Les antagonistes dopaminergiques antiémétiques : indications, mécanisme d’action et effets indésirables

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Les antagonistes dopaminergiques antiémétiques : indications, mécanisme d’action et effets indésirables

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Publié le 6 septembre 2025
Par Maïtena Teknetzian
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Les antiémétiques antagonistes dopaminergiques sont associés à des troubles neurologiques et cardiaques graves. Bien que rares, ces effets indésirables ont conduit la Haute Autorité de santé à restreindre leur utilisation.

Mécanisme d’action : bloqueurs dopaminergiques D2

Les antiémétiques antagonistes dopaminergiques agissent au niveau périphérique et/ou central en bloquant les récepteurs dopaminergiques D2, dont la stimulation est impliquée dans les processus de nausées et vomissements.

La métopimazine présente en plus des propriétés anticholinergiques et antihistaminiques, responsables d’effets indésirables qui lui sont propres.  

Indications limitées en pédiatrie

La dompéridone est destinée à soulager les nausées et vomissements de l’adulte et de l’adolescent de plus de 12 ans et dont le poids dépasse 35 kg. Son intérêt clinique n’est pas établi en pédiatrie : la Haute Autorité de santé (HAS) a en effet considéré en 2022 qu’elle n’avait pas de place chez l’enfant et elle n’est donc plus une option avant cet âge.

Le métoclopramide est indiqué chez l’adulte dans la prévention des nausées et vomissements retardés chimio ou radio-induits et le traitement symptomatique des nausées et vomissements incluant ceux liés à la crise migraineuse. Chez l’enfant de plus de 1 an, il n’est envisageable qu’en seconde intention en cas de vomissements postopératoires et chimio ou radio-induits.

La métopimazine est indiquée chez le nourrisson, l’enfant et l’adulte dans le traitement symptomatique des nausées et vomissements. Cependant, son efficacité est mal établie chez l’enfant. La forme injectable dispose d’une autorisation de mise sur le marché dans la prévention ou le traitement des vomissements induits par la chimiothérapie anticancéreuse, chez l’adulte et l’enfant de plus de 12 ans.

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Compte tenu des effets indésirables de ces molécules, la HAS précise qu’elles ne devraient être prescrites (hors indications oncologiques) que lorsque les nausées et vomissements peuvent entraîner, à court terme, des complications graves ou gênantes. La posologie la plus faible possible sur la durée la plus courte possible est recommandée : limitée à 7 jours pour la dompéridone et à 5 jours pour le métoclopramide et la métopimazine (2 jours si cette dernière est utilisée sans avis médical).  

L’alizapride est indiqué uniquement chez l’adulte dans le traitement des nausées et vomissements chimio-induits par voie intraveineuse ou intramusculaire.

Autres antagonistes dopaminergiques utilisés comme antiémétiques

L’olanzapine (Zyprexa), neuroleptique de 2e génération, est un antagoniste dopaminergique D2 qui agit aussi sur les récepteurs sérotoninergiques 5-HT3 et histaminiques H1. Elle a des propriétés antiémétiques mises à profit hors autorisation de mise sur le marché dans les nausées et vomissements induits par les traitements anticancéreux (NVITAC). Elle est recommandée chez l’adulte par le consensus Esmo-Mascc* pour les NVITAC aigus et retardés liés aux chimiothérapies hautement émétisantes en association avec les antagonistes 5-HT3 (sétrons), les anti-NK1 (bloquant les récepteurs de la substance P comme l’aprépitant et le nétupitant) et les corticoïdes, ainsi qu’en traitement de secours (en cas de NVITAC réfractaires). Lors de la délivrance de l’olanzapine, il convient d’expliquer au que cette efficacité est démontrée, afin qu’il ne soit pas surpris par les indications antipsychotiques de la notice. 

L’halopéridol (Haldol) et le dropéridol (Droleptan à l’hôpital), antagonistes dopaminergiques d’action centrale, sont utilisés par voie intraveineuse à l’hôpital, dans les nausées et vomissements postopératoires chez l’adulte, et pour le dropéridol, en seconde intention chez l’enfant.

* Consensus de décembre 2023 de la Société européenne d’oncologie médicale (Esmo) et de l’Association multinationale des soins de support du cancer (Mascc).

Pharmacocinétique

Distribution variable au niveau cérébral. Le métoclopramide, qui se lie peu aux protéines plasmatiques, est largement distribué dans les tissus et diffuse bien au travers de la barrière hématoencéphalique (BHE). Il exerce un effet périphérique et central. L’alizapride et la métopimazine diffusent dans le cerveau de façon plus limitée.

La dompéridone, très liée aux protéines plasmatiques, passe difficilement au travers de la BHE. Son action, essentiellement périphérique, explique qu’elle est la seule molécule recommandée chez le patient parkinsonien.

Élimination. L’alizapride, le métoclopramide et la métopimazine sont éliminés principalement par voie urinaire sous forme inchangée (alizapride, métoclopramide) ou sous forme de métabolites acides (métopimazine).

La dompéridone subit un important métabolisme hépatique par le cytochrome P450 (CYP) 3A4, en particulier avant d’être excrétée par voies urinaire et fécale.

Effets indésirables : neurologiques et cardiaques

Ces médicaments peuvent induire des effets indésirables neurologiques : somnolence, dystonies précoces à type de torticolis, de crises oculogyres ou de trismus, dyskinésies tardives (lors de traitements prolongés, notamment chez le sujet âgé), syndromes extrapyramidaux, convulsions, risque exceptionnel de syndrome malin (décrit sous métoclopramide). Ces effets sont plus rares avec la dompéridone, qui passe difficilement la barrière hématoencéphalique.

Du fait d’un éventuel effet antagoniste dopaminergique au niveau hypophysaire, ils peuvent induire des troubles endocriniens, surtout lors d’un traitement prolongé : augmentation de la sécrétion de prolactine entraînant gynécomastie, galactorrhée, douleurs mammaires et troubles des règles. Ils peuvent aussi induire des troubles sexuels comme l’impuissance ou la frigidité.

La dompéridone et le métoclopramide sont susceptibles d’allonger l’intervalle QT à l’électrocardiogramme et favoriser la survenue de troubles du rythme ventriculaires graves tels que des torsades de pointe, en particulier dans un contexte d’hypokaliémie ou de bradycardie, avec un risque de mort subite.

Le métoclopramide est aussi incriminé dans l’apparition de méthémoglobinémie chez le nourrisson.

La métopimazine, du fait de ses propriétés anticholinergiques, peut induire des troubles neurovégétatifs : hypotension orthostatique, sécheresse buccale, constipation, perturbation de l’accommodation et rétention urinaire.  

Contre-indications

Antécédents de dyskinésie. L’alizapride et le métoclopramide sont contre-indiqués en cas d’antécédents de dyskinésies tardives sous neuroleptiques et le métoclopramide l’est également chez les patients épileptiques et les parkinsoniens.

L’alizapride, la dompéridone et le métoclopramide sont contre-indiqués dans les situations pour lesquelles la stimulation de la motricité digestive est dangereuse (obstruction ou perforation digestives).

La dompéridone présente une contre-indication en cas d’insuffisance hépatique, d’affections cardiaques sous-jacentes, de troubles électrolytiques importants et chez les patients ayant un allongement connu de l’intervalle QT, ainsi qu’en cas de tumeur hypophysaire à prolactine.

La métopimazine est contre-indiquée en cas de risque de glaucome à angle fermé et de rétention urinaire liée à des troubles urétroprostatiques, en raison de son activité anticholinergique.

D’après la HAS, l’usage de dompéridone ou de métoclopramide doit être évité chez les patients âgés, ainsi que chez les femmes enceintes ou allaitantes. Le métoclopramide ne doit pas être prescrit aux patients ayant des troubles de la conduction cardiaque, un déséquilibre hydroélectrolytique, une bradycardie, ou d’autres médicaments susceptibles d’allonger l’intervalle QT. La métopimazine, du fait de ses propriétés anticholinergiques, est à éviter également chez le sujet âgé (elle était déjà considérée comme un médicament inapproprié en gériatrie).  

Principales interactions

Médicaments dopaminergiques. L’alizapride et le métoclopramide sont contre-indiqués avec les médicaments dopaminergiques et la dopathérapie du fait d’un antagonisme réciproque.

La dompéridone est contre-indiquée avec les médicaments allongeant l’intervalle QT (par exemple, antiarythmiques de classe Ia et III, citalopram, escitalopram, mizolastine, lévofloxacine, méthadone) et les inhibiteurs puissants du CYP3A4 (antifongiques azolés, clarithromycine, inhibiteurs de protéase, etc.) ; elle est déconseillée avec les inhibiteurs modérés du CYP3A4 (diltiazem, vérapamil, notamment).  

L’association de métopimazine avec d’autres anticholinergiques augmente le risque d’effets indésirables atropiniques.

La consommation d’alcool est déconseillée avec toutes les molécules. Leur association avec les autres dépresseurs du système nerveux central majore le risque de somnolence.

Sources : « Ne pas banaliser les traitements antiémétiques », Réseau français des centres régionaux de pharmacovigilance, 2019 ; « Antiémétiques : les points essentiels », site du Collège national de pharmacologie médicale (parmacomediacle.org) ; « Médicaments antiémétiques dans le traitement symptomatique des nausées et des vomissements », HAS, 2022 ; « Utilisation des antiémétiques par le praticien », Revue médicale suisse, 2017 ; base de données publique des médicaments ; Thésaurus des interactions médicamenteuses de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).