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3/5 – Analyse d’ordonnance : douleurs neuropathiques et interactions médicamenteuses
Une patiente atteinte de douleurs neuropathiques récemment opérée d’une hernie discale se présente à l’officine avec une prescription d’amitriptyline pour compléter son traitement initial à base de gabapentine. Elle doit être informée des interactions, en particulier avec les médicaments d’automédication qui exposent à un risque avec ses traitements actuels.
Après une longue période de fortes douleurs, Odile H. a été opérée d’une hernie discale il y a 2 mois. À la sortie de l’hôpital, le neurochirurgien avait instauré une titration progressive de gabapentine pour traiter les douleurs neuropathiques. Mais Mme H. a été gênée par des vertiges et des nausées. Les doses ont été de ce fait limitées à 1 800 mg/jour, doses qui se sont révélées insuffisamment efficaces. Aujourd’hui, Mme H. avait une consultation avec son neurochirurgien, qui devant le manque de soulagement de la douleur, décide d’ajouter à la gabapentine, de l’amitriptyline.

Quel est le contexte de l’ordonnance ?
Que savez-vous de la patiente ?
Mme H. âgée de 62 ans vient régulièrement à la pharmacie son traitement préventif de l’ostéoporose à base de calcium et vitamine D.
Depuis 6 mois, elle souffre d’une douleur irradiante de type sciatique dans la jambe aggravée à l’effort. Elle a d’abord essayé de s’automédiquer avec du paracétamol, des patchs chauffants et des huiles essentielles. Petit à petit, l’intensité de la douleur a augmenté et Mme H. a senti qu’elle perdait de la force dans la jambe. Un scanner a révélé une hernie discale et le neurochirurgien qu’elle a consulté, a proposé de l’opérer. À sa sortie d’hospitalisation, le neurochirurgien avait prescrit du paracétamol et du tramadol sur quelques jours et de la gabapentine dont la posologie a été progressivement augmentée. Très gênée par les effets indésirables, la dose de 1800 mg par jour n’a pu être dépassée (la posologie maximale recommandée est de 3 600 mg/j). Les douleurs invalidantes, l’empêchent notamment de dormir.
Que lui a dit le médecin ?
Le neurochirurgien lui a expliqué que la dose tolérée de gabapentine n’est pas suffisante pour la soulager de façon satisfaisante. Il complète le traitement par des doses progressives d’amitriptyline. Il informe Mme H. qu’il s’agit d’un antidépresseur, qui possède des propriétés analgésiques indépendantes de ses propriétés antidépressives et un effet sédatif intéressant sur les douleurs nocturnes.
La prescription est-elle cohérente ?
Que comporte la prescription ?
La gabapentine, un antiépileptique gabapentinoïde qui agit en bloquant les canaux calciques voltage-dépendants et diminue ainsi la libération de neurotransmetteurs excitateurs, tels que le glutamate.
L’amitriptyline, un antidépresseur tricyclique qui inhibe la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline et renforce ainsi les voies inhibitrices de la douleur.
Est-elle conforme à la stratégie thérapeutique ?
Oui, la prescription suit la synthèse des recommandations françaises du traitement des douleurs neuropathiques de la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) de 2020. La gabapentine, traitement de 1re intention insuffisamment tolérée lors de l’augmentation des doses est complétée, en 2e intention, par un antidépresseur tricyclique, l’amitriptyline.
Les posologies sont-elles cohérentes ?
Oui. En cas de bithérapie, la SFETD recommande des posologies maximales plus faibles qu’en monothérapie. La dose de 1 800 mg par jour de gabapentine correspond à celle recommandée lorsqu’elle est utilisée en bithérapie.
L’amitriptyline doit être commencée progressivement à des doses comprises entre 3 et 25 mg. Ici, Odile commence le traitement par 5 mg puis augmentera progressivement le dosage par des paliers d’un mg en fonction de la tolérance jusqu’à un maximum de 25 mg.
Y a-t-il des interactions ?
L’association de gabapentine et amitriptyline doit prendre en compte un risque majoré de somnolence. Il convient d’en informer la patiente et de l’alerter sur les dangers liés à la conduite automobile, ainsi que de lui déconseiller la consommation d’alcool.
Y a-t-il des contre-indications ?
Non. Mme H. n’a pas d’antécédent cardiaque ni de facteurs de risque connus de glaucome par fermeture de l’angle qui contre-indiqueraient l’utilisation d’amitriptyline.
Quels conseils de prise donner ?
Concernant l’amitriptyline
S’agissant d’une initiation de traitement, il convient d’en préciser les modalités d’administration et d’alerter sur certains effets indésirables.
Utilisation
Le traitement pourra être débuté le soir même. La solution buvable d’amitriptyline s’administre grâce à un flacon compte-goutte. Positionner le flacon à l’envers et verticalement pour permettre la formation de gouttes identiques contenant la même quantité d’amitriptyline. Les diluer éventuellement dans de l’eau avant l’administration et les prendre de préférence le soir pour éviter les effets sédatifs.
L’ordonnance est ici rédigée en milligrammes. Il s’agit donc de bien expliquer à Mme H. qu’elle doit prendre 5 gouttes d’amitriptyline (1 mg d’amitriptyline équivaut à 1 goutte de solution) qu’elle peut augmenter de 1 mg (donc de 1 goutte) par palier de 3 jours a minima.
En cas d’oubli, si celui-ci est constaté dans la soirée, il pourra être rattrapé. Sinon, prendre la dose suivante à l’horaire prévue et ne pas doubler la dose.
Il faut informer la patiente que l’effet de l’amitriptyline n’est pas immédiat : Mme H. devrait pouvoir constater une diminution des douleurs dans 2 à 4 semaines. L’efficacité sera évaluée lors d’une consultation après 6 semaines de traitement aux doses maximales tolérées.
Effets indésirables
Les principaux effets indésirables sont les effets atropiniques (sécheresse buccale, tremblements, constipation, troubles visuels, troubles urinaires, tachycardie) et antihistaminiques (somnolence, prise de poids). Un risque d’hypotension orthostatique est également très fréquemment rapporté, et plus rarement un allongement de l’intervalle QT à l’électrocardiogramme.
La constipation et la sécheresse buccale peuvent être améliorées par une bonne hydratation (1,5 à 2 litres par jour). Une augmentation de la consommation de fibres mais aussi le recours à des laxatifs osmotiques ou de lest peuvent améliorer le transit. Insister sur l’importance d’une alimentation équilibrée (limitant les apports glucidiques et lipidiques) pour contrer le risque de prise de poids.
Les manifestations d’hypotension orthostatique peuvent être prévenues en conseillant à la patiente de se lever prudemment en deux temps et en évitant les environnements surchauffés.
La survenue de palpitations ou de douleurs thoraciques peut être le signe d’un trouble cardiaque qui nécessite d’avertir le prescripteur. De même, des difficultés urinaires ou une diminution du volume des urines peuvent être le signe d’une rétention qui doit être signalée rapidement au médecin.
Concernant la gabapentine
S’agissant d’un renouvellement de traitement il s’agit de vérifier que la patiente observe bien les modalités d’administration en 3 prises/jour et se rappelle les signes qui nécessiteraient de consulter en urgence (fièvre, éruption cutanée, œdème de la langue ou du visage).
Une semaine plus tard
Mme H. téléphone à la pharmacie : elle a toujours mal et elle veut savoir si en attendant que l’amitriptyline fasse son effet, elle peut prendre du tramadol qu’il lui reste dans son armoire à pharmacie. Le pharmacien déconseille la prise concomitante de tramadol avec l’amitriptyline, a fortiori en automédication. En effet, cette association expose à un risque grave de survenue d’un syndrome sérotoninergique (diarrhées, tremblements, hypersudation, troubles tensionnels, tachycardie, confusion). De plus, il faut impérativement décourager les automédications au tramadol et mettre en garde la patiente contre les risques d’abus et de dépendance. Il convient d’ailleurs de lui rappeler que depuis le 1er mars 2025, les prescriptions de tramadol sont obligatoirement rédigées sur une ordonnance sécurisée, comme celle des stupéfiants. Le pharmacien lui conseille même de rapporter les unités qui lui restent la prochaine fois qu’elle viendra à la pharmacie pour éviter tout mésusage de ce médicament. Le pharmacien questionne Mme H. pour savoir où elle en est des augmentations de dose d’amitriptyline et l’encourage à bien continuer son traitement en lui rappelant que son effet devrait commencer à se faire sentir d’ici quelques jours.
Qu’en pensez-vous ?
Quinze jours plus tard, Mme H. se plaint d’être enrhumée, elle a la gorge qui pique et le nez bouché. Elle demande du Fervex (paracétamol, acide ascorbique, phéniramine).
Le pharmacien peut-il accéder à sa demande ?
1) La spécialité demandée peut être délivrée
2) Ce médicament est à éviter avec le traitement de Mme H.
Réponse : il vaut mieux ne pas délivrer le produit. La phéniramine est un antihistaminique H1 aux propriétés anticholinergiques. En cas d’association avec l’amitriptyline, il y a une addition des effets indésirables atropiniques avec majoration du risque de rétention urinaire, de constipation ou de sècheresse buccale. L’effet sédatif est aussi majoré. La congestion nasale dont se plaint Mme H. peut-être aggravée par l’amitriptyline (effet anticholinergique). Il faut conseiller des lavages de nez au sérum physiologique et éventuellement un complément alimentaire à base de plantes, dépourvu d’effets anticholinergiques, comme ActiRub ou Activox-Flash’rub.
Avec l’aimable relecture du Dr François Jedryka, Centre d’évaluation et de traitement de la Douleur, CHU Nîmes (Gard), correspondant de l’équipe Inserm 1051, Institut montpelliérain des Neurosciences (Hérault).
Article issu du cahier Formation du n°3557, paru le 12 avril 2025
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