perfusion intraveineuse ou éventuellement par voie intramusculaire en cas de mauvais capital veineux). Seule la présentation orale est disponible en ville.
Par voie orale ou injectable, le cyclophosphamide est utilisé dans le traitement de nombreux cancers : mammaire en situation métastatique, bronchique, de l’ovaire, de la vessie, du testicule, de certaines leucémies aiguës, des lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens, des myélomes, des sarcomes et neuroblastomes. A faible dose, il est indiqué dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, des néphropathies auto-immunes corticorésistantes, des atteintes lupiques rénales.
Le cyclophosphamide injectable est également employé à fortes doses dans la prévention des rejets d’allo- ou autogreffe de moelle.
Pharmacocinétique
Prodrogue inactive
Le cyclophosphamide est une prodrogue hydroxylée par le foie puis transformée en moutarde phosphoramide, métabolite cytotoxique. Le métabolisme hépatique conduit également à la formation d’une molécule urotoxique : l’acroléine.
Le cyclophosphamide passe la barrière hématoencéphalique, le placenta et diffuse dans le lait maternel.
Il est peu lié aux protéines plasmatiques et est donc dialysable en cas de surdosage.
Son élimination, sous forme active et métabolisée, est essentiellement urinaire, justifiant une adaptation des doses en cas d’insuffisance rénale.
Sa demi-vie varie de 4 à 7 heures.
Effets indésirables
Toxicité hématologique et urologique
Les agents alkylants ne sont pas sélectifs des cellules tumorales et peuvent établir des liaisons covalentes avec l’ADN de cellules saines, interférant avec les divisions des cellules à renouvellement rapide, notamment les cellules des lignées sanguines, du tube digestif, cutanéomuqueuses et phanériennes.
Ainsi, le cyclophosphamide est, entre autres, responsable d’une altération de la numération de formule sanguine à type le plus souvent de neutropénie (justifiant la prescription prophylactique de facteurs de croissance granulocytaire), plus rarement de thrombopénie ou d’anémie. Il peut provoquer des nausées et vomissements, une constipation, des diarrhées et des mucites.
Une alopécie peut apparaître progressivement. Elle est inconstante et transitoire et peut être limitée par le port d’un casque réfrigérant lors de l’administration des formes injectables à l’hôpital. Plus rarement, une hyperpigmentation des paumes des mains, plantes des pieds ou ongles, résultant d’une augmentation de sécrétion de mélanine, peut s’observer. De très rares cas de toxidermies nécrosantes ont été rapportés.
La toxicité urinaire, surtout à forte dose, peut se manifester par des dysuries, une urétérite, une cystite hémorragique, une pyélite (inflammation du bassinet rénal), voire un cancer vésical iatrogène.
Il existe également un risque de cardiotoxicité (cardiomyopathie, arythmie, allongement de l’intervalle QT) majoré par l’association aux anthracyclines, un risque de pneumopathie interstitielle ou de fibrose pulmonaire, ainsi que de thrombose veineuse.
La fertilité peut être affectée (aménorrhée et azoospermie définitives sont possibles) pouvant faire envisager une conservation des gamètes avant de commencer le traitement.
Contre-indications
Aplasie médullaire et infection urinaire
Du fait de ses potentiels effets indésirables, le cyclophosphamide est contre-indiqué en cas d’insuffisance médullaire sévère, d’infection urinaire aiguë, de cystite hémorragique préexistante ou d’obstruction des voies urinaires.
En raison d’un risque tératogène (malformations des membres, faciales ou crâniales), génotoxique et mutagène, il est contre-indiqué durant la grossesse et une contraception efficace est recommandée pendant le traitement et jusqu’à 6 mois après son arrêt pour les hommes et 12 mois pour les femmes.
L’allaitement est contre-indiqué.
Interactions
Vaccins vivants
Du fait d’un risque de maladie vaccinale généralisée potentiellement létale, l’administration de vaccins vivants atténués (rougeole, oreillons, rubéole, tuberculose, varicelle, zona, rotavirus) est contre-indiquée pendant le traitement et les 6 mois suivant son arrêt.
L’association au millepertuis est contre-indiquée et celle aux autres inducteurs enzymatiques (carbamazépine, barbituriques, rifampicine, phénytoïne, etc.) déconseillée en raison d’un risque d’augmentation des concentrations en métabolites actifs du cyclophosphamide et de majoration de ses effets toxiques. Inversement, certains médicaments (aprépitant et antifongiques azolés notamment) ainsi que la consommation de pamplemousse peuvent inhiber l’activation du cyclophosphamide et réduire son efficacité.
La pentostatine (anticancéreux à usage hospitalier), qui augmente le risque d’atteinte pulmonaire, est déconseillée. Certaines études suggèrent également une augmentation de ce risque lors de l’utilisation de facteurs de croissance leucocytaire.
L’association à d’autres immunosuppresseurs (ciclosporine, tacrolimus, etc.) doit prendre en compte un risque accru d’immunodépression.
Surveillance
Hémogramme et urines
L’absence de grossesse doit être vérifiée avant d’instaurer le traitement chez la femme en âge de procréer.
Une surveillance régulière de l’hémogramme est nécessaire pendant le traitement.
Tout symptôme évocateur d’une neutropénie fébrile (signes d’appel infectieux, température supérieure ou égale à 38,3 °C sur une seule mesure, ou supérieure ou égale à 38 °C sur deux mesures à 1 heure d’intervalle) ou une température inférieure à 36 °C (qui peut faire suspecter un sepsis) constituent une urgence médicale qui nécessite la mise en place d’une antibiothérapie bactéricide à large spectre, ainsi qu’une réflexion sur la poursuite ou non du traitement par cyclophosphamide.
La survenue de saignements, d’hématomes, de purpura ou de bulles hémorragiques sur la muqueuse buccale est évocatrice de thrombopénie et constitue également une urgence thérapeutique.
De même, tout membre (bras ou mollet) chaud, douloureux et rouge associé à un essoufflement nécessite un avis médical rapide.
Les urines doivent être surveillées (diurèse et recherche d’une hématurie). Une hématurie macroscopique ou microscopique impose l’interruption du traitement.
Prévenir l’urotoxicité du cyclophosphamide
L’urotoxicité du cyclophosphamide est liée à l’acroléine, métabolite éliminé principalement par voie urinaire.
Afin de diminuer le risque de survenue de cet effet indésirable, l’hydratation du patient doit être abondante (2 litres par jour environ) pour « rincer » la vessie. Il est notamment recommandé de boire 2 verres d’eau au moment de l’administration des comprimés pour forcer la diurèse.
En cas de traitement prolongé, à forte dose ou sous une forme injectable, ou encore chez des patients ayant subi une radiothérapie du bassin, un traitement cytoprotecteur peut être prescrit : le mercaptoéthanesulfonate de sodium ou mesna (Uromitexan, réservé à l’usage hospitalier), un chélateur de l’acroléine.
Une autre moutarde azotée utilisée en cancérologie, l’ifosfamide (Holoxan, réservé à l’usage hospitalier), est métabolisée en acroléine et, de ce fait, également responsable d’urotoxicité. Toujours utilisé en combinaison avec le mesna, l’ifosfamide subit aussi une seconde voie de métabolisation conduisant à la formation d’un autre métabolite, le carboxy ifosfamide qui est neurotoxique (convulsions, secousses musculaires, troubles extrapyramidaux, dysthésies, etc.). Ce métabolite n’est en revanche pas chélaté par le mesna.
- Sources : « Prévenir et gérer les effets indésirables : cyclophosphamide (Endoxan) », Institut national du cancer, janvier 2022 ; « Cyclophosphamide Endoxan », fiche professionnels de santé, janvier 2022 ; Newsletter de l’Observatoire du médicament, des dispositifs médicaux et de l’innovation thérapeutique (Omédit) Normandie, juin 2022 ; « Antinéoplasiques alkylants », pharmacorama.com ; Thésaurus des interactions médicamenteuses, Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM), septembre 2023 ; base de données publique des médicaments ; Centre de référence sur les agents tératogènes, le-crat.fr.

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