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L’ONDAM dérape, l’officine trinque
Comme d’habitude, l’ONDAM dérape, mais pas suffisamment pour que le comité d’alerte ne réclame un nouveau plan d’économie. Si les syndicats ne craignent donc pas une nouvelle contribution dans l’immédiat sur le médicament, la négociation d’une revalorisation de la rémunération paraît en revanche délicate. Et ne saurait se faire qu’à coût constant pour l’assurance maladie.
Rien ne va plus ! La tension économique s’est encore accentuée depuis le 1er janvier. En cumul sur les quatre premiers mois de l’année, les ventes de médicaments ont chuté de 3,9 % en unités par rapport à la même période de 2007. Dans le même temps, le chiffre d’affaires de la pharmacie progresse insuffisamment (+ 1,25 %) pour pouvoir compenser la baisse du taux de marge. De fait, la marge cède 0,9 % en valeur. Philippe Gaertner, président de la FSPF, y voit là les effets délétères du plan Médicament sur l’activité des officines. « En 2006, l’officine a enregistré une perte de marge de 160 MÛ, et même si 2007 a été une année légèrement positive (+ 70 MÛ), la rémunération des pharmaciens baisse sans discontinuer depuis le 31 décembre 2005. »
Avec une perte cumulée de 107 MÛ, la détérioration de la situation économique devient très préoccupante… et fait de plus en plus de victimes. Le nombre de dépôts de bilan de pharmacies en 2007 serait déjà dépassé en six mois sur 2008, d’après le groupement Evolupharm. C’est pourquoi la FSPF maintient sa demande de revalorisation de la première tranche de marge de 22,90 euros à 27 euros. « Le relèvement du plafond de la première tranche tient compte du déplacement vers le haut de la valeur moyenne de la boîte de médicament – lié, entre autres, aux grands conditionnements – mais aussi de la participation de l’officine au plan d’économie de l’Assurance maladie, répète Philippe Gaertner. En récupérant 90 millions d’euros de marge, on ne ferait que remettre les compteurs à zéro par rapport à l’enveloppe de fin 2005. »
Une revalorisation de la MDL est impossible estime l’UNPF
Cette demande de la FSPF suscite l’incompréhension de Claude Japhet, président de l’UNPF. « La messe est dite ! Il ne peut plus y avoir aucune discussion sur une quelconque revalorisation de la MDL, et ce pour plusieurs raisons : l’ONDAM est largement dépassé, les déficits s’accroissent, le coût élevé de notre système de distribution revient de plus en plus dans les discours politiques, enfin, nous sortons juste d’une phase de revignetage cumulant baisses de prix, nouveaux TFR, déremboursements, nouvelle marge grossiste. L’Etat n’est certainement pas disposé à lancer une nouvelle opération sur les vignettes à quelques mois d’intervalle. » Par ailleurs, Claude Japhet estime que « la pharmacie se fait planter économiquement par la dernière tranche, la moins rémunératrice, compte tenu du fait que seuls les médicaments chers tirent aujourd’hui la croissance ».
De son côté, Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO, pense que la démarche de la FSPF est risquée, qu’elle peut se retourner contre la profession et aller à l’encontre de la revalorisation recherchée.
En supposant qu’il y ait un espoir, force est constater que le contexte actuel s’y prête mal. Certes, mardi, la CNAMTS soulignait la modération de la croissance de remboursements des soins de ville et du médicament en 2008, respectivement de + 1,5 % et – 2,2 % à fin avril. Avec un « effet franchises » estimé à – 4 points par l’Assurance maladie. Certes, le lendemain, la commission des comptes de la Sécurité sociale faisait état d’un déficit de 8,9 milliards d’euros, moindre que prévu… mais surtout en raison d’un apport inattendu de recettes liées à l’augmentation de la masse salariale. Reste que, dans son avis n° 6 rendu le 30 mai 2008, le comité d’alerte indique bien que le dépassement de l’ONDAM se situerait entre 500 et 900 MÛ, c’est-à-dire très proche du seuil d’alerte (0,75 % des dépenses, soit 1,1 MdÛ en 2008). Autant dire qu’il sera très vigilant au cours des prochains mois. D’ailleurs, il a déclaré « qu’il se réserve d’intervenir à l’été si nécessaire ».
A propos du transfert en ville d’une partie importante de l’activité hospitalière qui plombe l’ONDAM, Gilles Bonnefond souhaite faire cesser ce « jeu de dupe » et a demandé à l’Union nationale des professions de santé de prendre une position officielle « pour que l’on arrête de stigmatiser les dépenses de villes qui sont nullement responsables des dérapages ».
Des groupes de travail pour proposer des transferts de tâches
En cas de non-revalorisation de la MDL, tous les espoirs syndicaux se porteront sur la coordination des soins et les nouvelles missions (suivi thérapeutique, accompagnement des patients fragiles…) qui pourraient être confiées aux pharmaciens dans le cadre de la coopération entre professionnels de santé. Actuellement en négociation, elles seront un facteur de croissance. « Mais ne nous faisons pas d’illusion, une nouvelle rémunération des pharmaciens ne se fera qu’à coût constant pour l’assurance maladie », prévient Claude Japhet. « Une enveloppe supplémentaire ne peut exister que si elle est génératrice d’une économie au moins égale », ajoute Philippe Gaertner.
Des groupes de travail seront mis en place fin juin. Ils auront pour objet d’avancer concrètement sur les transferts possibles de tâches vers les pharmaciens et de formuler des propositions qui pourront alors être transcrites dans le projet de loi « santé, patient et territoire » présenté par le ministre de la Santé à la session parlementaire d’automne. « L’intervention du pharmacien et la qualité de prise en charge du patient entre deux consultations du médecin peuvent apporter de l’efficience au système, il y a des économies à la clé », assure Gilles Bonnefond. Toutefois, Philippe Gaertner est conscient que la valorisation apportée par le pharmacien et les économies seront difficiles à chiffrer. « Concernant l’accompagnement des malades chroniques, il faudra travailler sur des populations cibles pour pouvoir évaluer les impacts des interventions du pharmacien et, concernant la nouvelle rémunération, passer par des stades d’expérimentation ».
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