2/5 – Thérapeutique : les traitements de la DMLA

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2/5 – Thérapeutique : les traitements de la DMLA

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Publié le 19 septembre 2025
Par Patricia Willemin et Nathalie Belin
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Seule la forme exsudative de la DMLA bénéficie d’un traitement spécifique dont l’objectif est de ralentir l’évolution de la maladie et la perte de l’acuité visuelle. Des mesures hygiénodiététiques peuvent toutefois être conseillées pour ralentir la progression de la maladie.

Stratégie thérapeutique

Objectifs

Quel que soit le stade de la maladie, l’objectif est de limiter l’évolution vers une forme plus sévère, de conserver le plus longtemps possible une vision centrale efficace, voire de l’améliorer, et ainsi de limiter le retentissement de la maladie sur la qualité de vie des patients.

La prise en charge dépend du stade de la maladie, selon la classification Areds (age-related eye disease study). Son efficacité repose sur un dépistage précoce, sur une surveillance régulière et sur l’éducation du patient. Ce dernier doit connaître les signes justifiant une consultation ophtalmologique en urgence : baisse soudaine d’acuité visuelle, apparition d’un scotome central ou de métamorphopsies.

Mesures hygiénodiététiques

L’arrêt du tabac mais aussi la prise en charge d’une obésité et des autres facteurs de risque cardiovasculaires sont recommandés pour limiter l’évolution de la pathologie. Une alimentation riche en antioxydants et en certains pigments caroténoïdes que l’on trouve dans les fruits et légumes, ainsi que la consommation d’acides gras oméga 3 (présents notamment dans des poissons gras ou des huiles végétales) semblent avoir un effet protecteur et est, dans tous les cas, recommandée.

Une supplémentation micronutritionnelle d’antioxydants (vitamine C et E, zinc), de caroténoïdes (lutéine, zéaxanthine) et d’oméga 3 est recommandée, notamment en prévision de l’atteinte du deuxième œil : elle réduit d’environ 25 % le risque de bilatéralisation à 5 ans. Son efficacité est prouvée dans les formes exsudatives et également atrophiques. Elle est également fréquemment prescrite dans les formes précoces (stades 1, 2 et 3 de la classification Areds). La lutéine et la zéaxanthine sont des pigments faisant partie des caroténoïdes (la zéaxanthine est un isomère de la lutéine), apportés par l’alimentation et de préférence concentrés au niveau de la macula où ils jouent un rôle protecteur.

Les traitements de la DMLA

Seule la DMLA humide bénéficie d’un traitement qui repose en première intention sur les injections intravitréennes d’anti-VEGF.

Formes atrophiques

Aucun traitement médicamenteux n’est disponible dans les formes atrophiques de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Pouvant se compliquer de néovaisseaux et évoluer vers une forme exsudative qui constitue une urgence, l’éducation du patient est essentielle et repose sur une autosurveillance régulière de la vision, œil par œil, à l’aide par exemple de la grille d’Amsler, et sur des consultations ophtalmologiques programmées (1 ou 2 fois par an) : l’objectif est de déceler une éventuelle évolution de la maladie et d’intervenir en urgence en cas de baisse soudaine de la vision, de métamorphopsies ou d’un scotome central.

Lors de perte importante de l’acuité visuelle, la rééducation basse vision reposant sur des exercices développant la vision résiduelle, l’usage de systèmes optiques adaptés, l’intervention d’un ergothérapeute ou l’aménagement de l’espace de vie, sont proposés.

Formes exsudatives

L’objectif est de contrôler la prolifération anormale de vaisseaux sanguins (néoangiogenèse).

Les anti-VEGF administrés par injection intravitréenne constituent le traitement de première intention. Ils permettent une stabilisation de l’acuité visuelle, voire une amélioration de celle-ci les premiers mois ou années de traitement. Le traitement est d’autant plus efficace qu’il est commencé tôt : il est recommandé de l’instaurer dans un délai inférieur à 8 jours une fois le diagnostic établi, quel que soit le niveau d’acuité visuelle initial du patient. L’efficacité des anti-VEGF n’étant que transitoire, le traitement doit être répété dans le temps pour maintenir le bénéfice visuel.

En cas de mauvaise réponse au traitement, un changement d’anti-VEGF est réalisé. Des alternatives thérapeutiques peuvent également être discutées mais sont désormais peu utilisées :

  • la photothérapie dynamique est indiquée chez les patients présentant des néovaisseaux rétrofovéolaires (situés derrière la macula) et à prédominance visible (dont les limites sont bien observées lors d’une angiographie à la fluorescéine, à l’inverse des néovaisseaux occultes).
    Elle permet de limiter la perte de vision mais une amélioration visuelle n’est qu’exceptionnelle ;
  • la photocoagulation au laser n’est quasiment plus utilisée. Détruisant les néovaisseaux mais aussi le tissu rétinien sain en regard des néovaisseaux, elle ne s’adresse qu’aux rares cas de néovaisseaux choroïdiens extrafovéolaires (excentrés par rapport à la macula)​​​​​​.

Dans tous les cas, la forme exsudative nécessite de la part du patient une autosurveillance visuelle hebdomadaire.

Traitements

Anti-VEGF

Ce sont des médicaments d’exception dont la prescription est réservée aux spécialistes en ophtalmologie.

Molécules

Ils ciblent le VEGF-A, principal facteur de la prolifération des cellules endothéliales, de la néovascularisation et de l’hyperperméabilité vasculaire. Ce dernier agit en se liant aux récepteurs de la tyrosine-kinase VEGFR-1 et VEGFR-2.

Quatre molécules sont disponibles : le ranibizumab (Lucentis et biosimilaires), l’aflibercept (Eylea), le brolucizumab (Beovu) et le faricimab (Vabysmo). Elles ont une efficacité équivalente mais des fréquences d’injection qui diffèrent. Le choix de l’anti-VEGF de première intention revient à l’ophtalmologue.

Le ranibizumab est un fragment d’anticorps monoclonal humanisé recombinant, dérivé du bévacizumab (Avastin) à l’hôpital. Il est doté d’une affinité pour toutes les isoformes du VEGF-A, empêchant dès lors leur fixation aux récepteurs VEGF. Ce dernier est un antinéoplasique pouvant être utilisé hors autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le traitement de la DMLA dans le cadre d’une prescription compassionnelle. Non développé pour une utilisation intravitréenne, il n’est quasiment plus utilisé en raison de modalités de préparation complexes et des diverses spécialités désormais disponibles.

Le brolucizumab (Beovu) a un mode d’action similaire au ranibizumab.

L’aflibercept (Eylea) se fixe au VEGF-A et également au facteur de croissance placentaire (PIGF). Ce dernier agit en synergie avec le VEGF-A en se fixant sur les récepteurs VEGFR-1. Il favorise également l’infiltration leucocytaire et l’inflammation vasculaire.

Le faricimab (Vabysmo) inhibe 2 voies distinctes en neutralisant le VEGF-A et l’angiopoïétine-2 (Ang-2). L’Ang-2 provoque une instabilité vasculaire et potentialise les fuites vasculaires et l’inflammation.

Protocoles

Le traitement est le plus souvent introduit par 1 injection par mois pendant 3 mois consécutifs avec un minimum de 4 semaines entre 2 injections. L’évaluation de l’efficacité se fait 4 semaines après la troisième injection (par acuité visuelle, fond d’œil et tomographie en cohérence optique, ou OCT).

Les injections ultérieures peuvent se faire selon différents protocoles :

  • à intervalle fixe, mensuel pour le ranibizumab, tous les 2 à 4 mois pour les autres molécules ;
  • à la demande. Des injections ne sont réalisées qu’en cas de réactivation de la maladie ou de persistance de signe d’activité ;
  • avec extension de l’intervalle selon le schéma treat and extend. Une fois la stabilisation de la maladie obtenue, l’intervalle entre les injections est progressivement allongé de plusieurs semaines ou mois. Si une réactivation est constatée, le délai est raccourci. Il s’agit d’une approche proactive et personnalisée.

Effets indésirables

Les profils de tolérance anti-VEGF sont globalement similaires. Néanmoins, le brolucizumab présente un risque accru d’inflammations intraoculaires (vascularite rétinienne, occlusion vasculaire rétinienne) les 3 premiers mois nécessitant une surveillance renforcée.

Les principaux effets indésirables sont locaux et liés à l’injection intravitréenne. Les plus fréquents sont des hémorragies conjonctivales bénignes, la présence transitoire de corps flottants ou une vision floue transitoire, des douleurs oculaires légères à modérées. Le ranibizumab peut également induire très fréquemment des céphalées et des arthralgies. Par ailleurs, les anti-VEGF sont susceptibles d’engendrer une augmentation transitoire de la pression intraoculaire et, rarement, des cataractes post-traumatiques, des décollements de la rétine ou une endophtalmie (inflammation d’origine infectieuse des différents tissus de l’œil). Après l’injection intravitréenne, il convient d’informer les patients qu’ils doivent signaler sans délai tout symptôme évocateur d’endophtalmie ou de décollement de la rétine (douleur oculaire, aggravation de la rougeur de l’œil ou augmentation des corps flottants, photophobie, vision trouble).

Le risque d’événements thromboemboliques artériels (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral), potentiellement liés à un passage systémique du produit et à l’inhibition du VEGF, est considéré comme faible. Une réaction d’hypersensibilité impose de changer d’anti-VEGF ou d’opter pour la photothérapie dynamique.

Les femmes en âge de procréer doivent utiliser une contraception efficace durant le traitement et pendant au moins 3 à 4 mois après la dernière injection intravitréenne.

Vigilance !

Les contre-indications des traitements sont les suivantes.

Anti-VEGF : patients présentant une infection oculaire ou une inflammation intraoculaire active sévère.

Vertéporfine : patients atteints de porphyrie ou d’insuffisance hépatique grave.

Photothérapie dynamique

Peu utilisée, elle consiste en une occlusion des néovaisseaux après injection intraveineuse d’un photosensibilisant, la vertéporfine, qui a une forte affinité pour les néovaisseaux choroïdiens.

Principe

La vertéporfine (Visudyne), substance photosensibilisante injectée par voie intraveineuse, a une forte affinité pour les cellules à prolifération rapide, en particulier les néovaisseaux choroïdiens. Après 15 minutes, la zone à traiter est exposée à un laser infrarouge : la réaction photochimique induite conduit à une occlusion des néovaisseaux où s’accumule la substance sans lésion des tissus sains.

Les patients doivent être réévalués tous les 3 mois. En cas de récidive, le traitement peut être administré jusqu’à 4 fois par an.

Effets indésirables

Souvent transitoires, les plus fréquents sont des réactions au site d’injection (douleur, œdème, inflammation), des troubles visuels (vision trouble, diminution de l’acuité visuelle, photopsie, altération du champ visuel), des réactions de photosensibilisation (coups de soleil), des nausées et des douleurs lombaires liées à la perfusion. La photopsie correspond à une perception subjective d’impressions lumineuses comme des éclairs, des étincelles, etc.

En pratique

Dans les 48 heures suivant la perfusion, le patient doit respecter les consignes de non-exposition au soleil ou à une lumière intérieure forte (halogènes de forte intensité, lampes de bronzage, lampes des appareils médicaux et dentaires, etc.). Pour autant, il n’est pas recommandé de rester dans l’obscurité : l’exposition à une lumière ambiante douce favorise l’élimination du produit.

Interactions

L’association à des médicaments photosensibilisants (tétracyclines, sulfamides, diurétiques thiazidiques, phénothiazines, etc.) doit se faire avec prudence.

Photocoagulation au laser

Traitement de dernière intention, cette technique consiste à occlure les néovaisseaux excentrés par rapport à la macula par laser thermique. Après instillation d’un collyre anesthésiant et dilatation de la pupille, l’ophtalmologue ajuste le tir laser à l’aide d’un faisceau de visée. Après la séance, il est nécessaire de surveiller par des angiographies régulières qu’aucun vaisseau ne persiste ou ne récidive.

Supplémentation en vitamines et antioxydants

L’étude américaine Areds 11 a montré que la prise quotidienne d’antioxydants (500 mg de vitamine C, 400 UI de vitamine E et 15 mg de β-carotène) et d’oxyde de zinc (80 mg + 2 mg d’oxyde de cuivre pour compenser les effets du zinc) réduit le risque d’évolution de la maladie. À cette formule de supplémentation, l’étude Areds 2a évalué l’ajout ou la substitution du β-carotène par d’autres caroténoïdes (lutéine et zéaxanthine) et des oméga 3. Cela a permis de valider l’efficacité de la lutéine (10 mg) et de la zéaxanthine (2 mg) qui remplacent le β-carotène dans la plupart des compléments alimentaires proposés aux patients atteints de DMLA. Le β-carotène à forte dose (plus de 20 mg par jour) expose en effet, avec un niveau de preuve convaincant, à une augmentation du risque de cancer du poumon chez des fumeurs et anciens fumeurs.

Des études mettent également en avant un effet protecteur des oméga 3 à longue chaîne : acide eicosapentaénoïque ou EPA et acide docosahexaénoïque ou DHA. Le DHA contribue au maintien d’une vision normale pour un apport de 250 mg par jour.

Les compléments alimentaires commercialisés comportent des doses inférieures à celles recommandées (notamment en zinc, en vitamines C et E). Ils sont néanmoins cités dans les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) et sont indiqués en complément des règles hygiénodiététiques.

Rééducation et aides visuelles

La rééducation « basse vision », réalisée avec un orthoptiste spécialisé, vise à optimiser l’utilisation de la vision restante. Proposée lorsque la déficience visuelle devient significative en cas de DMLA atrophique ou dans les formes stabilisées de DMLA exsudative, elle nécessite une pleine participation du patient et doit être entreprise avec régularité.

​​​​​Les aides visuelles (système grossissant mono ou binoculaire, vidéoagrandisseur, caméra pour transmission de textes sur écran informatique, logiciel de grossissement des caractères, etc.) sont utiles dans les activités quotidiennes du patient, lui permettant de conserver son autonomie le plus longtemps possible.

L’essentiel

  • Outre les règles hygiénodiététiques et l’arrêt du tabac, une supplémentation micronutritionnelle sous la forme de compléments alimentaires (vitamines C et E, zinc, lutéine, zéaxanthine, oméga 3) peut être recommandée, notamment en prévision de l’atteinte du deuxième œil.
  • Le traitement de la DMLA exsudative nécessite une prise en charge rapide par des injections intravitréennes d’anti-VEGF, idéalement dans un délai inférieur à 8 jours une fois le diagnostic établi.
  • Des exercices de rééducation visuelle, le plus souvent associés à l’usage d’aides visuels et à l’intervention d’un ergothérapeute, permettent de compenser le handicap et de préserver l’autonomie dans les formes les plus avancées.

1 « The age-related eye disease study (Areds) : design implications. Areds report n° 1 ».

2 « Lutein + zeaxanthin and omega-3 fatty acids for age-related macular degeneration : the age-related eye disease study 2 (Areds 2) randomized clinical trial ».

Avec l’aimable relecture du Pr Laurent Kodjikian, chef de service adjoint du département d’ophtalmologie de l’hôpital de la Croix-Rousse à Lyon (Rhône), ancien président de la Société française d’ophtalmologie

Article issu du Cahier Formation du n°3559 du 26 avril 2025

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