Les officinaux ne sont pas épargnés par la crise

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Publié le 13 juin 2009
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Les perspectives de la profession pour l’année 2009 apparaissent aussi sombres que l’année dernière. C’est ce que révèle l’étude annuelle de KPMG, montrant que, dans ce contexte difficile et de fragilisation de l’économie, plus aucune officine n’est épargnée par la crise.

En 2008, la marge s’érode et les revenus baissent

Une année difficile pour tous. C’est ce qu’il faut retenir de ce premier volet de l’analyse de KPMG consacré au bilan et aux moyennes professionnelles 2008. Pour ce 17e exercice du genre, l’échantillon retenu est de 908 officines. Celles-ci se ventilent, par typologie, en 6 % d’officines de centre commercial, 50 % de zone urbaine et 44 % de zone rurale ; et, par taille, en 31 % d’officines dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1 100 kÛ, 53 % au CA compris entre 1 100 kÛ et 2 200 kÛ et 16 % d’officines avec un CA supérieur à 2 200 kÛ.

Un chiffre d’affaires encore stable. Sur les résultats d’ensemble, les évolutions et ratios clés de l’officine médiane (la médiane partage les valeurs d’une série statistique en deux groupes de même effectif, au-dessus et au-dessous de cette valeur médiane) sont sans surprise, à une exception près : le chiffre d’affaires. Il progresse sur l’exercice 2008 de 2,51 % contre 1,37 % en 2007, alors qu’une croissance plus faible, de l’ordre de 1,5 %, ressort comme un point de convergence dans d’autres études statistiques (Interfimo, Fédération des centres de gestion agréés…).

Selon Patrick Bordas, responsable du réseau santé de KPMG, cet écart tient certainement à la proportion, variable d’un échantillon à l’autre, de pharmacies qui clôturent sur l’année civile par rapport à celles qui arrêtent leur bilan en cours d’année.

Une marge qui continue de décliner. L’érosion du taux de marge semble insensible à ces aspects méthodologiques. Toutes officines confondues, le taux de marge médian repart à la baisse (0,30 point à 27,31 %) après une période de stabilisation en 2007. Cette dégradation de la marge est assez conforme aux données des autres enquêtes. Les autres indicateurs clés de la rentabilité emboîtent le pas : la performance commerciale et de gestion ou PCG (EBE retraité des cotisations personnelles du titulaire) abandonne 0,48 point (- 0,58 point en 2007 et – 1,23 point sur 3 ans) et l’EBE est en baisse constante et régulière de 0,33 point à 10,49 %. KPMG relève un léger mieux sur les frais de personnel dont le poids rapporté au CA diminue un peu (0,04 point à 10,30 %).

Traditionnellement, l’augmentation de l’activité permet de compenser, en partie au moins, la baisse du taux de marge, offrant même, pour certaines officines, un maintien ou une progression de la marge en volume. Cette compensation ne se retrouve pas en 2008, bien que la hausse du CA soit supérieure à l’inflation.

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Des revenus qui chutent. Au total, le résultat net des officines accuse une forte baisse (- 0,74 point à 6,77 %), d’où une perte de revenus professionnels de 7 000 euros sur l’année. En période de contraction du résultat net, les dépenses liées au train de vie représentent la première variable d’ajustement du titulaire. « La correction opérée à ce niveau par les pharmaciens n’apparaît pas suffisante eu égard des évolutions », analyse Patrick Bordas. L’étude des ratios moyens des éléments du besoin en fonds de roulement montre une légère augmentation du délai moyen de rotation des stocks (39,89 jours de chiffre d’affaires), une stabilisation du crédit client (7,74 jours) mais, surtout, une nouvelle et sensible augmentation du crédit fournisseurs (43,52 jours) en réponse au mauvais réajustement du train de vie.

« La consommation de la dette pour assurer le fonctionnement courant de l’entreprise est une politique extrêmement dangereuse pour l’entreprise », alerte Emmanuel Leroy, responsable Ile-de-France de KPMG. Selon ses estimations, une officine « médiane », ayant réalisé un chiffre d’affaires de 1 354 000 Û et sortant un résultat net de 92 000 Û en 2008 a perdu sur les trois dernières années 13 000 Û de résultat.

Perspectives 2009 : la morosité gagne du terrain

Le chiffre d’affaires commence à baisser. Les résultats de l’enquête « Perspectives » de KPMG réalisée auprès des pharmaciens et des acteurs qui les entourent font apparaître une vision anticipée et partagée de la poursuite de la dégradation de tous les indicateurs clés de l’économie de l’officine en 2009. Plus de la moitié (55 %) des titulaires pensent que leur CA va baisser cette année, alors qu’ils n’étaient qu’un tiers à le prédire en 2008. Les faits semblent leur donner raison (baisses comprises entre 5 % et 15 % sur les deux premiers mois de l’année). Les banquiers qui les financent partagent leur avis (19 % des réponses contre 9 % l’an dernier). En revanche, cette perception n’est pas partagée par les transactionnaires et les autres acteurs. La crainte d’une baisse est ressentie sur toutes les activités (médicament, OTC, para) par une proportion plus forte de pharmaciens qu’en 2008. « La perception d’une progression sur l’OTC se réduit (le taux passe de 57 % à 40 %) suite aux espoirs déçus des pharmaciens sur le libre accès », commente Patrick Bordas.

Les anticipations sont également moroses sur l’évolution du taux de marge (89 % des réponses) et du résultat (73 % contre 48 % en 2008) et partagées cette fois par tous les acteurs, avec des conséquences possibles sur les prix des officines. Selon lui, l’érosion de 0,10 à 0,20 point par an de la marge va s’accentuer en 2009 : « La pharmacie risque de perdre en une année ce qu’elle perdait habituellement en deux années. »

Des réductions d’effectif à la clé. En réaction à ces sombres perspectives, les pharmaciens entendent privilégier leur présence au comptoir plutôt que de perdre du temps à dresser des prévisionnels et à travailler des indicateurs (plan de trésorerie, tableau de bord, suivi de marge en valeur…) sur lesquels ils n’ont plus aucune prise. Une erreur selon Patrick Bordas : « C’est surtout dans les périodes de tourmente qu’il faut relever sa position pour ne pas prendre le risque de s’égarer. » Le recours au groupement reste un élément fort pour 64 % des pharmaciens alors que 20 % ont en tête de réduire leur effectif. « Il est vrai que les frais de personnel absorbent aujourd’hui 34 % de la marge en moyenne contre 30 % il y a seulement quelques années », souligne-t-il, avant d’ajouter qu’il ne faut pas non plus négliger une autre variable d’ajustement en période de vaches maigres : la baisse des prélèvements personnels.

Le libre accès reste une mesure compensatoire qu’envisagent de mettre en place 50 % des 96 pharmaciens de l’enquête. Enfin, même si 6 pharmaciens sur 10 s’installent en SEL, pour les titulaires en place cette forme sociétaire (de même que le changement de régime fiscal en faveur de l’IS) n’est pas la panacée en raison du manque de visibilité à la sortie.

Taux de marge

(toutes officines confondues) en %

Toutes officines confondues, le taux de marge médian en 2008 (27,31 %) à perdu 0,30 point par rapport à l’année précédente.

Evolution du taux de résultat sur trois ans en %

Le revenu net des officines baisse de 0,74 point en 2008 à 6,77 %, d’où une perte de revenus professionnels de 7000 euros sur l’année.

Evolution du compte de résultat de l’officine médiane de 2006 à 2008

en %

Selon KPMG, le résultat net d’une officine « médiane » en 2008 est de 92 000 euros. Soit 13 000 euros de moins qu’en 2006.

Les centres commerciaux trinquent

-Au niveau CA, les officines de centre commercial (+ 1,75 %) souffrent plus que les officines urbaines (+2,43%) et rurales (+2,89%) du ralentissement économique. « Leur CA décroche davantage en raison de la structure de leurs ventes qui sont moins liées à la dépense de santé remboursée ; elles sont plus fragiles dans une situation de tension sur les dépenses des ménages », explique Patrick Bordas, de KPMG. Elles perdent aussi leur avance sur la marge (- 0,60 point à 27,53%), réduisant ainsi les écarts avec les officines rurales et urbaines (27,31 %).

-Le poids du personnel en valeur relative diminue plus dans les officines de centre commercial (- 1,34 point, contre – 0,17 point en zone urbaine et + 0,16 point en zone rurale). Les départs ne sont pas remplacés dans ces officines qui disposent d’une main-d’oeuvre suffisamment importante pour absorber des réductions d’effectifs.

-Le CA des petites officines (+ 0,76 %) est à la traîne. Elles voient aussi leur taux de marge perdre près de 0,50 point. Elles souffrent sur l’EBE (- 0,24 point), alors que cet indicateur augmente pour les officines situées dans la moyenne (+ 0,51 point).

-La hausse du personnel est plus importante dans les petites officines (+ 0,95 point).