À Brive-la-Gaillarde, la drague des moustiques tourne court

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À Brive-la-Gaillarde, la drague des moustiques tourne court

Publié le 16 mai 2025
Par Christelle Pangrazzi
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La commune corrézienne, encore (presque) épargnée par l’invasion du moustique tigre, tente un coup de poker biotechnologique : relâcher 10 millions de mâles stériles dans la nature d’ici octobre. Objectif ? Ruiner la vie amoureuse d’Aedes albopictus et ralentir sa prolifération galopante.

À Brive-la-Gaillarde, la guerre contre le moustique tigre prend des allures de série de science-fiction. Depuis début mai, 400 000 moustiques mâles rendus stériles par rayons X ont déjà été relâchés dans les rues. La raison ? Faire échouer les tentatives de reproduction d’Aedes albopictus.

Une parade nuptiale sous rayons X

La technique, baptisée TIS (Technique de l’insecte stérile), consiste à irradier les mâles pour les rendre stériles sans handicaper leur séduction (la cruauté des chercheurs a ses limites !). Ils restent performants en vol et attractifs pour les femelles mais… ils copulent pour rien. Déjà testée avec succès à l’étranger (Asie, Amérique du Sud), cette approche est une première sur le sol métropolitain. À Brive, l’objectif est ambitieux : réduire de 90 % les effectifs de moustiques tigres d’ici la fin de la saison. Coût de l’expérience : 52 000 euros, intégralement pris en charge par la ville.

La brigade du tigre toujours sur le pont

Malgré la mise en place de cette opération, la vigilance des habitants est sollicitée pour traiter les gîtes larvaires, vidanger les coupelles de pots de fleurs, surveiller les eaux stagnantes. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) estime que l’implantation totale du moustique tigre sur le territoire interviendra d’ici 2030. En effet, le micro-vampire peut décupler ses troupes chaque quinzaine : une femelle pond jusqu’à 300 œufs. Depuis son apparition dans l’Hexagone en 2004, ce moustique, capable de transmettre dengue, chikungunya et Zika, a progressé à grande vitesse : 96 départements colonisés en 2025, contre 71 deux ans plus tôt.

Vers un plan B… comme Biotech

Alors que les insecticides montrent leurs limites et que la lassitude des campagnes de prévention guette, l’expérimentation briviste aiguise l’intérêt des collectivités. Si les résultats sont probants, la TIS pourrait intégrer l’arsenal officiel de lutte contre les moustiques à l’échelle régionale, voire nationale.

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Éradiquer les moustiques : les autres solutions à l’étude

1. Piéger pour prévenir
La société provençale Qista a mis au point une borne biomimétique qui reproduit les signaux physiologiques émis par le corps humain. Le dispositif diffuse du dioxyde de carbone (CO₂) – détectable jusqu’à 60 mètres par les moustiques – et des leurres olfactifs. Attirées par ces émissions, les femelles, en quête de sang pour permettre la maturation de leurs œufs, sont ensuite aspirées et piégées. Ce mécanisme, protégé par trois brevets, aurait permis en 2024 d’éviter l’éclosion de 106 milliards de moustiques, selon l’entreprise. « Cela fait de nous le numéro un mondial de la protection des espaces publics contre le moustique », affirme son président Pierre Bellagambi (Les Échos). Qista revendique une réduction de 88 % des nuisances dans les zones les plus exposées.

2. Saboter la reproduction
Autre piste explorée : la neutralisation du comportement reproducteur. En Californie, des chercheurs ont modifié génétiquement des moustiques mâles Aedes aegypti pour les rendre insensibles aux sons émis par les femelles pendant l’accouplement. Résultat : ces mâles, sourds aux signaux de reproduction, perdent tout désir de s’accoupler. Relâchés en masse, ils pourraient freiner drastiquement la dynamique de reproduction.

3. Prédire pour mieux agir
Dernière innovation annoncée par Qista : l’intégration d’un module d’analyse d’image capable de différencier les moustiques capturés des autres insectes (phlébotomes, grains de sable…) en temps réel. Couplé à des données environnementales locales, ce système pourrait bientôt permettre de modéliser les risques d’infestation à 15 jours, à l’échelle de zones précises. Objectif : permettre aux autorités de calibrer leur politique de prévention, sur le modèle des alertes météo ou pollution. « On va reprendre la main sur les épidémies subies », promet Pierre Bellagambi.

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