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- 4/5 – Conseils associés : accompagner le patient souffrant de douleurs neuropathiques
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4/5 – Conseils associés : accompagner le patient souffrant de douleurs neuropathiques
Pour soutenir le patient et lui apporter des conseils adaptés, il est nécessaire de connaître l’impact des douleurs neuropathiques sur la vie quotidienne et de savoir le renseigner sur les différents moyens thérapeutiques adaptés.
Les douleurs neuropathiques vues par les patients
Impact sur la qualité de vie
Les douleurs ont des répercussions sur les activités quotidiennes et physiques. Elles peuvent occasionner des troubles de l’appétit, de la libido, du sommeil et de la fatigue. Elles ont également un retentissement professionnel (diminution des performances, arrêts de travail, etc.) et peuvent nécessiter une adaptation des horaires et/ou du poste voire un reclassement professionnel.
Impact psychologique
Le fort retentissement sur la qualité de vie peut conduire à de l’anxiété, voire à une dépression. Un sentiment d’incompréhension est ressenti par certains patients qui n’osent pas décrire leurs symptômes de peur de ne pas être crus. Les douleurs neuropathiques sont souvent sous-estimées par l’entourage : le patient se sent seul et se replie sur lui-même.
À dire aux patients
À propos des douleurs neuropathiques
Ne pas hésiter à parler de ses douleurs
Dans le cadre d’une demande spontanée de conseils concernant des symptômes évocateurs de douleurs neuropathiques, le pharmacien peut proposer le questionnaire DN4 (disponible en ligne sur le site de la SFETD et de la HAS). Il permet d’orienter le patient vers un médecin en cas de probabilité de douleurs neuropathiques.
Conseiller au patient de préparer la consultation afin qu’il décrive sa douleur avec des mots précis (par exemple brûlure, décharge électrique, froid douloureux, caractère continu ou discontinu) et qu’il renseigne le médecin sur les circonstances de survenue des douleurs (spontanées ou déclenchées par un frottement ou par un effort par exemple).
Lui suggérer de proposer à un proche de l’accompagner lors d’une consultation afin que celui-ci le comprenne mieux.
Comprendre ses douleurs
Expliquer au patient en quoi la douleur neuropathique est différente d’une douleur classique : elle est due par un dysfonctionnement du système nerveux, et non par une lésion tissulaire. Elle entraîne donc des sensations désagréables même si aucune blessure n’est visible. Cela lui permettra de mieux comprendre pourquoi les médicaments prescrits ne sont pas les antalgiques habituels.
Adapter son hygiène de vie
Insister sur l’importance de continuer à pratiquer une activité physique régulière et adaptée (avec périodes de repos si nécessaire) car l’inactivité à long terme entraîne raideurs, mauvaises postures et fonte musculaire qui majorent les douleurs.
Pour améliorer le sommeil, déconseiller la consommation d’excitants (thé ou café par exemple) le soir et la pratique d’activité physique en fin de journée, éviter l’exposition aux écrans le soir et abaisser la température de la chambre à + 19 ou + 20 °C.
Interroger le patient pour qu’il sache identifier et éviter les facteurs qui majorent les douleurs : fatigue, stress, démoralisation, focalisation sur les douleurs, efforts intellectuels ou physiques intenses… À l’inverse, le repos, la relaxation, l’optimisme, la distraction de l’attention via des loisirs, un sport adapté, diminuent la douleur. Encourager la tenue d’un agenda des douleurs (téléchargeable par exemple sur www.hpth-sainte-marguerite.fr) qui permet d’aider à identifier les facteurs déclenchants.
Encourager le patient à continuer à avoir des projets et maintenir un lien social pour lutter contre l’isolement. Lui conseiller d’adhérer à une association de patients, qui permet de partager avec d’autres malades et de se sentir mieux compris.
Renseigner sur les aides financières : en cas d’incapacité à travailler, une pension d’invalidité pour compenser la perte de revenus peut être versée par la Sécurité sociale.
Question de patient
« Cela fait 2 semaines que j’ai commencé un traitement par gabapentine mais les douleurs sont toujours là et en plus je suis constipé. Je crois qu’il vaut mieux que j’arrête ce médicament ! »
Le début du traitement est délicat car les effets indésirables apparaissent avant le soulagement. Il faut continuer le traitement, car il est normal que l’efficacité ne soit pas immédiate. Ne vous découragez pas. Pour lutter contre la constipation, essayez d’enrichir votre alimentation en fibres (crudités, légumes verts, pain aux céréales complètes) et buvez davantage d’eau. Si vos douleurs vous le permettent, essayez de marcher et de bouger un peu plus que d’habitude.
À propos des traitements
Traitement médicamenteux
Expliquer le traitement
Les médicaments de première intention sont les antiépileptiques et les antidépresseurs. Rassurer le patient qui ne comprend pas le lien entre ses douleurs et les médicaments : la prescription d’antiépileptiques ou d’antidépresseurs ne veut pas dire qu’il est épileptique ou dépressif et les posologies utilisées comme antalgiques ne sont d’ailleurs pas les mêmes que dans ces indications.
L’informer que les médicaments diminuent les douleurs mais ne les suppriment pas totalement, d’où l’intérêt de les associer à des thérapies non médicamenteuses.
Optimiser l’adhésion thérapeutique
Les antiépileptiques et antidépresseurs ont un délai d’action de 2 à 4 semaines. Il faut en informer le patient lors de la délivrance, afin qu’il ne conclue pas trop hâtivement à leur inefficacité et reste observant.
Les traitements doivent se prendre tous les jours (et non à la demande comme les antalgiques classiques) pendant plusieurs mois.
Point de vue : Dr Didier Bouhassira, neurologue, centre d’évaluation et de traitement de la douleur, hôpital Ambroise-Paré (Hauts-de-Seine) et directeur de l’unité de recherche Inserm de physiopathologie et pharmacologie de la douleur
Comment les pharmaciens peuvent-ils aider les patients à une meilleure compréhension et un bon usage de leurs traitements ?
Il faut avant tout renforcer le discours du médecin et rassurer le patient qui, bien souvent, arrive à la pharmacie très déçu par une prescription d’antidépresseur, voire réticent à la prise de ce médicament. Il se sent incompris par le médecin, même s’il n’a pas osé lui dire lors de la consultation, et s’en ouvre au pharmacien : il pense que le médecin met sa douleur sur le compte d’une dépression. Paradoxalement, les patients sont souvent moins surpris par une prescription d’antiépileptique. Il est donc important, pour améliorer la compliance au traitement, que le pharmacien explique au patient, que même s’ils ont été initialement commercialisés dans d’autres indications, les médicaments prescrits ont une véritable action démontrée sur la douleur, indépendante de leurs propriétés antidépressives ou antiépileptiques, et que d’ailleurs toutes les molécules de la classe thérapeutique ne sont pas utilisées dans les douleurs neuropathiques.
Un autre message important est bien évidemment de faire attention au mésusage en insistant sur les risques de dépendance liée à la prégabaline et au tramadol. Ce dernier est l’opiacé qui pose le plus de problèmes de dépendance, plus que les morphiniques.
Quelle est en général la durée du traitement ?
Les douleurs neuropathiques sont des douleurs chroniques, le traitement est donc long. Il peut durer plusieurs mois, voire des années. C’est pour cela qu’il est fondamental de réévaluer celui-ci au bout de 3 à 6 mois de traitement à la dose optimale efficace et bien tolérée, puis régulièrement, pour essayer de baisser la dose de façon à permettre, au long cours, un traitement qui donne un résultat aux doses les plus faibles possibles.
Les cannabinoïdes pourraient-ils avoir une place dans le traitement des douleurs neuropathiques ?
Pour l’instant, ils n’ont aucune place officielle dans la stratégie. La question est débattue au niveau international : il y a peu d’études en faveur d’une efficacité démontrée, seulement quelques études suggérant un intérêt. De plus, c’est difficile de conclure car les produits utilisés sont très hétérogènes, combinant le tétrahydrocannabinol et le cannabidiol à des doses différentes. En France, on attend les résultats définitifs de l’expérimentation menée dans les officines volontaires. Mais c’était une étude portant sur la faisabilité et non l’efficacité à proprement parler*.
* L’expérimentation a pris fin le 30 juin 2025 mais le gouvernement a saisi la Haute Autorité de santé en début d’année pour évaluer l’intérêt du cannabis thérapeutique et un avis de la Commission européenne est attendu pour encadrer la généralisation l’usage du cannabis médial en France.
Prévenir et gérer les effets indésirables
Insister sur la nécessaire bonne observance de la prescription : le respect de la titration progressive et fondamentale pour prévenir les effets indésirables.
Somnolence, fatigue, vertiges sont fréquents au début mais ont tendance à s’améliorer avec la poursuite du traitement. Déconseiller impérativement la consommation d’alcool qui majore la sédation et alerter sur les dangers liés à la conduite automobile.
Les médicaments peuvent également entraîner une prise de poids et une constipation qui peuvent être limitées par des mesures hygiénodiététiques.
La sécheresse buccale (causée par l’effet anticholinergique des antidépresseurs tricycliques) peut être limitée en suçant des bonbons pour stimuler la production de salive. Si nécessaire, des sprays buccaux (comme Aequasyal, Artisial, Gum hydral) seront conseillés.
Pour éviter les manifestations d’hypotension orthostatique, conseiller d’éviter les changements brusques de position. Sur avis médical, le port de bas de compression veineuse de classe II peut également être utile. Dès les premiers symptômes (vertiges, troubles visuels notamment), ne pas rester debout pour éviter les chutes.
Informer le patient et ses proches que toute fièvre ou éruption cutanée sous antiépileptiques doit conduire à une consultation rapide. Par ailleurs, rappeler qu’une surveillance biologique (numération formule sanguine, bilan hépatique, ionogramme) est nécessaire sous carbamazépine.
La carbamazépine et la prégabaline étant tératogènes, les patientes en âge de procréer doivent suivre une contraception efficace (vérifier les renouvellements de pilule et que celle-ci soit bien associée dans le cas de la carbamazépine, à une méthode mécanique, ou demander si la patiente a un stérilet). Vérifier la présentation de l’attestation d’information partagée avec l’ordonnance de carbamazépine.
Mettre en garde contre les dangers de l’automédication : déconseiller en particulier la prise de millepertuis susceptible d’induire un syndrome sérotoninergique en association avec les antidépresseurs et le tramadol.
Question de patient
« Cela fait maintenant 4 mois que je suis sous duloxétine et ça va beaucoup mieux. Le médecin me l’avait prescrite pour 6 mois mais pensez-vous que je puisse essayer d’arrêter le traitement ? »
Il ne faut pas arrêter prématurément et brutalement votre traitement de vous-même car non seulement vos douleurs risquent de réapparaître, mais un syndrome de sevrage avec des insomnies et des nausées peut aussi survenir. Respectez bien la prescription du médecin qui vous indiquera en temps voulu quand et comment arrêter le médicament de manière progressive.
Thérapeutiques non médicamenteuses
La neurostimulation électrique cutanée
Le neurostimulateur ne doit pas être utilisé à proximité d’un micro-onde ou téléphone portable (risque de faire varier les paramètres de stimulation). Les électrodes s’appliquent sur une peau propre et non lésée. Si elles ont du mal à coller à la peau, l’application de quelques gouttes d’eau sur la face autocollante augmente l’adhérence. Après usage, les replacer sur leur support papier puis dans leur emballage, et les stocker au réfrigérateur pour qu’elles gardent leur souplesse.
L’appareil est pris en charge, d’abord à la location pendant 6 mois maximum, puis à l’achat. Les électrodes sont prises en charge sur la base d’un lot de 4 tous les 15 jours.
Techniques de relaxation
Des exercices de relaxation gratuits, à pratiquer chez soi, sont mis en ligne par le réseau ville-hôpital « lutter contre la douleur » d’Île-de-France.
L’essentiel
- Lors de la délivrance, (ré)expliquer au patient pourquoi le médecin lui a prescrit des antidépresseurs ou des antiépileptiques et non des antalgiques.
- Les antiépileptiques et les antidépresseurs sont à prendre quotidiennement et non à la demande. Leur efficacité n’est pas immédiate. Bien respecter les augmentations progressives des doses pour limiter les effets indésirables.
- Informer le patient des risques de somnolence et de vertiges liés au traitement et déconseiller la consommation d’alcool.
En savoir plus
Association francophone pour vaincre les douleurs (AFVD) : association-afvd.com
L’association a pour mission d’aider les patients souffrant de douleurs chroniques, neuropathiques notamment, afin d’améliorer leur qualité de vie. Elle propose entre autres à ses adhérents des temps d’échanges dans le cadre de « cafés zoom » ainsi que des podcasts sur la neurostimulation. Elle a également développé un programme d’éducation thérapeutique du patient pour mieux vivre avec la douleur.
Avec l’aimable relecture du Dr Marc Lévêque, neurochirurgien spécialiste de la douleur, Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône).
Article issu du cahier Formation du n°3557, paru le 12 avril 2025
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Tél : 06 49 72 16 11
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