La Sécu à l’aube des transferts de charges

Réservé aux abonnés
Publié le 30 août 2008
Mettre en favori

Pour combler le déficit de l’assurance maladie, les ministres de la Santé et du Budget n’ont rien trouvé de mieux, dans le plan annoncé en juillet, que de taxer les complémentaires santé à hauteur d’un milliard d’euros en 2009. Sans conséquence sur le pouvoir d’achat, assurent-ils. Douteux…

Devinette. Comment boucher un trou estimé à 4,1 MdEuro(s) en 2008 sans se mettre à dos des assurés finançant déjà 55 %* du risque maladie ? En leur faisant avaler un plan de redressement de 3,6 MdEuro(s) visant à « préserver [leur] pouvoir d’achat », a assuré Roselyne Bachelot sur France Inter. Pourtant, à y regarder de plus près, les bonnes nouvelles de ce plan d’économies en cachent des moins réjouissantes.

Cet été, les ministres de la Santé et du Budget Roselyne Bachelot et Eric Woerth ont commencé la présentation du plan de redressement de l’assurance maladie pour 2009 en garantissant que le ticket modérateur n’augmentera pas et que les droits des assurés atteints d’ALD ne seront pas remis en cause. Avant d’annoncer (une énième fois) vouloir développer la prévention, infléchir la consommation de soins dont la justification médicale est discutable et modifier les prix dans des secteurs où les tarifs sont trop élevés. Objectif : 2 milliards d’économies. Une somme conséquente mais encore insuffisante au vu du déficit.

Le plan prévoit donc aussi dans le PLFSS 2009 un prélèvement acquitté par les employeurs sur, notamment, l’intéressement et la participation. Son taux serait compris « entre 3 et 5 % ». Une mesure que le Medef dit « regretter profondément », estimant que cette orientation est « préjudiciable pour les entreprises ».

L’organisation patronale ne sera pas la seule à regretter les propositions du gouvernement en la matière. En effet, les complémentaires santé seront également appelées l’an prochain à contribuer au financement solidaire de l’assurance maladie, à hauteur de 1 milliard d’euros. « C’est normal, a affirmé Roselyne Bachelot, puisque c’est la prise en charge de l’assurance maladie qui leur a permis des rentrées d’argent » avec le vieillissement de la population et la croissance des personnes en ALD. Faute d’oser, pour l’instant, des transferts de prise en charge qui sonneraient comme un désengagement de la Sécu, c’est la voie de la taxation qui a été choisie. Ce qui revient financièrement au même. Les syndicats de salariés et les associations de patients craignent déjà le pire et dénoncent « une véritable privatisation du système ».

Publicité

Transferts de charges à retardement

Si les représentants des organismes complémentaires d’assurance maladie (OCAM) dénoncent évidemment cette décision unilatérale, elles admettent avoir restauré leurs marges ces dernières années, et le président de la Mutualité française ne nie pas que des mutuelles aient « quelques marges de manoeuvre ». Jean-Pierre Davant promet également d’appeler ses mutuelles à ne pas répercuter la nouvelle taxation des complémentaires sur la cotisation de leurs adhérents… cette année. Pour l’année prochaine, « on verra si c’est possible ou pas »… Et la Fédération des mutuelles de France, la Fédération française des sociétés d’assurances, le Centre technique des institutions de prévoyance et Axa France de renchérir : cette contribution se traduira soit par des augmentations de cotisations soit par un réaménagement des prestations.

Autrement dit, Roselyne Bachelot et Eric Woerth viennent de mettre en place un transfert de charges à retardement. Ils s’en défendent cependant : « Il n’y a aucune raison que les OCAM augmentent les cotisations, a déclaré la ministre de la Santé. Nous sommes dans un système de libre concurrence. D’ailleurs, si votre OCAM augmente ses cotisations, vous avez toute possibilité de vous tourner vers une autre complémentaire. » Interrogé sur Europe 1 lundi dernier, le ministre du Budget estime pour sa part avoir « présenté avec Roselyne Bachelot des mesures extrêmement efficaces qui ne touchent pas les malades ! Je le dis parce que les polémiques vont vite là-dessus ». Et pour cause.

Participation à la gestion du risque et accès aux données

Sans vouloir jeter de l’huile sur le feu, le gouvernement s’est par ailleurs engagé à ouvrir aux OCAM l’accès anonymisé aux données de remboursement. La Mutualité française a signé le 28 juillet avec les ministres de la Santé et du Budget un protocole dans lequel le gouvernement fait cette promesse. S’y ajoute la mise en place de négociations tripartites associant désormais les OCAM « en tant que copayeurs » aux négociations entre l’assurance maladie et les professionnels de santé, « en priorité dans les secteurs comme les frais d’optique ou les soins dentaires ». La Mutualité demande la traduction législative et réglementaire de ces engagements dès le PLFSS. Sinon, « le conflit évité en juillet aura lieu à coup sûr en octobre » ! Verdict le 29 septembre prochain, date de présentation du PLFSS devant la commission des Comptes de la Sécurité sociale.