Les progestatifs de synthèse : mécanisme d’action, indications, effets indésirables…

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Les progestatifs de synthèse : mécanisme d’action, indications, effets indésirables…

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Publié le 14 juin 2025 | modifié le 16 juin 2025
Par Nathalie Belin et Maïtena Teknetzian
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Les progestatifs sont des médicaments utilisés dans l’insuffisance lutéale et dans plusieurs cancers hormonodépendants. Certaines molécules sont associées à un risque de méningiome. Elles requièrent un suivi particulier.

Mécanisme d’action : des effets lutéomimétiques

Les progestatifs de synthèse (hors contraceptifs) constituent une classe de médicaments hétérogène sur le plan chimique. Ils ont en commun d’être capables de se lier au récepteur de la progestérone et d’exercer un effet lutéomimétique (avec, au niveau endométrial, un arrêt des mitoses provoquées par les œstrogènes et, au niveau du myomètre, une diminution de la contractilité).

Selon leur structure chimique, ils peuvent, en outre, interférer avec les récepteurs aux androgènes, aux corticoïdes ou exercer une activité antiœstrogénique ou antigonadotrope.

Les propriétés antigonadotropes (exercées notamment par la cyprotérone et la médroxyprogestérone), antiandrogéniques (de la cyprotérone) et antiœstrogéniques (de la médroxyprogestérone et du mégestrol) sont mises à profit dans le traitement de certains cancers hormonodépendants (cancers du sein, de l’endomètre, de la prostate).

Les effets corticotrope et antialdostérone expliquent les effets indésirables de certaines molécules (respectivement augmentation de la glycémie, syndrome de Cushing et effet natriurétique avec pollakiurie). 

Indications : insuffisance lutéale et cancers hormonodépendants

La médrogestone et le nomégestrol sont de puissants lutéomimétiques indiqués dans le traitement des troubles liés à une insuffisance lutéale. Compte tenu du surrisque démontré de méningiome (voir « Effets indésirables ») associé à ces progestatifs dans ces indications, leurs utilisations ont été restreintes par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) :

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  • pour le nomégestrol, aux hémorragies fonctionnelles, aux ménorragies liées aux fibromes et aux mastopathies sévères ;
  • pour la médrogestone, aux saignements liés aux fibromes, aux mastodynies sévères et à l’endométriose.

Dans ces indications, leur utilisation doit se faire sur une durée la plus courte possible avec une réévaluation a minima annuelle.  Leur prescription et leur dispensation sont soumises à des règles particulières.

En revanche, du fait d’un rapport bénéfice/risque jugé défavorable, ces deux progestatifs n’ont plus de place et ne doivent plus être utilisés dans les troubles de la ménopause, les irrégularités menstruelles, le syndrome prémenstruel, les mastodynies non sévères.

La cyprotérone, du fait de sa puissante action antiandrogénique, est indiquée dans l’hirsutisme sévère chez la femme (notamment dans le cadre d’un syndrome des ovaires polykystiques) et, chez l’homme, dans le traitement palliatif du cancer de la prostate et la réduction des pulsions sexuelles pathologiques. Elle reste recommandée dans ces indications, malgré un surrisque de méningiome, mais uniquement si d’autres traitements ne sont pas appropriés en cas d’hirsutisme ou de pulsions sexuelles. L’utilisation doit se faire sur une durée la plus courte possible avec une réévaluation a minima annuelle. Dans ces indications, sa prescription et sa dispensation sont soumises à des règles particulières.

En revanche, son usage hors autorisation de mise sur le marché, à une dose de 50 mg par jour, dans le traitement de l’acné, de la séborrhée et de l’hirsutisme modéré est proscrit en raison des risques de méningiome.

La médroxyprogestérone, du fait de ses propriétés sur l’axe gonadotrope, est indiquée dans le cancer du sein et de l’endomètre par voie intramusculaire. Elle nécessite une surveillance mais n’est pas soumise à des conditions de prescription ou de dispensation particulières dans ces indications.

Le mégestrol, aux propriétés antiœstrogéniques, est indiqué dans le cancer du sein.

La dydrogestérone, dénuée d’activité sur les récepteurs œstrogéniques ou androgéniques, est indiquée dans les troubles liés à une insuffisance en progestérone : irrégularités menstruelles, syndrome prémenstruel, dysménorhée, endométriose, mastopathies bénignes, troubles de la ménopause et stérilité par insuffisance lutéale.

Effets indésirables : risque de méningiome

Certaines molécules (cyprotérone, médrogestone, nomégestrol et médroxyprogestérone) sont associées à une augmentation du risque de méningiome, tumeur généralement non cancéreuse des membranes entourant les méninges et le cerveau. Ce risque augmente avec la dose, la durée de traitement (supérieure à 1 an), imposant pour certains dosages un suivi spécifique et des conditions de prescription et de délivrance particulières . La dydrogestérone, en revanche, n’est pas associée à un surrisque de méningiome selon une étude épidémiologique du groupement d’intérêt scientifique Epi-Phare. 

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Les progestatifs peuvent, par ailleurs, provoquer des troubles sexuels : irrégularité menstruelle, aménorrhée, tension mammaire, diminution de la libido chez la femme et l’homme, gynécomastie, impuissance, réduction de la spermatogenèse chez l’homme.

Ils peuvent être responsables d’insuffisance veineuse, de troubles thromboemboliques ainsi que de troubles hépatobiliaires éventuellement sévères (ictère, hépatite cytolytiques) et provoquer un rash cutané.

Une prise de poids liée à une augmentation de l’appétit est possible. Des troubles de l’humeur (nervosité, dépression) et une somnolence sont également rapportés.

La médroxyprogestérone et le mégestrol peuvent induire une augmentation de la glycémie, aggraver un diabète et provoquer un hypercorticisme avec faciès de Cushing.

La cyprotérone et la dydrogestérone sont impliquées dans la survenue d’anémie.

L’attestation annuelle d’information

La cyprotérone 50 et 100 mg (Androcur), la médrogestone (Colprone 5 mg) et l’acétate de nomégestrol (Lutényl 5 mg), ainsi que l’acétate de médroxyprogestérone utilisé comme contraceptif par voie intramusculaire (Depo-Provera 150 mg) doivent être prescrits et dispensés sous réserve de recueil d’une attestation d’information sur le risque de méningiome renouvelée 1 fois par an, cosignée par le prescripteur et le ou la patient(e) ou son représentant légal. Pour Colprone et Depo-Provera, la mention « traitement inférieur à un an » sur l’ordonnance suffit toutefois pour dispenser le médicament (sans présentation de l’attestation d’information). Toute durée de traitement supérieure à 1 an doit, en revanche, être accompagnée de l’attestation d’information annuelle.

Informer sur le méningiome

Il revient au prescripteur d’informer le ou la patient(e) du risque de méningiome et des signes évocateurs (maux de tête, troubles de la vision, du langage, de la mémoire ou de l’audition, perte de l’odorat, vertiges, convulsions, faiblesse voire paralysie) qui doivent amener à consulter un médecin.

Les facteurs de risque de méningiome sont : l’âge, le sexe féminin, une radiothérapie du cerveau dans l’enfance, un ou des antécédents de traitement de durée cumulée supérieure à 1 an par un ou plusieurs progestatifs à risque : cyprotérone, nomégestrol, chlormadinone (Lutéran, dont la commercialisation a été arrêtée en 2021), médrogestone, médroxyprogestérone, promégestone (Surgestone, qui n’est plus commercialisé depuis 2020). 

L’information porte aussi sur le suivi du traitement qu’il faut réévaluer a minima 1 fois par an. Si celui-ci se prolonge au-delà de 1 an, une imagerie par résonnance magnétique (IRM) cérébrale doit être réalisée à l’issue de la première année, puis à nouveau 5 ans plus tard, puis tous les 2 ans tant que le traitement est poursuivi. En présence de facteurs de risque de méningiome (radiothérapie du cerveau dans l’enfance, traitement cumulé supérieur à 1 an), une IRM sera réalisée au début du traitement.

Et à faible dose ?

La cyprotérone et le nomégestrol sont présents à de plus faibles dosages associés à un œstrogène : dans le traitement de l’acné ou de l’hirsutisme pour la cyprotérone (Diane 35 et génériques), comme contraceptif oral pour le nomégestrol (Zoely et génériques).

La médroxyprogestérone est associée à faible dose à l’œstradiol (Duova et génériques) dans le traitement hormonal substitutif de la ménopause ou dans la prise en charge de l’ostéoporose postménopausique.

Ces spécialités sont contre-indiquées en cas de méningiome ou d’antécédents mais ne sont pas soumises à des conditions de prescription ou de délivrance particulières liées à ce risque.

Pharmacocinétique : un métabolisme hépatique

Les progestatifs de synthèse sont des molécules lipophiles résistant à l’effet de premier passage hépatique et pouvant être administrées par voie orale. Elles sont néanmoins largement métabolisées par le foie, ce qui les rend sensibles aux interactions avec les inducteurs ou inhibiteurs enzymatiques.  

Contre-indications

La cyprotérone, la médrogestone, le nomégestrol et la dydrogestérone sont contre-indiqués en cas d’antécédent de méningiome ou de découverte de méningiome. La médroxyprogestérone indiquée comme contraceptif (Depo-Provera) est également soumise à ces mêmes contre-indications, mais pas lorsqu’elle est commercialisée comme anticancéreux (Depo-Prodasone).

À l’exception du mégestrol et de la dydrogestérone, les progestatifs sont contre-indiquées en cas d’affections hépatiques sévères.

Mis à part la cyprotérone, le mégestrol et la dydrogestérone, tous sont contre-indiqués en cas d’accidents ou d’antécédents thromboemboliques veineux.   

La médrogestone et le nomégestrol sont contre-indiqués en cas de cancer du sein et, pour le nomégestrol, de l’endomètre.  

La dydrogestérone, la médrogestone, le nomégestrol et la médroxyprogestérone sont contre-indiqués en cas d’hémorragies génitales non diagnostiquées.

La cyprotérone est contre-indiquée en cas de tuberculose (ou d’autres maladies à risque de cachexie), d’anémie à hématies falciformes et de dépression nerveuse.

Du fait de son activité antiandrogénique, l’utilisation de la cyprotérone chez la femme en âge de procréer n’employant pas de mesure contraceptive efficace est déconseillée (effet féminisant des fœtus mâles observé chez l’animal).

Désogestrel et méningiome

Il existe un risque très faible mais identifié de méningiome associé à la prise de contraceptifs oraux à base de désogestrel 75 µg pour les femmes de plus de 45 ans ou en cas d’utilisation supérieure à 5 ans.

Ce risque concerne très probablement aussi les œstroprogestatifs dosés à 150 µg de désogestrel et l’implant à l’étonorgestrel (Nexplanon), dérivé actif du désogestrel, bien qu’il ne soit pas démontré avec ces spécialités.

Une IRM est recommandée à l’instauration de ces contraceptifs en cas d’exposition antérieure de plus de 1 an à un ou plusieurs progestatifs à risque ou lors de signes évocateurs de méningiome.

Interactions

Le millepertuis et les autres inducteurs enzymatiques (rifampicine, antiépileptiques, éfavirenz, névirapine, par exemple) sont susceptibles de diminuer l’efficacité des progestatifs par augmentation de leur métabolisme. Le millepertuis est contre-indiqué avec la médroxyprogestérone et déconseillé avec la cyprotérone. De même, associer le pérampanel (aux doses supérieures ou égales à 12 mg par jour) et la cyprotérone est déconseillé. L’association de progestatifs avec les autres inducteurs enzymatiques est déconseillée ou classée en précaution d’emploi selon les molécules.

Du fait d’un antagonisme réciproque, l’association avec l’ulipristal est déconseillée ou classée en précaution d’emploi, selon le progestatif.  

L’association des progestatifs avec les inhibiteurs de protéase boostés au ritonavir nécessite des précautions d’emploi car elle expose au risque d’augmentation du métabolisme des progestatifs et de diminution de leur efficacité : bien qu’inhibiteur enzymatique du cytochrome P450 3A4, le ritonavir a des propriétés inductrices d’autres cytochromes et de la glucuronoconjugaison.

Sources : « Progestatifs et antiandrogènes », 1996, Collège national des gynécologues et obstétriciens français ; « Progestérone et progestatifs », pharmacorama.com ; « Use of progestogens and the risk of intracranial meningioma: national case control study » (étude GIS Epi-Phare), The BMJ, 2024 ; recommandations de l’ANSM sur l’utilisation de Lutényl/Lutéran (mise à jour de 2021), sur les conditions de prescription et de délivrance de Depo-Provera et Colprone (2024), ainsi que de l’acétate de cyprotérone (mise à jour de 2022) et sur la contraception et le risque de méningiome (2025) ; base de données publique des médicaments ; Thésaurus des interactions médicamenteuses de l’ANSM, juin 2024.